Indonésie: un mouvement de foule dans un stade fait plus de 120 morts, condoléances du monde du foot
- Avec AFP
Après que des supporters défaits ont envahi le terrain d'un stade indonésien, la police a fait un usage massif de gaz lacrymogène qui aurait provoqué un mouvement de panique dans les tribunes, et la mort de 125 personnes selon un dernier bilan.
L'Indonésie est endeuillée par l'une des pires tragédies jamais survenues dans un stade. Au moins 125 personnes sont en effet mortes dans un mouvement de foule, le 1er octobre, quand des milliers de fans ont envahi un terrain de football et ont été aspergés de gaz lacrymogène.
Le drame, qui s'est déroulé dans la ville de Malang, à l'est de l'île de Java, a aussi fait plus d'une centaine de blessés dans cet archipel d'Asie du Sud-Est où les rivalités entre supporters virent souvent à la catastrophe.
Ce qui m'a choqué c'est qu'ils n'ont pas pensé aux femmes et aux enfants
Des fans de l'équipe locale du Arema FC ont pénétré sur le terrain du stade Kanjuruhan après la défaite de leur équipe 3 à 2 contre celle de Persebaya Surabaya. C'était la première fois en plus de vingt ans que l'Arema FC perdait face à sa grande rivale de la ville voisine de Surabaya.
Le bilan, initialement de 127 morts, est monté à 174 morts, puis redescendu à 125 morts.
La police, qui a qualifié cet incident d'«émeutes», a tenté de persuader les fans de regagner les gradins et a tiré des gaz lacrymogènes après la mort de deux policiers. De nombreuses victimes ont été piétinées mortellement. Des survivants ont décrit des spectateurs pris de panique, bloqués par la foule, quand la police a lancé les gaz lacrymogènes.
Des images capturées à l'intérieur du stade montrent une énorme quantité de gaz lacrymogène et des personnes s'agrippant aux barrières, tentant de s'échapper. D'autres portaient des spectateurs blessés, se frayant un chemin à travers le chaos.
Grandes quantités de gaz lacrymogène
«Des policiers ont projeté du gaz lacrymogène, et les gens se sont aussitôt précipités pour sortir en se poussant les uns les autres et ça a provoqué beaucoup de victimes», a indiqué à l'AFP Doni, un spectateur de 43 ans, qui n'a pas voulu donner son nom de famille.
«Il n'y avait rien, pas d'émeute. Je ne sais pas ce qu'il s'est passé, il sont soudainement envoyé du gaz lacrymogène», a-t-il déclaré, ajoutant : «Ce qui m'a choqué c'est qu'ils n'ont pas pensé aux femmes et aux enfants.» Interrogé par l'AFP, Sam Gilang, un survivant, qui a perdu trois amis, écrasés par la foule, a évoqué un drame «terrifiant, absolument choquant».
«Les gens se poussaient [...] et beaucoup ont été piétinés en allant vers la sortie. Mes yeux brûlaient à cause des gaz lacrymogènes. Heureusement, j'ai réussi à grimper sur une clôture et j'ai survécu».
Le président indonésien Joko Widodo a ordonné ce 2 octobre «une évaluation complète des matches de football et des procédures de sécurité», après cet incident. Il a demandé à l'Association nationale du football de suspendre tous les matches jusqu'à une «amélioration de la sécurité». «Je regrette profondément cette tragédie et espère que cette tragédie liée au football sera la dernière dans notre pays», a-t-il déclaré dans un discours télévisé.
Le stade contenait 42 000 personnes et était au complet selon les autorités. Quelque 3 000 d'entre eux ont envahi le terrain en signe de colère après la rencontre. Un état de fait désolant devant le stade témoigne des agitations de la veille : des véhicules calcinés, dont un camion de police, jonchent les rues. La police a fait état de 13 véhicules brûlés.
Nous présentons nos excuses aux familles des victimes
Le gouvernement indonésien a présenté ses excuses pour ce drame. «Nous sommes désolés pour cet incident [...] C'est un incident regrettable qui "blesse" notre football à un moment où les supporters peuvent assister à un match dans un stade» après une longue interruption pendant la pandémie de Covid-19, a déclaré le ministre indonésien des Sports et de la Jeunesse Zainudin Amali à la chaîne Kompas.
Mea culpa également du côté de l'Association de football d'Indonésie (PSSI), qui a suspendu tous les matches prévus cette semaine. «Nous sommes désolés et nous présentons nos excuses aux familles des victimes et à toutes les parties», a déclaré le président de PSSI, Mochamad Iriawan.
«Le monde du football est en état de choc», réagit le président de la Fifa
La violence des supporters est un problème en Indonésie, où les rivalités de longue date se sont transformées en affrontements mortels.
Certains matches – le plus important étant le derby entre Persija Jakarta et Persib Bandung – sont si tendus que les joueurs doivent s'y rendre sous haute protection.
Les ultras de Persebaya Surabaya n'avaient pas été autorisés à acheter des billets pour le match, de crainte d'incidents. Le secrétaire général de l'Association nationale de football, Yunus Yussi, a indiqué avoir communiqué avec la FIFA et espère éviter des sanctions de l'organe international. Au cours d'une conférence de presse, il a expliqué que la police avait utilisé des gaz lacrymogènes à l'intérieur du stade car «elle devait prendre des mesures pour empêcher» les fans d'envahir le terrain.
Un jour noir pour tous ceux qui aiment le football
Le président de la Fédération internationale de football Gianni Infantino a commenté dans un communiqué «une tragédie au-delà de l'imaginable». «Le monde du football est en état de choc après les tragiques incidents en Indonésie», a ajouté le dirigeant suisse, parlant d'«un jour noir pour tous ceux qui aiment le football».
Le chef de la Confédération asiatique du football, a également exprimé ses regrets face aux pertes humaines. «Je suis profondément choqué et attristé d'apprendre des nouvelles aussi tragiques venant d'Indonésie, un pays où l'on aime le football», a déclaré Salman bin Ebrahim Al Khalifa dans un communiqué. En Espagne, une minute de silence sera observée dans les stades avant les matches de championnat de dimanche en hommage aux victimes de la catastrophe, a annoncé la Liga.
L'Indonésie doit accueillir en 2023 la Coupe du Monde U-20 dans plusieurs stades du pays, mais celui de Malang n'en fait pas partie. En 1989, un mouvement de foule au stade de Hillsborough en Grande-Bretagne avait causé la mort de 97 fans de Liverpool et en 2012, le stade de Port Said en Egypte avait connu une autre tragédie avec 74 morts.
In 1964, 320 personnes sont mortes et plus d'un millier a été blessé dans un mouvement de foule au stade national de Lima au cours d'un match de qualification entre le Pérou et l'Argentine.