Iran : Ebrahim Raïssi estime que les manifestations «ouvrent la voie à des actes terroristes»
Après l'attaque contre un sanctuaire chiite revendiquée par Daesh le 26 octobre, le président iranien a jugé que les protestations qui secouent le pays depuis six semaines fragilisaient dangereusement la sécurité de l'Iran.
Le président iranien Ebrahim Raïssi a estimé le 27 octobre que les manifestations qui secouent l’Iran depuis la mi-septembre – et qu’il a qualifiées d’«émeutes» – sont de nature à faciliter des attaques terroristes, au lendemain de l'attentat meurtrier mené dans un important sanctuaire chiite de la ville méridionale de Chiraz, revendiqué par le groupe djihadiste Daesh.
«L'intention de l'ennemi est de perturber les progrès du pays, et ces émeutes ouvrent la voie à des actes terroristes», a-t-il déclaré lors d'une visite dans la ville de Zanjan, dans le nord-ouest du pays. La veille, le dirigeant avait réagi à l'attaque de Daesh en accusant «les ennemis de l'Iran» de chercher «à diviser les rangs unis de la nation [...] par la violence et la terreur», et promis une réponse sévère des forces de sécurité. L'attentat contre le sanctuaire chiite, qui a fait au moins 15 morts, est survenu alors que l'Iran est secoué par des manifestations depuis la mort de Mahsa Amini le 16 septembre.
Des milliers de personnes ont assisté le 26 octobre à une cérémonie d'hommage à Saghez, la ville d'origine de Mahsa Amini, à la fin du deuil traditionnel de 40 jours. Selon l'agence de presse iranienne Fars, environ 2 000 personnes se sont rassemblées au cimetière de la ville, tandis qu'une ONG de défense des droits des Kurdes d'Iran basée en Norvège a affirmé que les forces de sécurité avaient tiré des gaz lacrymogènes et ouvert le feu sur la foule. Selon la même ONG, des grèves auraient également éclaté dans une série de villes du Kurdistan iranien.
L'Iran prend des contre-sanctions contre Bruxelles
Le même jour, Téhéran a annoncé l'adoption de sanctions contre plusieurs élus européens, des journalistes et des organisations de l'Union européenne (UE), dont la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (LICRA), accusés d'avoir «incité à la violence» et «provoqué des émeutes, des violences et des actes terroristes» en Iran. Cette riposte a fait suite aux mesures punitives imposées le 17 octobre par Bruxelles à l'encontre de 11 dirigeants iraniens et de la police des mœurs, leur interdisant tout séjour sur le territoire de l'UE et tout financement européen. Les Etats-Unis, qui ont ouvertement affiché leur soutien aux protestations actuelles, ont également renforcé les sanctions prises contre Téhéran.
L'UE a dénoncé le 27 octobre le caractère politique des mesures décidées par les autorités iraniennes. «Nous rejetons ces sanctions car elles sont motivées par des raisons politiques», a déclaré Peter Stano, porte-parole du chef de la diplomatie européenne Josep Borrell. Selon lui, «les mesures européennes ont été décidées pour répondre à des violations des droits de l'homme et […] sont motivées juridiquement», ce qui ne serait pas le cas des décisions prises par Téhéran.
Dans un contexte économique particulièrement difficile, l'indignation provoquée par le décès le 16 septembre de Mahsa Amini, trois jours après son arrestation pour infraction au code vestimentaire, a entraîné la plus grande vague de manifestations en Iran depuis les protestations de 2019 contre la hausse du prix de l'essence.
Alors que les manifestants ont mis en cause la police des mœurs dans le décès de la jeune femme âgée de 22 ans, un rapport de l'Organisation médico-légale iranienne a pour sa part conclu que sa mort n'aurait «pas été causée par des coups portés à la tête et aux organes vitaux», mais à «une intervention chirurgicale pour une tumeur cérébrale à l'âge de huit ans». Cette version a été contestée par le père de la jeune femme, Amjad Amini, qui a expliqué le 19 septembre à l'agence Fars que sa fille était, avant son décès, «en parfaite santé».