Le procureur de la Cour pénale internationale, Karim Khan, écarté d'une enquête contre le Venezuela pour conflit d’intérêts

Le procureur de la Cour pénale internationale (CPI), Karim Khan, a été officiellement contraint de se retirer de l’enquête visant le gouvernement vénézuélien. En cause : un lien familial direct avec l’équipe juridique défendant Caracas. Déjà affaibli par des accusations de harcèlement sexuel, Khan perd un dossier majeur en Amérique latine.
Le 1er août, la chambre d’appel de la Cour pénale internationale a ordonné au procureur en chef, Karim Khan, de se récuser de l’enquête sur de possibles crimes contre l’humanité commis au Venezuela. Cette décision repose sur l’existence d’un conflit d’intérêts : la belle-sœur de Khan, Venkateswari Alagendra, fait partie de l’équipe qui défend le gouvernement du président Nicolás Maduro devant la CPI.
Les juges ont estimé qu’« il existe des raisons de croire à un motif de récusation », en soulignant la proximité familiale et professionnelle entre Khan et Alagendra. Ils ont considéré qu’un « observateur raisonnable » pourrait suspecter une partialité du procureur dans ce dossier. Khan dispose désormais de trois semaines pour se retirer officiellement du dossier.
Une enquête très contestée depuis l’origine
Karim Khan avait lancé en 2021 une enquête sur les violences au Venezuela, à la suite d’une demande conjointe de six pays d’Amérique latine : l’Argentine, le Canada, la Colombie, le Chili, le Paraguay et le Pérou. Ces États avaient sollicité la CPI en 2018, un an après une répression contre des opposants à Maduro. Plus de 100 personnes avaient été tuées. Le gouvernement vénézuélien avait alors tenté de reprendre la main sur le dossier, en affirmant pouvoir mener sa propre enquête.
Mais en 2023, les juges de la CPI avaient autorisé Khan à reprendre les investigations, malgré l’opposition de Caracas. Le conflit d’intérêts a été soulevé dès l’automne 2023 par des ONG, dont la Arcadia Foundation, basée à Washington. La cour avait dans un premier temps rejeté leur plainte, avant de la réexaminer en février 2024. La décision finale est intervenue ce 1er août 2025.
Un procureur affaibli et discrédité
Karim Khan a nié tout échange d’informations confidentielles avec sa belle-sœur et assuré ne pas avoir participé à des réunions où elle était présente. Il a précisé que la composition de l’équipe représentant le Venezuela était « de notoriété publique » et qu’« aucune des parties ne s’y était opposée à l’époque », selon son bureau.
Ce nouvel épisode intervient alors que Khan est en congé administratif depuis mai, après avoir été accusé de harcèlement sexuel, des accusations qu’il rejette. Déjà critiqué pour avoir délivré des mandats d’arrêt contre Vladimir Poutine en 2023 et contre Benjamin Netanyahou en 2024, il fait face à une perte d’autorité croissante. Le Kremlin avait qualifié l’ordre contre le président russe de « juridiquement nul », rappelant que la Russie ne reconnaît pas la compétence de la CPI.
Ce revers pour Khan est perçu par certains observateurs comme une victoire symbolique pour le Venezuela, mais aussi comme un désaveu pour une CPI de plus en plus politisée.