Les Républicains, première force de non-opposition à l’Assemblée ?
Surclassée par LREM au premier tour des législatives et divisée, la formation de droite parviendra-t-elle à constituer un contre-pouvoir ? A l’heure où certains de ses candidats appellent à la cohabitation avec le gouvernement, rien n’est moins sûr.
Comme annoncé depuis plusieurs semaines par les sondages, le mouvement d’Emmanuel Macron, allié avec le Modem, sort largement en tête du premier tour des élections législatives, avec 32,6% des voix, selon les premiers résultats pour la France entière. Le mouvement du président de la République devrait obtenir entre 390 et 445 sièges (sur 577) au second tour, selon la projection des instituts de sondage citée par l'AFP.
Largement distancés, Les Républicains et leurs alliés (20,9% selon les premiers résultats pour la France entière) occupent la seconde place, et semblent donc hériter du rôle de principale force d’opposition du pays.
Mais, alors qu’un boulevard se dessine pour le gouvernement mis en place par Emmanuel Macron, dont le mouvement devrait obtenir la majorité absolue au second tour (289 sièges sur 577), le parti de droite agira-t-il à l'Assemblée comme tel, ou s'orientera-t-il au contraire vers la cohabitation ?
Des Républicains En Marche
Après une campagne présidentielle axée sur le thème «ni gauche, ni droite», ou devrait-on dire «et gauche, et droite», Emmanuel Macron est parvenu à réaliser plusieurs prises de guerre, nommant les Républicains Edouard Philippe (Premier ministre), Bruno Le Maire (ministre de l’Economie), et Gérald Darmanin (ministre de l’Action et des Comptes publics) au sein de son gouvernement. C'est que le président a bien conscience que le PS hors d'état de nuire, il n'avait plus qu'à neutraliser la droite traditionnelle pour voir s'ouvrir un boulevard électoral.
.@BrunoLeMaire et @GDarmanin au gouvernement, le coup de grâce contre Les Républicains ? https://t.co/JCg5UYhFaRpic.twitter.com/8HnIEsGiIf
— RT France (@RTenfrancais) 17 mai 2017
Dans la foulée des ralliés En Marche !, des figures issues de la droite telles que les anciens ministre Jean-Louis Borloo et Nathalie Kosciusko-Morizet, ou encore le maire de Nice Christian Estrosi, ont signé un appel à «répondre à la main tendue» par le président de la République.
L’organisateur de la primaire à droite Thierry Solère, qui faisait lui aussi partie des signataires, ne cache d'ailleurs pas ses intentions. «Je ne suis pas En Marche, mais je veux que ça marche», déclare-t-il fin mai sur Europe 1 (et inlassablement à tout micro qui se tend). Il affirmera même plus tard à Marianne qu’une cinquantaine de candidats de la droite aux législatives sont disposés à voter «tous les textes [proposés par le gouvernement] qui vont dans le bon sens».
Un parti fracturé
Déjà affaibli par la défaite de son candidat François Fillon dès le premier tour de la présidentielle, le parti de droite semble donc partagé entre deux ailes.
Car d’autres Républicains plaident pour une droite imperméable, à l’image de Laurent Wauquiez qui n’hésitait pas à se dire «écœuré» par «ceux qui hier critiquaient violemment Emmanuel Macron et qui aujourd'hui se jettent dans ses bras», dans un meeting le 18 mai.
D’autres encore, comme le chef de file du parti aux législatives François Baroin, surfent sur l’ambiguïté, déclarant par exemple qu’une minorité LR à l’Assemblée n’aurait «rien de conflictuel», mais serait plutôt un «partage de responsabilités» avec le gouvernement.
On pourrait également penser à Alain Juppé, candidat malheureux à la primaire à droite, qui n’hésite pas à appuyer Aurore Bergé, qui le soutenait avant de rejoindre La République en marche.
Convergence des luttes (économiques)
Si certains candidats LR sont prêts à se mettre, au moins partiellement, En Marche durant le quinquennat, c’est que le mouvement du président leur a fait les yeux doux. Le 19 mai, La République en marche n’avait en effet investi personne dans une vingtaine de circonscriptions où des candidats LR-UDI, en majorité juppéistes ou lemairistes, se présentaient.
Par ailleurs, certaines mesures prônées par le gouvernement, en particulier la réforme du code du travail par ordonnances, ne sont pas forcément contraires, euphémisme, à ce que propose la droite.
«Comment voulez-vous que je m’oppose aux ordonnances ? Je les préconisais dans mon programme pour la primaire», avait par exemple fait remarquer le candidat malheureux à la primaire de la droite et du centre Jean-François Copé, assurant qu’il soutiendrait «sans hésitation» la réforme.
Emmanuel Macron annonce qu'il réformera le code du travail par ordonnances https://t.co/31XCXCkrvJpic.twitter.com/TZAkbIFHyS
— RT France (@RTenfrancais) 9 avril 2017
Et si Emmanuel Macron s’expose aux critiques de la droite pour sa volonté d’augmenter la CSG, des points de convergences politiques semblent néanmoins exister. «Après le 18 [juin], nous discuterons sur ce sur quoi nous sommes d'accord dans le projet de monsieur Macron. Il y a l'Europe, il y a le droit du travail, il y a l'école», avait ainsi lancé le secrétaire général des Républicains Bernard Accoyer sur France Info le 16 mai.
Opposition ou cohabitation ?
En passe de bénéficier d’une large majorité à l’Assemblée nationale et face à une opposition, dont une frange ne sera pas systématiquement son ennemie, Emmanuel Macron pourrait donc voir se dessiner un boulevard devant lui.
Les Républicains résisteront-ils à la tentation de voter un budget, une réforme ou une loi prônée par un ministre issu de leurs rangs ? Le parti, plus fracturé que jamais, parviendra-t-il à constituer une opposition cohérente face au président de la République ? Seul l’avenir le dira.
Lire aussi : Emmanuel Macron, la menace d'un président absolu ?