Le ministre de l’Intérieur allemand refuse d’exclure Huawei du futur réseau 5G
Dans une interview au plus influent quotidien économique allemand, Horst Seehofer a rejeté les «restrictions commerciales mondiales» que veut imposer Washington. La réponse de l’Europe à la 5G de Huawei est incertaine.
Le ministre fédéral de l'Intérieur Horst Seehofer ne souhaite pas empêcher les fournisseurs chinois d'équipements de télécommunications de prendre part à la mise en place du réseau allemand 5G. «Je suis contre le retrait d'un produit du marché simplement parce qu'il est possible que quelque chose se produise», a-t-il ainsi déclaré dans un entretien accordé au Frankfurter Allgemeine Zeitung le 18 janvier.
Dans la polémique concernant la participation de Huawei à l'expansion de la 5G allemande, Horst Seehofer rejette les «restrictions commerciales mondiales et générales» et affirme que la chancellière partage totalement son avis. Horst Seehofer estime que si les fournisseurs chinois étaient exclus, le développement du réseau serait retardé de cinq à dix ans.
«Je ne pense pas que nous puissions créer un réseau 5G en Allemagne à court terme sans la participation de Huawei», explique-t-il. Il appelle les Européens et les Allemands à permettre une vraie concurrence soulignant qu’aucune entreprise allemande n'est actuellement en mesure de mettre en place le réseau 5G, et que seules deux entreprises en Europe le peuvent.
A propos de la sécurité le ministre fédéral de l'intérieur concède dans son entretien : «Si nécessaire, nous pouvons installer des filets de sécurité supplémentaires.» Dans un précédent projet de loi défendu par le ministère fédéral de l'Intérieur, la loi n'imposait une vérification et une certification de sécurité que pour les composants installés dans le réseau central.
Dans le passé, l'Allemagne aurait utilisé un réseau Siemens, maintenant nous devons choisir entre des alternatives difficiles
Mais le ministre fédéral de l'Intérieur, souhaite que des entreprises telles que Huawei s’engagent par une déclaration à ce que l’ensemble des composants ne présente pas de risque pour la sécurité de l'Allemagne. En outre, Seehofer appelle à une option d'interdiction pour toute modification du système telle une mise à jour. «Ensuite, vous devez intervenir. Nous devons être protégés contre l'espionnage et le sabotage», a déclaré Seehofer.
Le président de la CSU et Premier ministre bavarois Markus Söder demande pour sa part qu’il soit plus fait appel aux compétences allemande. Mais il fait aussi un amer constat : «Dans le passé, l'Allemagne aurait utilisé un réseau Siemens, maintenant nous devons choisir entre des alternatives difficiles».
La Chine est également un partenaire économique important
A propos des appels de Washington à exclure Huawei, le ministre allemand répond : «Les Américains sont bien sûr notre partenaire le plus important en tant que partenaire économique, partenaire de sécurité et partenaires au sein de l'OTAN. Mais la Chine est également économiquement importante pour nous. Il s'agit donc aussi de traiter les uns avec les autres équitablement.»
A Bruxelles la nouvelle présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen est plus réservée et a récemment déclaré dans un entretien au magazine allemand Der Spiegel : «S'il existe un risque que les données des citoyens ou des entreprises soient exploitées en vertu [de la loi chinoise sur les services secrets], nous ne pouvons pas l'accepter.»
La loi à laquelle fait référence la dirigeante allemande oblige, en Chine, des entreprises comme Huawei à transmettre ses informations à l'Etat.
Plus rapide et puissante, la technologie 5G est un élément «clé pour des flux de données sécurisés en Europe», souligne Ursula von der Leyen. La Commission qu’elle préside s'apprête à faire des propositions de normes communes en Europe pour cette technologie.
«L'une de ces normes doit être que les entreprises qui nous fournissent ces technologies hautement sensibles soient indépendantes et ne puissent pas être contraintes par leurs gouvernements à transmettre des données», précise la cheffe de l'exécutif européen.
