France : le Sénat renforce l’arsenal de lutte contre la fraude aux allocations chômage, la gauche s’insurge
© HJBC Source: Gettyimages.ruLe Sénat français a adopté une mesure visant à renforcer la lutte contre la fraude aux allocations chômage en autorisant France Travail à accéder à des données personnelles des allocataires et à stopper leur versement sur les comptes bancaires domiciliés hors Union européenne. La gauche estime qu’une «ligne rouge» a été franchie.
« France Travail, ce n’est que 0,01 % de la fraude ». Citée par Public Sénat, la sénatrice écologiste du Rhône Raymonde Poncet-Monge, a dénoncé l’adoption le 13 novembre par la chambre haute d’une disposition permettant aux conseillers de France travail (ex-Pôle emploi) de suspendre les allocations versées à des chômeurs soupçonnés de ne pas résider en France.
En l’occurrence, le texte autorise les conseillers à accéder aux données de connexion, aux relevés de communication des opérateurs téléphoniques ou encore aux fichiers des compagnies aériennes ainsi qu’au registre des Français établis hors de France. Si « plusieurs indices sérieux de manœuvres frauduleuses, de manquement délibéré à ses obligations ou de commission d’infractions » sont réunis par un agent de France travail, celui-ci peut alors suspendre – pour trois mois maximum – le versement des allocations au chômeur indemnisé concerné.
En effet, pour être indemnisé par France travail, un chômeur doit « résider sur le territoire national dans lequel s’appliquent les règles de l’assurance chômage », stipule le site de l’organisme. « Ce qui signifie que vous ne pourrez pas toucher d’indemnisation si vous partez vous installer à l’étranger au-delà d’une certaine durée, que ce soit pour travailler ou pour des congés », peut-on encore lire.
Dans la même veine, les sénateurs ont conditionné le versement de l’indemnisation chômage à la domiciliation des comptes bancaires en France ou dans l’Union européenne.
Un « précédent dangereux pour les libertés individuelles »
Sur les bancs de la gauche, on fustige ce tour de vis à l’encontre des allocataires, estimant qu’une « ligne rouge » aurait été franchie, estimant que cette mesure constituerait une atteinte à la protection de la vie privée.
« C’est introduire une forme de surveillance généralisée des demandeurs d’emploi assimilés à des fraudeurs potentiels », a ainsi dénoncé le socialiste Jean-Luc Fichet. « On est dans la caricature », a fustigé l’écologiste Raymonde Poncet Monge. « France Travail n’est pas démunie d’outils pour vérifier si les allocataires habitent en France. S’ils ont un doute sérieux, ils n’ont qu’à convoquer la personne physiquement », a-t-elle ajouté, citée par Public Sénat. La sénatrice du Rhône redoute un « précédent dangereux pour les libertés individuelles ».
« Si on veut diviser les gens, on ne fait pas mieux que ce type de texte et en particulier cet article-là », a pour sa part dénoncé le sénateur communiste du Val-de-Marne Pascal Savoldelli, dont le groupe avait déposé une motion visant à ne pas examiner le texte. Motion qui avait été rejetée.
La fraude aux prestations chômage aurait coûté 136 millions d’euros en 2024, selon les estimations de France travail, dont 56,2 millions d’euros provenant de la fraude à la résidence ou de travail à l’étranger non déclaré.