Coronavirus : avec 3 milliards d'euros de manque à gagner, la SNCF pourrait supprimer des postes
- Avec AFP
La faute à une longue grève et une crise sanitaire sans précédent, la SNCF accuse un manque à gagner de 3 milliards d'euros en quelques mois et appelle l'Etat à la rescousse, sans exclure des suppressions de postes. Les syndicats montent au créneau.
Confinement oblige, la SNCF doit se contenter d'un service minimum et n'engrange quasiment plus de recettes. Résultat : un manque à gagner de 2 milliards d'euros lié à la crise sanitaire, selon son PDG Jean-Pierre Farandou qui a sonné l'alarme le 3 mai sur France Inter.
Cette alerte est émise moins de trois mois après la grève contre la réforme des retraites, qui avait déjà amputé le chiffre d'affaires de la société ferroviaire de quelque 1 milliard d'euros en décembre-janvier.
«Ce sont des chocs importants, d'une ampleur qu'on n'avait jamais connue», a souligné le patron du groupe public qui avait enregistré 35,1 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2019.
Craignant que la situation financière de la SNCF, qui était dans le rouge en 2019 et cumulait une dette d'environ 35 milliards d'euros début 2020, ne s'aggrave davantage, le PDG en a appelé à l'Etat actionnaire à mots à peine voilés. «La notion d'un plan d'aides à la SNCF ne me paraît pas déraisonnable», a-t-il estimé, rappelant qu'Air France et Renault en ont bénéficié.
Jean-Pierre Farandou a fait valoir que la SNCF avait été un bon élève en matière de solidarité, avec ses TGV médicalisés (à ses frais), mais aussi ses transports de fret pour acheminer des produits pharmaceutiques et des céréales. «Je pense que la SNCF a démontré le caractère essentiel de ses services pendant cette crise pour les voyageurs», a argumenté le PDG.
Pas de «tabou» sur l'emploi
«[Face à la crise] nous allons réduire les investissements […], serrer les coûts de fonctionnement, jouer sur le fonds de roulement, sur la titrisation de certaines créances», a détaillé Jean-Pierre Farandou. Et de prévenir que la question de l'emploi n'était «pas un sujet tabou», évoquant ainsi pour la première fois depuis le début de la crise sanitaire de possibles suppressions de postes.
«Si la reprise est lente et si nous produisons moins de trains que par le passé, il ne sera pas anormal ou illogique d'ajuster le niveau d'emploi au volume d'activité», a-t-il affirmé, précisant que le sujet serait examiné «le moment venu en toute transparence avec les organisations syndicales». Selon un porte-parole de la compagnie, les éventuelles suppressions de postes se traduiraient «essentiellement sur le niveau d'embauches».
«Malsain», selon la CGT-Cheminots
Les propos du PDG de la SNCF ont fait vivement réagir les syndicats. Laurent Brun, secrétaire général de la fédération CGT-Cheminots, a ainsi estimé ce 3 mai sur RT France qu'il était «malsain de parler de suppression de postes», au beau milieu de la crise sanitaire.
C'est l'Etat qui force la SNCF à faire rouler les trains en dessous de leur seuil de rentabilité
«Diminuer le niveau d'emploi serait une erreur impardonnable», a pour sa part déclaré la CFDT dans un communiqué, disant s'opposer «à toute logique qui ferait payer la facture aux cheminots».
«C'est l'Etat qui force la SNCF à faire rouler les trains en dessous de leur seuil de rentabilité», a insisté sur RTL Eric Meyer, secrétaire fédéral de Sud Rail, appelant l'Etat à prendre ses «responsabilités». «En aucun cas, ce n'est aux salariés de payer la facture», a-t-il ajouté.
Un besoin de «rephaser la trajectoire financière du groupe»
Ces derniers jours, le gouvernement a semblé ouvert à un soutien, tout en restant vague sur les modalités d'une aide éventuelle à la SNCF. «Il y a […] un besoin de rephaser la trajectoire financière du groupe public», a déclaré le secrétaire d'État aux Transports, Jean-Baptiste Djebbari. «On va regarder comment on peut assurer que la SNCF garde bien ses moyens d'investissement», a assuré de son côté la ministre de la Transition écologique, Elisabeth Borne.
Reprise rapide des TER et Transiliens
Fixé au 11 mai, le déconfinement est un soulagement modeste pour la SNCF, qui va devoir réduire drastiquement ses capacités pour faire respecter les mesures de distanciation.
L'entreprise va s'attacher à faire «rouler le maximum de trains» de la vie quotidienne (TER, Transiliens), selon Jean-Pierre Farandou : 50 à 60% dès le 11 mai, «75% à la fin du mois de mai, et on espère être à 100% tout début juin.»
En revanche, dans la lignée des consignes gouvernementales qui limitent les déplacements à plus de 100 km du domicile, «peu de TGV» circuleront, avec une place sur deux occupée, notamment «pour assurer la reprise de la mobilité professionnelle entre la province et Paris».
«Quand vous limitez à la fois le nombre [de trains et] le nombre d'usagers qui peuvent être présents, forcément vous réduisez considérablement les recettes de l'entreprise», a insisté le 3 mai Laurent Brun, secrétaire général de la CGT-Cheminots, en appelant sur BFMTV à une «compensation financière de l'Etat».