La France a-t-elle donné des papiers à un chef de Daesh ?
- Avec AFP
Ahmed H. a obtenu le statut de réfugié irakien en 2017 auprès de l'Ofpra. En France, il menait une vie discrète en Normandie, mais le 9 mars, il a été mis en examen pour «assassinats en relation avec une entreprise terroriste» et «crimes de guerre».
Réfugié politique en France et possiblement ancien cadre de Daesh, un Irakien, soupçonné d'avoir participé à un massacre dans son pays pour le compte de l'organisation djihadiste, a été arrêté et mis en examen en mars à Paris.
Arrivé en France à l'été 2016, Ahmed H. avait obtenu en juin 2017 le statut de réfugié politique auprès de l'Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides) lui donnant ainsi une carte de résident de 10 ans, a appris l'AFP le 7 juin d'une source proche du dossier. L'Etat lui a retiré ce statut protecteur dans la foulée de son incarcération.
Sa mise en cause par la justice pour ses liens présumés avec Daesh illustre de nouveau le fait que des djihadistes ont pu profiter de la crise migratoire pour pénétrer en Europe, une des plus grandes craintes des services de renseignement occidentaux.
Cet homme de 33 ans est soupçonné par la justice antiterroriste française d'avoir participé en juin 2014 au massacre du camp militaire de Speicher, à Tikrit, au nord de Bagdad.
Des hommes armés avaient alors enlevé des centaines de jeunes recrues de l'armée, essentiellement chiites, qu'ils avaient exécutées un par un, tuant jusqu'à 1 700 personnes dans cette ville alors occupée par les djihadistes de Daesh.
A l'été 2017, peu après l'obtention de son statut de réfugié, Ahmed H. avait été identifié et suivi par les services de renseignement, qui l'avaient ensuite signalé aux autorités judiciaires.
En novembre, le parquet de Paris décidait d'ouvrir une information judiciaire le concernant, confiée pour la première fois conjointement à des juges antiterroristes et à un de leurs collègues du pôle «crimes de guerre et crimes contre l'humanité» du tribunal de Paris, a fait savoir le parquet.
Le 6 mars, les policiers de la DGSI (Direction général de la sécurité intérieure) l'ont finalement arrêté à Lisieux, dans le Calvados, selon l'AFP qui évoque une source proche de l'enquête
Après deux journées d'audition en garde à vue, Ahmed H. a été mis en examen le 9 mars pour «assassinats en relation avec une entreprise terroriste» et «crimes de guerre», puis placé en détention provisoire, a annoncé le parquet de Paris, confirmant une information de TF1/LCI.
Ahmed H. est également poursuivi pour «association de malfaiteurs terroriste criminelle», «crimes de guerre par traitements inhumains et dégradants», «crimes de guerre par l'usage de moyens et de méthodes de combat prohibés».
Selon une source proche du dossier, cet homme qui menait une vie discrète en France a nié toute implication dans les faits. Contacté par l'AFP, son avocat, Mohamed El Monsaf Hamdi, n'a souhaité faire aucun commentaire.
Le suspect est recherché en Irak, mais la France refuse l'extradition
L'individu fait également l'objet d'une procédure judiciaire en Irak, où les autorités le soupçonnent d'avoir administré la région de Samarra, au nord de Bagdad, pour le compte de l'organisation djihadiste, selon la source proche de l'enquête. La France refuse d'extrader les ressortissants passibles de la peine de mort dans le pays où ils sont recherchés.
Avant lui, d'autres membres de Daesh ont emprunté les routes des migrants dans les Balkans pour pénétrer en Europe en se mêlant au flot des réfugiés fuyant la guerre en Syrie.
Une large partie de la cellule djihadiste qui a frappé la France et la Belgique, lors des attentats de 2015 et 2016 revendiqués par Daesh, était en effet parvenue à rentrer des zones de combat irako-syriennes en se mêlant aux civils.
L'enquête sur les attentats du 13 novembre à Paris et à Saint-Denis, qui ont fait 130 morts, s'attache d'ailleurs encore à retracer leur parcours et les soutiens dont ils ont bénéficié sur leur route, passée par la Grèce et les Balkans.
La France a enregistré plus de 100 000 demandes d'asile en 2017, selon des chiffres officiels qui confirment un bond des dossiers albanais devant les pays comme l'Afghanistan ou la Syrie.