«Une manœuvre d'avocats» : l'affaire Ferrand renvoyée au tribunal de Lille
Dernier rebondissement dans l'affaire Ferrand, chef de file des députés LREM : la cour de cassation a accédé à la demande de ses avocats, qui, arguant d’un possible conflit d’intérêt, avaient requis que l’affaire le visant soit transférée à Lille.
Après de nombreuses tribulations judiciaires, l’affaire de prise illégale d'intérêt visant Richard Ferrand, président du groupe La République en marche (LREM) à l'Assemblée, va être dépaysée de Paris à Lille. Cette décision fait suite à la demande des avocats de Richard Ferrand qui dénonçaient un possible conflit d'intérêt.
L’association anticorruption Anticor se battait depuis plus d'un an pour qu’une enquête concernant l’affaire des Mutuelles de Bretagne soit lancée. Me Jérôme Karsenti, l'avocat de l'association, a déclaré : «Anticor prend acte de cette décision. Elle regrette cette manœuvre dilatoire qui a fait perdre un an à la procédure et la compétence spécialisée du pôle financier parisien.» «C'est une manœuvre des avocats de Monsieur Ferrand qui ne souhaitent pas qu'une instruction ait lieu», a-t-il ajouté.
«Direction Lille», a sobrement commenté l’association AntiCor dans un tweet.
Richard Ferrand : direction Lille... https://t.co/daqBkM4OYS
— Anticor 75 (@Anticor75) 30 août 2018
Un plaignant en fonction au TGI
Le parquet national financier avait ouvert le 12 janvier 2018 une information judiciaire à la suite de la plainte avec constitution de partie civile de l'association anticorruption Anticor contre Richard Ferrand. Mais les avocats du chef de file des députés LREM, Philippe Bazire, Georges Holleaux et Frédéric Thiriez, avaient dès mars contesté le magistrat parisien membre de l'association anticorruption Anticor... à l'origine de la procédure judiciaire.
L'homme en question, Eric Alt, vice-président d'Anticor, avait représenté l'association lors de l’audition de partie civile le 28 février, auprès du juge Van Ruymbeke. Or, Eric Alt est également premier vice-président adjoint au tribunal de grande instance (TGI) de Paris (en quelque sorte collègue du juge chargé de l'instruction de la plainte). Ceci n’a pas manqué de faire bondir les avocats de Richard Ferrand et de sa compagne, même si Eric Alt est affecté au secteur prud'homal, et n'est pas en lien avec les jugements d'affaires de corruption.
Mais les défenseurs de Richard Ferrand ont averti en mars 2018 la procureure générale de Paris, Catherine Champrenault, d’un éventuel conflit d'intérêts. Cette dernière a donc fait la requête aux fins de dessaisissement du pôle financier de Paris auprès de la cour de cassation. Les hauts magistrats ont choisi de transférer l'enquête au TGI de Lille «afin de garantir l'impartialité objective de la juridiction saisie».
Les tribulations d'une affaire brûlante
C’est le dernier rebondissement du feuilleton judiciaire d’une affaire que les tribunaux semblent se renvoyer à loisir. Saisi par Les Républicains, le parquet national financier avait tout d'abord déclaré ne pas ouvrir d’enquête. Le parquet de Brest avait annoncé faire de même, arguant ne pouvoir disposer de faits «susceptibles de relever d’une ou plusieurs qualifications pénales permettant d’ouvrir une enquête préliminaire».
Finalement le parquet de Brest, saisi par Anticor, muni de nouveaux éléments dévoilés par la presse, avait tout de même saisi la direction interrégionale de la police judiciaire de Rennes d'une enquête préliminaire à l'encontre de Richard Ferrand.
Affaire Ferrand : @anticor_org dépose plainte pour abus de confiance https://t.co/hbAP5BhPkJ
— Anticor (@anticor_org) 1 juin 2017
Après l’avoir entendu, et mené des perquisitions, le procureur de Brest avait annoncé en octobre 2017 le classement sans suite de l'enquête visant l’éphémère ministre de la Cohésion des territoires, dans l'affaire des Mutuelles de Bretagne, en invoquant notamment la prescription de l'action publique.
L’association Anticor avait alors porté plainte à Paris en novembre 2017 pour relancer l'enquête qui visait le chef de file des députés LREM Richard Ferrand.
L'affaire Ferrand s'est révélé être le premier couac de la présidence d'Emmanuel Macron depuis les révélations du Canard enchaîné le 24 mai 2017. Selon l'hebdomadaire satirique, Richard Ferrand, ex-secrétaire général d'En Marche! et ministre du gouvernement d'Edouard Philippe, aurait favorisé la signature, par les Mutuelles de Bretagne, dont il était directeur général entre 1993 et 2012, d'un bail immobilier au profit de sa compagne, Sandrine Doucen. Les travaux réalisés dans ces locaux aux frais des Mutuelles de Bretagne auraient permis au couple d'encaisser une juteuse plus-value immobilière, selon le journal.