Procès Fillon : la défense Lévy suffira-t-elle à épargner l'ancien Premier ministre ?
Les dernières audiences du procès des époux Fillon et du suppléant Marc Joulaud ont eu lieu le 11 mars en attente d'un jugement qui interviendra le 29 juin. Les avocats de la défense ont chacun déployé leurs plaidoiries, parfois hautes en couleurs.
Ils doivent tous être relaxés, selon leurs avocats : la dernière journée du procès des époux Penelope et François Fillon et du suppléant Marc Joulaud intervenait le 11 mars au TGI de Paris après que le parquet financier avait réclamé jusqu'à cinq années de prison, dont deux ferme à l'encontre de l'ancien Premier ministre de Nicolas Sarkozy.
Les avocats de la défense se sont donc évertués à démontrer le caractère réel, à leur sens, du travail de Penelope Fillon en tant qu'assistante parlementaire de son mari, mais également à attaquer l'enquête qui aurait été menée entièrement à charge, selon le conseil de François Fillon, Antonin Lévy.
« Les témoins entendus au nombre 44 : qui sont-ils et pourquoi ont-ils été entendus? » Me Levy veut tous les citer pour démontrer visiblement le systématisme des enquêteurs qui n’auraient instruit qu’à charge laissant de côté les témoins à décharge pour Penelope Fillon
— Antoine B (@AntoineLaBoite) March 11, 2020
Celui-ci, dans une plaidoirie qui aura duré 2h30, s'est permis des traits d'humour, visant parfois des témoins à charge pour les Fillon, les enquêteurs ou le parquet, voire même le tribunal... La présidente, d'ordinaire totalement impassible, a parfois esquissé un demi sourire devant la gymnastique du fougueux Antonin Lévy alors que celui-ci brocardait sans retenue un certain témoin, décrit comme un ancien camarade de classe de François Fillon devenu aigri de la réussite de ce dernier, lui-même ayant intégré les renseignements généraux.
Le charme de Me Levy opère même sur la présidente qui se déride légèrement lors d’un de ses effets de manche, la salle semble s’amuser comme au théâtre, même Penelope rit doucement lorsque l’avocat étrille le témoignage à charge d’un ancien RG, décrit comme une personne frustrée.
— Antoine B (@AntoineLaBoite) March 11, 2020
L'avocat a tenu à reprendre les témoignages un à un pour démontrer comment, selon lui, l'enquête n'aurait retenu que les témoins qui chargeaient les époux Fillon et pas ceux qui accréditaient la thèse de la réalité du travail de Penelope Fillon.
Antonin Levy ironise sur le témoignage très scrupuleux d’un tailleur de chez Berlutti interrogé sur la confection d’un costume dans le sillage des révélations dans l’affaire Fillon. Sourires dans l’assistance notamment du côté des soutiens des Fillon.
— Antoine B (@AntoineLaBoite) March 11, 2020
Antonin Lévy s'est même volontiers fait l'avocat du diable, «assumant» selon ses propres mots, la part «machiavélique» de l'avocat de la défense qui doit pouvoir, d'après lui, déployer une «stratégie». Ainsi, d'une petite blague sur un tailleur de chez Berlutti, qui a fait sourire jusqu'au soutien des Fillon, à une autre sur les comices agricoles, en passant les rancœurs locales d'opposants politiques de second plan, les perquisitions houleuses de la France insoumise et même une saillie sur le badge d'Alexandre Benalla à l'Assemblée nationale, l'avocat est parvenu à ficeler un spectacle qu'il a fort bien mis en scène.
