L’Arabie saoudite poursuit sa rivalité avec l’Iran en créant une coalition anti-terroriste sans y convier son voisin persan, estime Houchang Nahavandi, auteur du livre «Les grandes figures de l'Iran».
RT France : Pourquoi l’Arabie saoudite n’inclut-elle pas l’Iran dans sa coalition des pays musulmans?
Houchang Nahavandi : Ce n’est pas une coalition musulmane. C’est une coalition de certains pays arabo-sunnites et l’Iran n’est pas un pays arabe et la population iranienne est majoritairement chiite, à 80% à peu près. En plus il existe malheureusement une grande rivalité actuellement entre l’Arabie saoudite et l’Iran sur le plan des problèmes du Moyen et du Proche Orient.
RT France : En quoi consiste cette rivalité ?
Houchang Nahavandi : Au temps de la monarchie, l’Iran était plutôt le garant de la paix de la région du Golfe persique. Actuellement l’Arabie saoudite veut se poser en rivale d’un Iran qui n’est pas le même Iran qu’il y a 40 ans. C’est-à-dire qu’il y a aussi des visées déstabilisatrices dans la région, et puis l’Arabie saoudite veut se poser en leader des pays du Golfe persique, ce qui avec la présence de l’Iran ne serait pas imaginable. Quel que soit son régime, l’Iran est le pays le plus puissant et leader de la région du Golfe persique, ce qui explique pourquoi il y a une rivalité entre les deux.
RT France : Cette coalition est positionnée comme une coalition islamique antiterroriste. Est-ce que cette coalition vise à combattre le terrorisme ou a-t-elle d’autres buts, qui ne sont pas avoués ?
Houchang Nahavandi : Je crois que l’Arabie saoudite veut, en faisant beaucoup de publicité sur cette coalition, se dédouaner un peu de l’aide qui est apportée, peut-être pas directement, par le gouvernement aux djihadistes. Mais en tous cas, l’Arabie saoudite et l’Émirat du Qatar entre autres, apportent une aide financière considérable au terrorisme, enfin à Daesh et Al-Nosra, qui est la petite-sœur de Daesh en Syrie. De plus en plus dans l’opinion internationale on trouve que cela est assez bizarre, que deux pays proches du monde occidental, deux pays qui sont pratiquement des protégés des États-Unis, de la France et d’autres, apportent de l’aide aux mouvements subversifs en Syrie et en Irak. Je crois que l’Arabie saoudite veut se dédouaner devant l’opinion internationale de cette position qui est totalement hypocrite.
RT France : Cette coalition risque-t-elle d’aggraver cette opposition chiite/sunnite ?
Houchang Nahavandi : Cette opposition chiite/sunnite est une opposition un tout petit peu artificielle. Mais cela pourrait aggraver la situation.
RT France : Pourquoi pensez-vous que cette opposition est artificielle ?
Houchang Nahavandi : Depuis des décennies, les pays du Golfe persique et les pays chiites et sunnites ont vécu longtemps en paix. L’Egypte, qui est le plus grands pays arabe, le leader naturel du monde arabe, qui est un pays qui a vraiment une histoire, qui est une nation et un pays majoritairement sunnite, et n’a jamais été en conflit avec aucun autre pays, y compris avec l’Iran. Même chose pour quelques autres pays sunnites. Est-ce qu’il y a actuellement dans le monde un conflit entre catholiques et protestants? Pas du tout. Donc, c’est un conflit qui alimente des fantasmes, qui alimente disons, des intérêts non-avouables dans la région.
RT France : Certains médias estiment que cette coalition, créée par l’Arabie saoudite, est une réponse à la demande des États-Unis d’une plus grande implication des pays arabes dans la lutte contre le Daesh. Etes-vous d’accord ?
Houchang Nahavandi : Je crois que les États-Unis feraient bien d’abord de demander à l’Arabie saoudite et à quelques autres pétromonarchies du Sud du Golfe persique, de ne plus aider les mouvements subversifs en Syrie et en Irak. Il faut commencer d’abord par ceci. Mettre en place une coalition et de jouer un double-jeu ne sert à rien.
RT France : Est-ce que vous pensez que l’Arabie saoudite va vraiment engager une lutte antiterroriste ?
Houchang Nahavandi : Je ne peux pas vous dire. Il faut attendre un peu pour voir si c’est pour «faire semblant», comme on dit en politique. Ou si c’est une action profonde réelle. Il y a une chose, c’est que si la Turquie ferme vraiment ses frontières au terrorisme, si l’Arabie saoudite et le Qatar entre autres n’aident pas financièrement de façon directe ou indirecte Daesh et Al-Nosra, qui sont les mêmes choses, la guerre pourrait se terminer très rapidement. Ce qui n’est pas le cas actuellement. Il faut d’abord finir par régler le double jeu de certains pays qui entourent la Syrie. Ensuite on verra ce qui va se passer.
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