Le groupe KNDS obtient le feu vert pour racheter Texelis Défense, fournisseur clé des blindés légers de l’armée française

L’Autorité de la concurrence a donné son feu vert « sans condition » à l’acquisition des activités défense de Texelis par le groupe franco-allemand KNDS. Ce rachat, qui concerne un fournisseur clé du programme Scorpion, s’inscrit dans un vaste mouvement de consolidation de l’industrie européenne de l’armement terrestre et sera finalisé début 2026.

Le groupe KNDS, né de la fusion entre Nexter (France) et Krauss-Maffei Wegmann (Allemagne), a obtenu l’accord de l’Autorité de la concurrence pour racheter l’activité défense de Texelis. L’organisme a validé l’opération « sans condition », considérant qu’elle ne portait atteinte ni à la concurrence ni à l’accès au marché pour d’autres industriels.

Texelis, société française implantée à Limoges, reste méconnue du grand public. Elle emploie 350 personnes et a réalisé en 2024 un chiffre d’affaires de 110 millions d’euros. Spécialisée dans la mobilité pour véhicules blindés, elle conçoit des châssis, boîtes de vitesses, moteurs et composants électroniques. Jusqu’ici liée au groupe Arquus (ex-Renault Trucks Defense), sa branche militaire sera isolée sous le nom « Texelis Defense » avant d’être absorbée par KNDS. La partie ferroviaire, « Texelis Transport », restera indépendante.

L’opération, lancée en janvier 2025 à travers des négociations exclusives, doit être finalisée au premier trimestre 2026.

Une logique d’intégration déjà bien engagée

Cette acquisition ne fait que formaliser une coopération industrielle déjà existante. Depuis 2018, Texelis et KNDS France sont engagés ensemble dans le programme Scorpion, qui vise à renouveler une partie de la flotte de blindés de l’armée française. Leur collaboration porte notamment sur le Serval, un blindé léger 4x4, commandé à 2 000 exemplaires pour livraison d’ici 2030.

Texelis fournit l’architecture mobile du véhicule (châssis, motorisation), tandis que KNDS assure l’assemblage final et l’intégration des équipements. Ce dispositif repose sur deux sites de production : l’usine Texelis à Limoges et l’établissement KNDS à Roanne.

Cette coordination déjà en place aurait pesé dans la décision de l’Autorité de la concurrence, l’objectif affiché étant de « renforcer les capacités industrielles » françaises. Mais au-delà des aspects techniques, l’opération s’inscrit dans une stratégie plus large de concentration industrielle militaire.

Consolidation militaire européenne sous influence atlantiste

Le groupe KNDS, dont le siège est à Amsterdam, se présente comme le pilier industriel du secteur terrestre européen. Il développe et fabrique des blindés à roues et à chenilles, de l’artillerie, des drones tactiques et des munitions. En 2024, KNDS a affiché un chiffre d’affaires de 3,8 milliards d’euros, en progression de 15 %, et des commandes atteignant 11,2 milliards (+44 %).

Ce développement rapide s’inscrit dans une dynamique de réarmement portée par les pays occidentaux. Fournisseur de matériel à l’Ukraine, KNDS se positionne aujourd’hui comme un outil de projection stratégique aligné sur les intérêts de l’OTAN, notamment dans le contexte géopolitique en Europe de l’Est.

Présentée comme une coopération équilibrée entre Paris et Berlin, la montée en puissance de KNDS reflète en réalité un alignement renforcé des industries militaires européennes avec les priorités de l’Alliance atlantique. En plaçant sous un même contrôle des technologies critiques de mobilité et de production de blindés, cette opération réduit les marges de manœuvre des États européens en matière d’autonomie stratégique.

La France, malgré son discours officiel sur l’indépendance de sa défense, confirme ici sa participation active à une logique d’intégration industrielle transnationale, pilotée dans un cadre politico-militaire commun avec l’Allemagne et les États-Unis. Une consolidation qui, au lieu d’ouvrir la voie à un équilibre mondial multipolaire, verrouille davantage les capacités militaires européennes dans une architecture de dépendance stratégique.