«Orwellien», «opération de com′»: en France, oppositions et syndicats tancent le discours de Bayrou sur le budget

Dans la foulée de la conférence de presse de François Bayrou, sur les difficultés budgétaires du pays, des syndicats et des élus d’oppositions ont fustigé une «opération de communication» du gouvernement, voire de «propagande», dénonçant une volonté de l’exécutif de poursuivre la même politique.
Le « diagnostic » du Premier ministre français quant aux difficultés budgétaires de la France a été fraîchement reçue, tant par les oppositions que par les syndicats qui avaient été conviés ce 15 avril à prendre part au lancement du « comité d'alerte sur le Budget ».
« J’ai surtout l’impression d’avoir assisté à un exercice de propagande pour […] nous convaincre qu’il va falloir poursuivre la même politique qui a échoué », a déclaré au micro de LCI le président de la commission des Finances de l'Assemblée nationale, Éric Coquerel, n’excluant pas une censure du prochain budget. « La manière dont ils étaient présentés, c’est plus de la propagande que la vérité », avait-il déjà réagi, quelques minutes plus tôt, auprès d’un journaliste d’une autre chaîne privée l’interrogeant sur le « constat » qu’aurait selon lui dressé François Bayrou.
Alors que ce dernier avait notamment mis en avant, à grand renfort de graphiques, le niveau d’endettement équivalent de l’Allemagne et de la France en 2000, le député LFI de Seine-Saint-Denis a rappelé à la presse que l’économie allemande avait depuis profité d’une monnaie européenne unique « trop forte pour nous » et « développée son commerce extérieur sur l’industrie », mettant en garde contre le risque de voir ce différentiel s’aggraver davantage « si cette politique est menée ».
« Ça ressemble à une grosse opération de com’ », a estimé sur X le député socialiste de l'Essonne Jérôme Guedj. La veille, annonçant le boycott de cette conférence, l’Association des maires de France (AMF) avait déjà dénoncé une « énième séquence de communication » dont ils n’entendaient pas être « les figurants ».
Effort budgétaire : les syndicats pointent le levier fiscal
Une séquence politico-médiatique également décriée du côté des syndicats. La secrétaire générale de la CGT Sophie Binet a dénoncé auprès de la presse une « opération de com’ du gouvernement », déplorant notamment une absence de « dialogue ».
« L'opération de ce matin est une opération de communication pour installer un climat anxiogène et infuser l'idée que les salariés doivent faire des sacrifices », a par ailleurs déclaré la syndicaliste. Interrogé sur les exigences de la CGT quant à un retour à la retraite à 60 ans, Binet a pointé du doigt les « dividendes qui explosent ». Une tendance qui selon elle « explique que la compétitivité et la productivité de notre pays s’effondrent ».
Par ailleurs « il ne doit pas être tabou de mettre à l’ordre du jour une augmentation des cotisations sociales et un élargissement de l’assiette de cotisations » affirmant que « la majorité des Françaises et des Français y sont favorables ». Lors de sa conférence de presse, François Bayrou a affirmé que « rien n'était tabou », notamment concernant les retraites. Le Premier ministre français avait néanmoins exclu toute hausse des prélèvements pour tenter de pallier à la pression budgétaire, dénonçant « un raisonnement intenable » et soulignant que la pression fiscale en France était déjà la plus forte au monde.
Recourir au levier fiscal, une piste également évoquée par la secrétaire générale de la CFDT Marylise Léon en appelant à la « justice sociale ». « Un impôt plus juste c’est celui qui fait plus contribuer ceux qui le peuvent », a-t-elle déclaré au micro de BFMTV, appelant le gouvernement à sortir de ses « dogmes » et « de la paresse intellectuelle ». « Arrêtez de nous dire "on ne touche pas à l’impôt" » a-t-elle enchainé, suggérant « plus de progressivité » dans le barème d’imposition ainsi que « regarder ce qu’on peut faire du côté des successions ».
«Ils veulent nous tondre comme les Grecs!»
« Nous ne laisserons pas passer des mesures contre les Français alors qu'il existe tant de gabegies et de mauvaise gestion des finances publiques ! » a lancé sur X
La cheffe de file des députés du Rassemblement national (RN) à l’Assemblée Marine Le Pen, estimant que l’exercice médiatique de François Bayrou n’était « pas à la hauteur de la grave crise des finances publiques que notre pays subit après sept années de macronisme ».
« C’était orwellien », a réagi Jean-Philippe Tanguy depuis le Palais Bourbon, interrogé sur une chaîne privée sur ce « discours de vérité » de François Bayrou. Regrettant une « matinée pour rien », le député RN de la Somme a taclé un « interminable enfonçage de portes ouvertes pour nous dire ce que tout le monde sait […] et tenter de nous faire oublier que monsieur Bayrou gouverne et cogouverne depuis sept ans avec la création de plus de 1 000 milliards de dettes et les pires déficits - en dehors de toute crise - que la Ve République ait connus ».
La succession d’annonces du gouvernement, quant aux efforts budgétaires auxquels devraient consentir les Français en 2026, a également fait réagir du côté des souverainistes. « Ils veulent nous tondre comme les Grecs ! » s’est insurgé, dans une vidéo publiée sur sa chaîne Youtube, le président des Patriotes Florian Philippot, pointant du doigt une austérité « inédite » et des oppositions « complètement endormies ».
Le 13 avril, au micro de BFMTV, le ministre de l’Économie Éric Lombard avait déclaré qu’il serait nécessaire d’effectuer un nouvel effort afin que la France retrouve un déficit de 3 % en 2029. Un effort qu’il avait alors chiffré à « 40 milliards d’euros ».