Les 28 veulent prendre en considération le «régime politique»
Les 28 pays ont convenus début décembre de «prendre en considération le régime politique dans lequel évoluent les fournisseurs originaires de pays tiers», afin de limiter les risques de sécurité liés au développement de la 5G sur le vieux continent. Une déclaration évitant de nommer la Chine et l'équipementier Huawei, pourtant présents dans tous les esprits.
La 5G en Europe est l'un des principaux sujets de crispation économique et politique entre l'Union européenne et la Chine au moment où les deux puissances veulent développer un nouveau partenariat stratégique en 2020. Washington a déjà exclu Huawei des Etats-Unis, et veut le faire bannir par l'UE en invoquant les risques d'espionnage pour le compte de Pékin.
Le nouveau commissaire européen au Marché intérieur et au Numérique, le Français Thierry Breton, a préféré mettre en exergue début décembre le savoir-faire européen en matière de 5G, citant le suédois Ericsson et le finlandais Nokia, qui a racheté le franco-américain Alcatel-Lucent.
#Huawei 🇨🇳 prévoit de lancer en #Europe un nouveau #smartphone#5G malgré les obstacles américains 🇺🇸#EtatsUnis#Mate30#technologie
— RT France (@RTenfrancais) 29 août 2019
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En France une loi prévoit de renforcer le contrôle des équipements de réseaux avant leur installation afin de garantir leur sécurité, mais aucune disposition ne cible spécifiquement le groupe chinois.
En Espagne, Italie, Pologne ou Grèce notamment, il est déjà prévu que les opérateurs utilisent Huawei dans leurs déploiements, aux côtés de ses concurrents, Ericsson et Nokia.
Ne pas fâcher les Five Eyes
En Angleterre, le Premier ministre britannique Boris Johnson a appelé les détracteurs de Huawei à proposer des alternatives à l'équipementier de télécoms chinois, qui dispose d'une avance sur ses concurrents dans la technologie 5G.
Interrogé le 15 janvier lors de l’émission de radio matinale BBC Breakfast, il a déclaré : «Les Britanniques méritent d'avoir accès à la meilleure technologie possible», soulignant que son gouvernement voulait mettre l'accent sur la modernisation des infrastructures et notamment donner accès à un internet à haut débit pour tous.
«Si des gens s'opposent à une marque ou une autre, ils doivent nous dire quelle est l'alternative», a-t-il ajouté, faisant allusion à l'avance de Huawei sur ses rivaux dans la 5G, la nouvelle génération de téléphonie mobile destinée notamment aux objets connectés.
Boris Johnson, qui bénéficie depuis les législatives de décembre d'une solide majorité au Parlement, a toutefois fait valoir qu'il ne voulait pas installer d'infrastructures qui «portent réjudice à [la] sécurité nationale» ou à la «capacité du Royaume-Uni à coopérer avec [ses] partenaires du réseau de renseignement Five Eyes», lequel rassemble, outre le Royaume-Uni, les Etats-Unis, le Canada, l’Australie et la Nouvelle-Zélande.
Mais le 13 janvier, le directeur du MI5 Andrew Parker avait assuré que le gouvernement britannique pouvait travailler avec Huawei dans la 5G sans compromettre ses liens avec les services de renseignement américains.
Enjeu européen pour Huawei
Plus de la moitié des 65 contrats signés par Huawei avec des opérateurs pour des équipements 5G, l'ont été avec des entreprises européennes.
Mais soucieux de convaincre les pays européens avant le déploiement des premiers réseaux 5G, le géant chinois des télécoms Huawei a fait savoir en fin d’année qu’il envisageait de construire une usine en Europe.
«Nous envisageons aujourd'hui de fabriquer nos propres composants [pour équipements 5G] en Europe, d'y avoir une base de production. On est en train de mener une étude de faisabilité pour ouvrir une usine en Europe. Dans quel pays ? Cela fait partie de l'étude de faisabilité » a déclaré à l'AFP son président Liang Hua qui a précisé que cette décision pourrait «intervenir très rapidement».
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