Washington et 55 pays musulmans officialisent une alliance antiterroriste sur une ligne anti-Iran
Les Etats-Unis et 55 pays majoritairement sunnites ont annoncé la création d'une alliance contre le terrorisme sous l'égide de Riyad et qui devrait réunir 34 000 soldats. L'Iran a dénoncé un accord qu'elle dit mû par des considérations financières.
La visite très médiatisée de Donald Trump en Arabie saoudite n'aura pas seulement permis la signature d'un colossal contrat d'armement entre Washington et Riyad, mais également celle d'un pacte entre les Etats-Unis et 55 pays musulmans. Sous le nom de «Déclaration de Riyad», le document signé par le président américain dans la capitale saoudienne le 21 mai prévoit en effet de «combattre le terrorisme sous toutes ses formes, s'attaquer à ses racines théoriques, assécher ses sources de financement et prendre toutes les mesures s'imposant afin de prévenir le crime terroriste par la coopération des Etats signataires».
Instituant ce qu'il appelle une Alliance stratégique au Moyen-Orient, le traité ne revêt pour l'instant que la forme d'une déclaration formelle. Les modalités précises d'adhésion ainsi que sa forme concrète ne seront arrêtées que l'an prochain. Néanmoins, les pays signataires se sont déjà engagés à fournir «une force de réserve de 34 000 soldats afin de soutenir les opérations conduites contre les organisations terroristes en Irak et en Syrie lorsque cela sera nécessaire». Pour l'instant, la lutte contre le terrorisme conduite par la coalition internationale dans ces deux pays reste marginale et officiellement cantonnée à des frappes aériennes.
En outre, la déclaration accorde une importance toute particulière aux moyens de communication par lesquels le terrorisme se répand, en créant un centre mondial pour combattre les doctrines extrémismes, qui sera situé à Riyad. L'Arabie saoudite se voit ainsi reconnue comme future capitale régionale de l'antiterrorisme. «Le rôle de ce centre sera de combattre l'extrémisme sur internet, dans les médias et chez les intellectuels, tout en promouvant la coexistence et la tolérance entre les peuples», peut-on ainsi lire. La déclaration insiste sur le «rejet de toute tentative d'établir un lien entre le terrorisme et une quelconque religion, culture ou race».
L'Iran dans le viseur de l'alliance arabo-américaine
Dans son discours du 21 mai à Riyad devant les représentants de cette cinquantaine d'Etats, Donald Trump s'en est violemment pris à l'Iran qu'il a accusé de «soutenir le terrorisme», pour le grand plaisir des monarchies sunnites du Golfe qui redoutent l'influence de leur grand rival chiite au Moyen-Orient . Le texte de la déclaration signée le même jour s'inscrit dans le sillage des propos tenus par le président américain.
«L'Iran conduit un programme de développement de missiles balistiques dangereux et interfère avec les affaires d'autres pays», est-il affirmé dans le document dont le contenu condamne également les «pratiques du régime iranien destinées à déstabiliser la sécurité et la stabilité de la région et du monde». Le sommet de Riyad, très largement dominé par les pays sunnites, semble ainsi avoir conforté l'Arabie saoudite dans sa vision géostratégique, marquée notamment par une forte hostilité à l'égard de l'Iran, plus grand pays chiite du monde.
De manière assez peu anodine, les accusations de Donald Trump ainsi que la signature du pacte intervenaient alors même que les Iraniens venaient de réélire, le 20 mai, Hassan Rohani à la tête du pays. Par un tweet teinté de sarcasme, le ministre iranien des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif a réagi dans la journée du 21 mai : «L’Iran, qui vient de tenir de vraies élections, est attaqué par le président des Etats-Unis depuis ce bastion de la démocratie et de la modération [qu'est l'Arabie saoudite]. S’agit-il de politique étrangère ou de pomper 480 milliards de dollars ?», a-t-il feint de s'interroger, faisant référence à la signature du contrat d'armement entre Riyad et Washington. Il en a également profité pour rappeler que l'Iran procédait à des élections libres quand l'Arabie saoudite demeurait une monarchie absolue de type féodal.
Iran—fresh from real elections—attacked by @POTUS in that bastion of democracy & moderation. Foreign Policy or simply milking KSA of $480B? pic.twitter.com/ahfvRxK3HV
— Javad Zarif (@JZarif) 21 mai 2017
Le message du ministre iranien était accompagné d'une mise en exergue d'un extrait du discours de Donald Trump dans lequel celui-ci remerciait le roi Salmane d'Arabie saoudite en des termes particulièrement élogieux de ses «investissements massifs en Amérique, pour l'industrie et les emplois», signe, selon l'Iran, que le sommet de Riyad n'aura finalement été qu'une entreprise de communication pour conclure des contrats prometteurs.
Donald Trump, reçu en grande pompe à Riyad pour le week-end, a multiplié les gages à l'égard de l'Arabie saoudite au cours de son voyage. Il s'est ainsi adressé à ses partenaires saoudiens en des termes très inhabituels, évoquant la nécessité de «donner aux enfants espoir et avenir qui fassent honneur à Dieu [...] en bannissant les extrémistes de la terre promise [des saoudiens]». La veille de son discours, le 20 mai, le président américain était allé jusqu'à exécuter quelques pas d'une danse traditionnelle saoudienne, sabre à la main.
S'il faudra sans doute attendre avant de vérifier les conséquences concrètes de cette rencontre, nul doute qu'elle marquera au moins un tournant symbolique. Lors de la campagne présidentielle américaine, Donald Trump n'avait pas hésite à fustiger le rôle que jouerait l'Arabie saoudite dans le terrorisme international. Riyad, de son côté, avait explicitement soutenu Hillary Clinton.
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