Sur un des témoins que Me Levy estime non pertinent : « Ce monsieur est militant du Front de gauche, ça n’en fait pas quelqu’un de mauvais évidement, cependant il précise que F.Fillon l’a battu neuf fois au plan local mais qu’il n’en garde aucune rancœur. »
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Antonin Lévy s'est même permis, enfilant à nouveau la robe de l'avocat du diable, un questionnement assez dur à propos de la femme de l'élu : «On ne peut pas en faire seulement une femme transparente, une mère de famille, une femme au foyer. Soit elle est une épouse dévouée, à la droite, ou la gauche du père, [...] pour ensuite lui préparer son bain chaud. Soit on lui confie cette table d’une dizaine de personnes car elle a un véritable rôle politique local. [...] Ça veut dire quoi le rôle social d'une épouse ? De lui pondre des gosses, pardonnez-moi, et de se comporter en bonne femme au foyer, c’est ça qu’on veut lui faire croire ? [...] Si c'est le rôle traditionnel de l’épouse, où est la femme de Marc Joulaud ? Nulle part.»
Se faisant l’avocat du diable, Antonin Levy se demande si ce qu’a accompli Penelope Fillon serait normal pour une femme de député : « Pondre des gosses (...) aller aux repas des vieux... préparer un bain chaud pour son mari... on n’est même pas au 19e siècle là ! »
— Antoine B (@AntoineLaBoite) March 11, 2020
De cette défense, on pourra retenir surtout la volonté des avocats de démontrer que le contexte médiatique et la pression de la campagne présidentielle de 2017 auraient en partie permis l'émergence de l'affaire. A cet égard, plus sérieux, Antonin Lévy a déclaré : «Dans cette époque de passion et de discrédit de la politique, tout a été dit je crois. Sauf l’essentiel. C'est une chose toute simple : la vérité.»
C'est aussi la défense qu'a choisie Jean Veil, le très flegmatique avocat de Marc Joulaud qui a succédé à Antonin Lévy à la barre pour seulement quelques minutes d'une plaidoirie placide. Le fils de Simone Veil, qui s'est dit «inquiet pour l'avenir», a ainsi interrogé : «Qui restera-t-il pour faire de la politique ?»
« Il n’y a aucune raison pour que ces personnes soient mises au ban de la société même parfois quand elles ont été blanchies et qu’on l’ignore, toute leur vie en est marquée... qui va faire de la politique? Qui va rester pour faire de la politique? » questionne Jean Veil.
— Antoine B (@AntoineLaBoite) March 11, 2020
Il a ensuite tenté d'expliquer le rôle de Marc Joulaud, le suppléant, un peu gaffeur au début de sa carrière, qui avait besoin du soutien Penelope Fillon pour mener à bien sa mission locale en lieu et place de François Fillon : «Concernant le choix de Mme Fillon, on a dit que c’était un choix financier. Non : C’était le meilleur choix que l’on pouvait faire. [...] Pour éviter des gaffes, puisqu’il était gaffeur, Penelope Fillon était le bon choix.»
Me Veil souligne également l’aide que Penelope Fillon a pu apporter à Marc Joulaud au début de sa carrière. « Concernant le choix de Mme Fillon, on a dit que c’était un choix financier. Non : C’était le meilleur choix que l’on pouvait faire »
— Antoine B (@AntoineLaBoite) March 11, 2020
Invariablement, tous les avocats ont demandé la relaxe de leurs clients, Marc Joulaud, Penelope et François Fillon, estimant que ce n'était là que justice, que ces derniers ne s'étaient pas dérobés face à l'accusation et s'étaient montrés diligents.
Le contexte qui a permis l'émergence de cette affaire peut effectivement paraître déjà loin quoique ne remontant qu'à 2017 et Antonin Lévy n'a pas manqué de le rappeler en conclusion de sa plaidoirie, s'adressant au tribunal : «J’ai souvent entendu dire que vous ne pouviez que condamner dans cette affaire sans quoi cela donnerait l’impression que l’élection présidentielle avait été confisquée aux Français, mais ce n’est pas vrai», a-t-il martelé.
Le temps permettra-t-il une relaxe pour les trois mis en cause ? Réponse le 29 juin.
Antoine Boitel