La France condamnée par la CEDH pour défaut de protection des mineures victimes de viols

La Cour européenne des droits de l’Homme a condamné la France le 24 avril pour avoir failli à protéger trois mineures ayant dénoncé des viols. Une décision qui pointe des défaillances judiciaires et une «victimisation secondaire».
Le 24 avril, la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) a prononcé une condamnation unanime contre la France pour son incapacité à protéger trois mineures ayant dénoncé des viols, survenus alors qu’elles étaient âgées de 13, 14 et 16 ans.
Arrêt L. et autres c. France - répression pénale des actes sexuels non consentishttps://t.co/vRuoHeyMIp#ECHR#CEDH#ECHRpresspic.twitter.com/R7rnDFWQmL
— ECHR CEDH (@ECHR_CEDH) April 24, 2025
Cette décision, qui concerne trois affaires distinctes, met en lumière des manquements graves dans le traitement judiciaire des violences sexuelles sur mineures, notamment en matière d’évaluation du consentement et de prise en compte de la vulnérabilité des victimes.
Négligence des autorités françaises
Dans son arrêt, la CEDH reproche aux autorités françaises de ne pas avoir « dûment analysé » les circonstances entourant les faits, comme la consommation d’alcool, et d’avoir négligé la « particulière vulnérabilité » des adolescentes, liée à leur jeune âge. La Cour souligne que la France a manqué à ses obligations de mettre en place un système pénal efficace pour réprimer les actes sexuels non consentis, violant ainsi les articles 3 (interdiction des traitements inhumains ou dégradants) et 8 (droit au respect de la vie privée) de la Convention européenne des droits de l’Homme.
L’une des affaires, celle de « Julie » (nom d’emprunt), est particulièrement emblématique. Cette jeune femme, qui dénonçait des viols commis par plusieurs pompiers entre ses 13 et 15 ans, a vu les faits requalifiés en 2019 en « atteintes sexuelles sans violence », une décision qui avait scandalisé les associations féministes. Deux pompiers ont été condamnés en novembre 2024 à des peines avec sursis, mais la CEDH a jugé que Julie avait subi une « victimisation secondaire » à travers des propos culpabilisants et des stéréotypes sexistes, en violation de l’article 14 (interdiction de la discrimination). C’est la première fois que la France est condamnée pour ce motif.
Les deux autres cas concernent H.B., 14 ans, qui dénonçait des viols en 2020 dans un contexte de forte alcoolisation, et M.L., 16 ans, victime d’un viol après une fête. Dans ces affaires, la CEDH a pointé l’absence de diligence judiciaire, avec des procédures traînant jusqu’à huit ans pour aboutir à un non-lieu dans le cas de M.L. Aucun des agresseurs présumés n’a été condamné, renforçant le sentiment d’impunité.
Cette condamnation intervient alors qu’un projet de loi visant à intégrer la notion de consentement dans la définition du viol est en discussion au Parlement français. La CEDH, qui avait déjà interpellé la France en janvier 2025 sur cette question, insiste sur la nécessité d’un cadre juridique clair pour protéger les victimes. La France devra verser 25 000 euros à Julie et 15 000 euros à chacune des deux autres requérantes pour préjudice moral.
Ce verdict, qualifié de « coup de semonce » par l’avocat de Julie, Emmanuel Daoud, appelle à une réforme profonde du système judiciaire français pour mieux accompagner les victimes mineures et éviter leur « revictimisation ». Pour Paris c’est un nouveau rappel à l’ordre alors que la France est déjà régulièrement citée pour ses manquements en matière carcérale.