Emmanuel Moulin succède à Alexis Kohler : une transition sous haute tension à l’Élysée

Emmanuel Moulin remplace Alexis Kohler comme secrétaire général de l’Élysée, avec une certaine forme de continuité. Après huit ans de forte influence, Kohler, empêtré dans des affaires judiciaires, prend le départ, ouvrant une nouvelle page dans un contexte politique fragilisé.

Le 16 avril, Emmanuel Moulin, 56 ans, prend officiellement ses fonctions de secrétaire général de l’Élysée, succédant à Alexis Kohler. Ce haut fonctionnaire, diplômé de Sciences Po, de l’ESSEC et de l’ENA, est un pur produit de la technocratie française. Issu d’une famille protestante de Versailles, il s’est forgé un parcours marqué par des postes clés dans les sphères économiques et financières. Après un début de carrière à la Direction du Trésor, il a conseillé Christine Lagarde à Bercy (2007-2009) et Nicolas Sarkozy à l’Élysée (2009-2012), avant de rejoindre Emmanuel Macron dès 2017 comme directeur de cabinet de Bruno Le Maire, puis directeur du Trésor (2020-2024). En 2024, il a brièvement occupé le poste de directeur de cabinet de Gabriel Attal à Matignon.

« Monsieur Dette », un profil qui dérange

Surnommé « Monsieur Dette » par ses détracteurs, Emmanuel Moulin est un fervent défenseur de la politique de l’offre, favorable aux entreprises. Sa gestion des crises, des subprimes à la crise sanitaire, a souvent privilégié des aides massives au secteur privé, sans contreparties, contribuant à creuser la dette publique (de 97 % à 117 % du PIB en 2020). Sa nomination, saluée par les anciens ministres Bruno Le Maire et Gabriel Attal pour son expertise économique, est un signal de continuité dans un contexte de tensions commerciales mondiales, notamment avec les droits de douane imposés par Donald Trump.

Cependant, son passage devant la commission d’enquête sur les finances publiques en 2024 a été critiqué, son bilan à Matignon étant associé au dérapage des comptes publics (40 milliards d’euros de déficit en 2024).

Du côté des partenaires sociaux, le compte de Marcel Aiphan, très suivi et très actif pour défendre les mouvement sociaux a ainsi interrogé malicieusement : « Un courtisan pas très honnête ? ».

Avec une marge de manœuvre réduite par l’absence de majorité parlementaire, Emmanuel Moulin devra naviguer entre un rôle de « chef de gare » et ses ambitions réformistes.

Alexis Kohler : un départ provoqué par les affaires

Après près de huit ans comme secrétaire général de l’Élysée, Alexis Kohler, bras droit d’Emmanuel Macron depuis 2017, quitte son poste pour rejoindre la Société générale en juin 2025. Ce proche du président, également issu de l’ENA et des cercles rocardiens, a exercé une influence considérable, souvent comparé à un « vrai ministre de l’Économie ». Cependant, son mandat a été terni par des enquêtes judiciaires. Mis en examen pour prise illégale d’intérêts dans l’affaire MSC, un armateur lié à sa famille, Kohler est également visé pour des soupçons de conflits d’intérêts dans des contrats entre l’État et des entreprises privées. Ces affaires, bien que n’ayant pas abouti à des condamnations, ont alimenté les critiques sur le mélange des genres entre public et privé sous Macron. Le désormais ancien secrétaire général de l’Élysée s’était également attiré l’animosité des oppositions parlementaires en refusant d’être auditionné dans le cadre de l’enquête sur le dérapage des finances publiques en 2023-2024.

Alexis Kohler laisse un héritage contrasté : une rigueur technocratique et une loyauté sans faille à Emmanuel Macron, mais aussi une gouvernance autoritaire qui a parfois crispé Matignon, notamment avec François Bayrou. Sa proximité avec Emmanuel Moulin, qu’il avait recommandé pour Matignon en 2024, assure une transition fluide au sommet de l’État. Alors que l’Élysée entre dans les deux dernières années du quinquennat, Moulin devra imposer son style, plus rond et jovial, tout en gérant un président affaibli et un contexte économique explosif.