Secret professionnel : l'écrivain et policière Agnès Naudin condamnée à six mois avec sursis
- Avec AFP
Le tribunal correctionnel de Nanterre a condamné Agnès Naudin, capitaine de police, pour avoir violé le secret professionnel en publiant dans un ouvrage des éléments d'enquêtes en cours.
Le verdict est tombé pour Agnès Naudin. Capitaine de police et écrivain, celle-ci a été condamnée ce 15 mai par le tribunal correctionnel de Nanterre à six mois de prison avec sursis et trois ans d'interdiction d'exercer le métier de policier, pour avoir violé le secret professionnel en publiant un livre évoquant des enquêtes en cours.
Dans son livre Affaires de famille, paru en 2018, la porte-parole du syndicat FSU Intérieur, qui était alors capitaine de police à la Sûreté territoriale des Hauts-de-Seine, évoquait trois affaires en cours.
Pendant l'audience le 13 mars, la policière de 39 ans avait expliqué avoir demandé l'accord des personnes impliquées, en changeant les noms et les lieux de commission des faits. «Je ne me serais jamais permis» de publier sinon, avait-elle assuré. «Pensez-vous vraiment qu'une personne suspectée dans une affaire criminelle, appelée par la capitaine chargée de son enquête encore en cours, peut donner un réel consentement ?», l’avait interpellé le procureur lors du procès.
«Vous reprenez à la virgule près des déclarations d'une audition»
«Madame Naudin ne semble pas avoir compris l'intérêt du secret professionnel», avait déploré le représentant du parquet. «Si on remet Mme Naudin en service, elle peut encore écrire sur des affaires en cours», avait-il prévenu. L’officier de justice déplorait notamment que l’ouvrage soit «du pain béni» pour la défense du prévenu dans une affaire de viol incestueux qui – hasard du calendrier – était jugée à Nanterre la même semaine. Dans son livre, la capitaine de police qualifiait l'adolescente de «garce» qui «mentait».
Dans son ouvrage, Agnès Naudin évoque également une enquête concernant un bébé secoué. «Vous donnez des éléments d'identité du père, l'âge de la nourrice, son statut marital... Vous reprenez à la virgule près des déclarations d'une audition», avait noté la présidente du tribunal. «Pourquoi autant de détails ?», lui demanda-t-elle, estimant que la policière aurait pu livrer son témoignage de «manière plus générale».
«Être policier, c'est au-delà du métier, c'est un état»
«J'avais une grande peur de trahir la réalité, de mal interpréter, j'ai voulu être au plus proche», s’était justifiée Agnès Naudin. «Quand j'écris, j'ai l'impression de faire quelque chose d'utile, qui servira aux autres. Je ne voyais pas d'éléments, dans ces détails, qui pourraient porter préjudice à l'enquête», avait-elle assuré.
Sauf que la violation du secret professionnel ne dépend pas de «la nature de l'information» révélée, mais de «la fonction exercée par la personne qui reçoit» l'information, rappelait le parquet pour qui tout élément, confié à un policier, est soumis au secret. «Être policier, c'est au-delà du métier, c'est un état», avait abondé la présidente. «A moins d'avoir été lobotomisée, comment avez-vous pu oublier votre qualité quand votre livre a été édité et est paru ?»
Du côté de la défense d’Agnès Naudin, son avocat avait souligné que la hiérarchie de la policière avait été informée de la publication du livre. Le parquet avait alors requis l'interdiction définitive d'exercer la profession de fonctionnaire de police et trois mois d'emprisonnement avec sursis. Ce 15 mai, après le délibéré, Agnès Naudin n'a pas souhaité s'exprimer.