Etats-Unis : le chef républicain à la Chambre renversé par les élus trumpistes
- Avec AFP
Le chef républicain de la Chambre des représentants, Kevin McCarthy, a été évincé le 3 octobre au soir de son poste, victime de querelles fratricides au sein de son parti.
C'est une première dans l'histoire du Congrès américain : après un débat tendu entre conservateurs dans l'hémicycle de la Chambre des représentants, 216 élus, dont huit républicains, ont voté pour destituer Kevin McCarthy, contre 210, le 3 octobre au soir.
Aussitôt après ce résultat sans précédent, un Kevin McCarthy malgré tout souriant a été entouré par des membres de son parti, qui lui ont donné l'accolade et lui ont serré la main. Le vote ouvre une période de fortes turbulences à la chambre basse, où un remplaçant doit être choisi la semaine prochaine. Kevin McCarthy a d'ores et déjà annoncé qu'il ne se représenterait pas, même si les règles parlementaires l'y autorisent.
«J'ai été le 55e chef de la Chambre, l'un des plus grands honneurs. J'en ai aimé chaque instant», a-t-il déclaré lors d'une conférence de presse, tout en se disant «optimiste» malgré cette débâcle. Il avait déjà été élu au forceps en janvier, en raison de la très mince majorité républicaine. Pour accéder au perchoir, il avait notamment dû faire d'énormes concessions avec une vingtaine de trumpistes, dont la possibilité que n'importe quel élu ait le pouvoir de convoquer un vote pour le destituer, ce qu'a finalement fait Matt Gaetz.
Accusations d’un accord secret sur une enveloppe pour l’Ukraine
«C'est dans l'intérêt de ce pays que nous ayons un meilleur "speaker" que Kevin McCarthy», a lancé après le scrutin cet élu de la droite dure américaine qui a déposé le 2 octobre la motion pour destituer le chef de son parti. «Personne ne [lui] faisait confiance», a ajouté Matt Gaetz. «Kevin McCarthy avait fait de nombreuses promesses contradictoires.»
L'élu de Floride reproche principalement au ténor républicain d'avoir négocié avec les démocrates un budget provisoire pour financer l'administration fédérale, auquel s'opposaient de nombreux conservateurs. Il l'accuse aussi d'avoir conclu un «accord secret» avec le président Joe Biden sur une possible enveloppe pour l'Ukraine. Or, l'aile droite du Parti républicain s'oppose vivement au déblocage de fonds supplémentaires pour Kiev, estimant que cet argent devrait plutôt servir à lutter contre la crise migratoire à la frontière entre les Etats-Unis et le Mexique.
Et qu'importe que l'immense majorité du groupe parlementaire de Kevin McCarthy l'ait publiquement soutenu : les trumpistes disposaient d'un veto de fait à la Chambre compte tenu de la très fine majorité républicaine dans cette institution.
Pas de soutien démocrate
«Je ne regrette pas d'avoir négocié. Notre gouvernement est fait pour trouver des compromis», a répondu Kevin McCarthy. Le républicain de 58 ans a semblé penser un temps qu'il parviendrait à sauver sa tête, espérant que les calculs politiques l'emporteraient et qu'il pourrait soutirer aux démocrates un appui, même très juste, en échange de concessions. Peine perdue.
«C'est au Parti républicain de mettre fin à la guerre civile des républicains à la Chambre», avait tranché le chef démocrate Hakeem Jeffries dans une lettre après une longue réunion le 3 octobre avec son groupe parlementaire.
«Les raisons de laisser les républicains gérer leurs propres problèmes sont innombrables. Laissons-les se vautrer dans la fange de leur incompétence et de leur incapacité à gouverner», avait de son côté lancé, implacable, l'élue progressiste Pramila Jayapal.
Signe des désaccords qui déchirent les républicains, les élus conservateurs se sont succédé dans l'hémicycle pour plaider pour et contre Kevin McCarthy. Tom Cole avait prévenu du «chaos» dans lequel la Chambre et les républicains seraient plongés si Kevin McCarthy était destitué. «Le chaos, c'est le président McCarthy», avait répliqué Matt Gaetz.
Trump réagit
Ces luttes intestines étalées au grand jour ont fait réagir Donald Trump. «Pourquoi les républicains passent-ils leur temps à se disputer entre eux, pourquoi ne combattent-ils pas les démocrates de la gauche radicale qui détruisent notre pays ?», a écrit l'ex-président républicain sur sa plateforme Truth Social.
Un tel vote n'avait pas eu lieu depuis plus d'un siècle aux Etats-Unis, et jamais aucun «speaker» n'avait été évincé de son poste jusque-là. Le président Joe Biden a appelé dans la soirée les élus de la Chambre à élire rapidement un nouveau chef, face aux «défis urgents» auxquels font face les Etats-Unis. Mais la tâche s'annonce compliquée pour les républicains, qui se réuniront dans une semaine, pour se mettre d'accord sur un nouveau candidat. Un vote devrait avoir lieu le lendemain.