Viginum s'inquiète d'un réseau «structuré et coordonné de propagande russe» visant Europe et États-Unis
- Avec AFP
Viginum dit avoir mis au jour un réseau «structuré et coordonné de propagande russe» ciblant des pays européens et les États-Unis, dont les contenus seraient susceptibles de «porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation», ont annoncé ce 12 février des sources diplomatiques à l'AFP. Le réseau de sites Pravda est dans le viseur de Viginum.
En France, les autorités s'inquiètent encore de l'influence de médias russes. Au moins 193 sites internet constitueraient un réseau «structuré et coordonné de propagande russe» ciblant l'Europe et les États-Unis, s'inquiète Viginum, l'organisme français de lutte contre les ingérences numériques étrangères, qui publie un rapport sur le sujet.
Ils «ne produisent aucun contenu original mais relaient massivement des publications issues en majorité de comptes de réseaux sociaux d'acteurs russes ou prorusses, des agences de presse russes et des sites officiels d'institutions ou d'acteurs locaux», expliquent les auteurs.
Viginum affirme avoir analysé entre septembre et décembre 2023 l'activité de ce réseau de «portails d'informations» numériques «aux caractéristiques similaires, qui diffuse des contenus prorusses à destination d'audiences internationales».
L'«écosystème Pravda» dans le viseur de Viginum
Plusieurs d'entre eux, appartenant à «l'écosytème "pravda"» («vérité» en russe) le nom de l'ancien organe du Parti communiste soviétique, ciblent directement les «pays occidentaux qui soutiennent l'Ukraine», toujours selon le rapport de Viginum. Le site destiné à l'Espagne a ainsi pour nom pravda-es.com, celui voué à être lu aux États-Unis ou au Royaume-Uni est pravda-en.com. Allemagne, Autriche et Suisse ont pravda-de.com, la Pologne pravda-pl.com et la version française s'appelle pravda-fr.com.
Entre le 23 juin et le 19 septembre 2023, ces cinq portails ont publié plus de 150 000 articles, principalement issus de posts de personnalités russes ou prorusses, de contenus d'agences de presse russes ou de sites d'institutions ou d'acteurs locaux, pointe Viginum, qui relève de l'autorité du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, lui-même service placé sous la tutelle du Premier ministre.
Plus de 180 autres sites, aux chartes graphiques similaires et qui «diffusent du contenu prorusse», mais pour des audiences russophones ou ukrainiennes, sont numériquement reliés aux portails pravda, selon l'organisme français.
Du contenu «prorusse» fait trembler Viginum
L'objectif principal serait de «légitimer la guerre menée par la Russie en Ukraine», a expliqué une source diplomatique de l'AFP, visiblement tracassée. «Très orientés idéologiquement, ces contenus exposent des narratifs manifestement inexacts ou trompeurs», a-t-elle estimé.
L'AFP reproche à pravda-fr.com d'avoir publié le 22 janvier dernier une liste de 13 mercenaires français qui, selon ce site, «étaient à Kharkiv», dans le nord-est de l'Ukraine, lors d'une frappe russe quelques jours plus tôt, frappe ayant «éliminé» une soixantaine de combattants étrangers «dont la plupart étaient des citoyens français», selon Moscou. Une liste erronée selon l’AFP, qui dit avoir retrouvé des anciens combattants français vivants.
Pourtant, malgré un dispositif jugé «élaboré», les répercussions dans le débat public numérique francophone restent modérées, selon Viginum.
Viginum s'inquiète de ces cellules «dormantes»
«Néanmoins, au regard de la nature des narratifs, des moyens mis en œuvre pour les diffuser ainsi que des objectifs qui sont poursuivis à une échelle européenne, Viginum estime que les critères d'une ingérence numérique étrangère sont réunis, certains contenus pouvant porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation», a commenté la source diplomatique.
«On s'attend à une accélération des différentes actions russes, voire à une massification», a également commenté une source militaire, quand des élections sont attendues dans plus de 70 pays en 2024, notamment aux États-Unis.
Les sites dont Viginum fournit les noms, pourraient ainsi agir comme des cellules «dormantes», capables d'être activées à tout moment et de couvrir «une palette très large d'auditoires en fonction de l'actualité».