Police : cibles de violences croissantes, les «nuiteux» négocient leur avenir
Sur fond de violences en hausse à l'encontre des forces de l'ordre et alors que des négociations d'envergure sont en cours avec le gouvernement, les «nuiteux» de la police saluent un premier pas en avant, mais demeurent vigilants.
Dans un communiqué, les services du ministre de l'Intérieur ont récapitulé les grandes lignes des discussions qui se sont tenues entre les syndicats policiers représentatifs et Gérald Darmanin le 13 octobre. La cause des policiers travailleurs de nuit, longtemps négligée, a en effet trouvé un nouveau souffle grâce à une intersyndicale du petit nouveau, Option Nuit, avec les géants d'Alliance, de l'UNSA police et d'Alternative CFDT.
En grande partie grâce au travail de ce seul syndicat du secteur dédié à leur cause, les 22 000 «nuiteux» ont obtenu de haute lutte une enveloppe budgétaire augmentée, passant de 10 millions à 15 millions d'euros pour la prime de nuit.
Au vu de la difficulté du travail quotidien, avec une violence qui monte de plus en plus, pour pérenniser les gens à la nuit, il va falloir aller plus loin
William Maury, secrétaire général d'Option Nuit, interrogé par RT France, a salué «un premier pas conséquent pour les "nuiteux"» et une promesse du ministre sur la clause de revoyure, impliquant donc un retour prochain sur les négociations pour «revoir certains axes et certaines propositions».
Ce Montpelliérain travailleur de nuit souligne le contexte tendu dans lequel interviennent les rencontres entre les organisations syndicales et Gérald Darmanin, le 13 octobre, puis Emmanuel Macron, le 15 octobre : «Au vu de la difficulté du travail quotidien, avec une violence qui monte de plus en plus, pour pérenniser les gens à la nuit, il va falloir aller plus loin dans la budgétisation.»
Ce sont d'ailleurs bien des policiers travaillant de nuit qui ont été pris pour cible dans les agressions très violentes du 7 octobre (à Herblay), du 10 octobre (à Champigny-sur-Marne) et ce 14 octobre vers 1h30 du matin à Savigny-sur-Orge.
William Maury revient sur ce dernier événement et le lie aux discussions en cours avec le gouvernement : «Cette nuit, notre collègue s'est fait taper par un véhicule déclaré volé à nos services, il a été intubé sur place, puis placé en réanimation avec un pronostic vital engagé... Encore un drame qui survient, à 24 heures d'une rencontre des syndicats représentatifs avec le Emmanuel Macron».
Et de suggérer que le président de la République «pourrait aussi, d'un geste opportun pour les "nuiteux", avancer une rallonge sur le plan qui a été annoncé par le ministre de l'Intérieur hier [alors que] le gouvernement prend à bras-le-corps la situation pour les nuiteux et pour la police en général... Si on ne le demande pas, c'est qu'on n'en a pas besoin et pour le coup, on le demande.»
Dernier point sur lequel les travailleurs de nuit espèrent des évolutions positives : la présence de magistrats «dans chaque hôtel de police, afin d'avoir un bloc police justice assez conséquent».
Des «mesurettes», selon l'UPNI
Par la voix de son porte-parole, Jean-Pierre Colombiès, interrogé par RT France, l'association de policiers en colère UPNI fait pour sa part valoir que les annonces n'engagent que ceux qui y croient : «On verra à l'usage», estime l'ancien commandant de police.
Et de déplorer : «Ce gouvernement ne tient pas ses banlieues, Macron navigue à vue, sans philosophie sécuritaire et il semble surtout qu'on veut substituer le service public à un système privé dans plusieurs domaines régaliens. Aujourd'hui, on donne quelques gages à la police nationale, très bien, mais tous les sujets de fond qui font mal, on les évite soigneusement.»
Ce gouvernement ne tient pas ses banlieues, Macron navigue à vue, sans philosophie sécuritaire
Jean-Pierre Colombiès bout au téléphone : «Le fond du débat, ce devrait être la rationalisation de la procédure judiciaire et l'exécution des peines, sinon autant pisser dans un violoncelle. Le débat sur la sécurité est complexe et transversal et ils nous pondent des mesurettes. Ce n'est pas avec ça qu'on va reconquérir les quartiers. Les gangs et les gros trafiquants de drogue doivent bien se marrer en écoutant [le ministre de l'Intérieur Gérald] Darmanin parler d'interdire la vente des mortiers d'artifice. Ce qu'il faudrait, c'est faciliter les procédures pour les services d'enquête avec une vraie politique pénale. Darmanin doit cesser avec ses feux d'artifice et Eric Dupond-Moretti ne doit plus se contenter de repeindre les prisons.»
Antoine Boitel