Pour Madi Seydi, ancienne attachée parlementaire et ex-porte-parole du mouvement des jeunes du parti de Nicolas Sarkozy, la relation du nouveau Premier ministre français avec Emmanuel Macron «n’est pas gagnée».
RT en français : Emmanuel Macron se tourne donc vers l'ancienne école, comme on dit. Qu'est-ce qui a influencé son choix, selon vous ?
Madi Seydi : Comme vous le savez, ça faisait presque 60 jours qu'on avait un gouvernement vacant. Et Emmanuel Macron a fait pas mal de consultations avec comme première priorité de pouvoir nommer un chef de gouvernement qui pourrait assurer une certaine stabilité. Il a consulté tous les groupes politiques, au regard de cette absence de majorité réelle qui, en réalité, n'émane d'aucun parti politique. Ils étaient obligés d'avoir des gages, notamment un gage de stabilité, une personnalité qui ne serait pas nommée récusée à l'Assemblée nationale. Il semblerait qu'il a trouvé la personne qui cochait toutes les cases, Michel Barnier, qui est plutôt une personne consensuelle, qui a été adoubé par son parti politique LR, qui est vu comme un homme de centre droit. Il a cette capacité à négocier, à aller chercher peut-être les voies qui pourraient manquer pour faire passer des propositions de loi à l'Assemblée nationale.
RT en français : Le NFP menace de censurer le gouvernement de Michel Barnier. Vous y croyez ? Est-ce que l'aile gauche réussira à rassembler la majorité pour le faire ?
M. S. : Sur le papier, c'est faisable, sauf qu'il leur faudrait une majorité. Et cette majorité, à l'Assemblée nationale, ils ne l'ont pas. Comme vous pouvez le voir, ils ont lancé une pétition. Ils sont à un peu plus de 70 députés qui ont signé. Ce n'est pas la totalité du NFP, mais je pense que la totalité pourrait la signer. Il faut porter ce sujet à l'Assemblée nationale, mais il ne faut pas oublier qu'ensuite, ça doit être porté devant le Sénat. Et malheureusement, au Sénat, ils n'ont que très peu, pour ne pas dire pas de représentants. La droite est majoritaire (LR). Il est peu probable que ça puisse passer.
RT en français : Pensez-vous que du côté d'Emmanuel Macron, Michel Barnier coche beaucoup de cases aujourd'hui ? Représente-t-il une réelle figure de compromis ?
M. S. : En tout cas, il coche beaucoup de cases. Il est expérimenté, il a l'expérience de la diplomatie, il a été ministre des Affaires étrangères. Il a une vraie expérience politique. Il a également été le représentant pour négocier le Brexit. C'est une personnalité qui est respectée, c'est un vrai homme d'État. Donc en ce sens, je pense qu'il a des capacités à rassembler pas seulement son camp, les LR. Le Rassemblement national dit qu'il ne posera pas systématiquement de censure, donc ils sont prêts à discuter. Je pense qu'il a la capacité à aller chercher à droite, au centre droit et peut-être au centre gauche. En tout cas, c'est sa mission aujourd'hui. Après, Michel Barnier, c'est un homme de droite. Il a été candidat à la primaire LR. Il avait fait des propositions sur l'immigration notamment, sur le pouvoir d'achat. C'est quelqu'un qui a des convictions. Dans la position dans laquelle il est, ce n'est pas tout à fait une cohabitation. Mais dans les faits, ce sera une sorte de cohabitation. Il devra se battre au sein de l'Assemblée nationale, mais ce n'est pas gagné non plus dans sa relation avec Emmanuel Macron.
RT en français : Justement, pensez-vous que la France aura un gouvernement penchant à droite ? Et si oui, pourriez-vous imaginer la distribution des portefeuilles clés ?
M. S. : Je pense que si Emmanuel Macron a choisi un Premier ministre de droite, c'est parce qu'il a conscience qu'en réalité, la France penche plutôt à droite. D'ailleurs, quand on additionne les scores, la France est plutôt à droite. Donc ce sera une politique de droite qui sera menée, quoi qu'on en dise. Après, sur la distribution des postes, ce sera certainement un gouvernement de coalition. Et évidemment, il n'y aura pas d'extrême gauche. Le RN a déjà dit qu'il ne souhaitait pas participer à ce gouvernement. J'imagine que ce sera un gouvernement allant du centre droit à la droite traditionnelle, donc LR.
RT en français : Pensez-vous que Michel Barnier ait une ambition présidentielle pour 2027 ou est-il encore trop tôt pour le dire ?
M. S. : Je pense que ça fait partie des cases qu'on doit cocher pour pouvoir travailler avec Emmanuel Macron : ne pas avoir d'ambition présidentielle. Sauf que dans la réalité, l'ambition présidentielle, elle peut naître pendant son mandat. Il n'y a aucune garantie qu'il n'ait pas d'ambition présidentielle, d'autant plus qu'il en a eu une pour les élections de 2022.
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