Polémique : les Américains ont-ils communiqué aux Taliban des noms d'Afghans «à risque» ?
Le chef des républicains à la Chambre des représentants s'est notamment indigné, alors que les Etats-Unis sont accusés d'avoir donné à des responsables Taliban des noms d'Américains ou d'Afghans «à risque» voulant se rendre à l'aéroport de Kaboul.
Les Etats-Unis ont-ils partagé avec les Taliban des listes de noms d'Américains ou d'Afghans «à risque» pour faciliter leur évacuation ? Cette hypothèse, pas vraiment démentie par Joe Biden – déjà sous le feu des critiques après le fiasco de la conquête-éclair de Kaboul par les Taliban et l'attentat de Daesh dans lequel 13 militaires américains ont perdu la vie –, a généré bon nombre de réactions de la part de ses opposants à Washington.
La polémique est partie d'un article du site Politico, qui a rapporté le 26 août que des responsables américains à Kaboul avaient donné aux Taliban «une liste de noms de ressortissants américains» et «d'alliés afghans afin de leur permettre l'entrée» à l'aéroport.
C'est possible mais je ne suis pas au courant
Interrogé lors d'une conférence de presse le même jour, le président américain a semblé reconnaître cette possibilité. «Je ne peux pas vous dire avec certitude s'il y a vraiment eu une liste de noms. C'est possible mais je ne suis pas au courant», a-t-il expliqué. «Cela ne veut pas dire que cela n'a pas eu lieu, qu'on ait pu dire "Voilà les noms de 12 personnes qui arrivent, laissez-les entrer", c'est tout à fait possible.»
Biden a même directement confirmé que l'armée américaine avait parfois «contacté ses homologues militaires au sein des Taliban pour leur dire, par exemple : "Ce bus arrive avec tant de personnes, ou avec tel groupe de personnes à bord"». «Jamais dans l'histoire de ce pays nous n'aurions pensé que notre propre gouvernement pourrait donner des noms d'Américains aux Taliban», s'est indigné en réaction le chef des républicains à la Chambre des représentants, Kevin McCarthy.
Washington défend une indispensable «coordination» avec les Taliban
Le dirigeant républicain a reproché au président démocrate de n'avoir pas «créé les conditions» d'une évacuation sûre. D'autres ont même accusé le gouvernement d'avoir livré aux Taliban des «listes de personnes à tuer», s'agissant des Afghans jugés en danger de représailles de la part des nouvelles autorités islamistes de Kaboul pour avoir travaillé avec les Etats-Unis.
Face au tollé, des responsables américains se sont employés à défendre une indispensable «coordination» avec les Taliban, qui contrôlent l'accès à l'aéroport, pour mener à bien les évacuations.
«L'idée que nous fournissons aux Taliban des noms, ou des informations d'identification personnelle, de manière à exposer quiconque à des risques supplémentaires est simplement fausse», a martelé le porte-parole de la diplomatie américaine, Ned Price.
Le diplomate a évoqué des «tactiques efficaces» pour faciliter l'arrivée à l'aéroport, estimant qu'elles avaient porté leurs fruits en permettant l'évacuation de dizaines de milliers de personnes depuis mi-août.
Il a également estimé que le fait que «la grande majorité du personnel local» de l'ambassade américaine avait pu «rejoindre l'aéroport en toute sécurité» pour partir en était la preuve : «Il s'agit de personnes contre lesquelles on peut penser que les Taliban voudraient se venger», a-t-il souligné. «Ce qui est très important en ce moment, c'est, sur le terrain, de s'assurer que quand des gens approchent des barrages, que les Taliban qui dirigent ces barrages sachent qui arrive, quels documents ils sont censés avoir», afin de «faire entrer les gens aussi vite que possible», a pour sa part déclaré le général Hank Taylor devant la presse.
Des responsables américains ont notamment évoqué la possibilité de partage d'indications sur des véhicules ou des convois, comme des numéros de plaques d'immatriculation ou leur heure d'arrivée à l'aéroport, sans exclure catégoriquement que des noms aient pu, ponctuellement, être fournis.