Malgré un blocus américain à 134 milliards de dollars, Cuba maintient ses prouesses sociales
Education gratuite, système de santé exemplaire, réduction drastique de la malnutrition. Le féroce embargo de son voisin, causant des milliards de dollars de pertes depuis 56 ans, n'a pas empêché la petite île de préserver ses acquis sociaux.
«Le système de sanctions unilatérales le plus injuste, lourd et prolongé ayant été mis en œuvre contre un pays». C'est en ces termes que le ministère cubain des Affaires étrangères évoque le blocus imposé à l'île des Caraïbes par les Etats-Unis voisins depuis près de 60 ans.
Et pour cause, entre avril 2017 et mars 2018, cette sanction venue d'Amérique du Nord a coûté à Cuba pas moins de 4,2 milliards de dollars, selon un rapport annuel publié le 24 août par les autorités, et cité par la chaîne latino-américaine Telesur. Une facture salée qui porte le coût total des pertes causées à l'économie de l'île par le blocus à 134,5 milliards de dollars, depuis 56 ans, selon des données de l'ONU.
Allégé sous l'administration Obama – mais jamais aboli malgré les promesses – l'embargo nord-américain sur Cuba a connu un nouveau pic en juin 2017, lorsque le nouveau président Donald Trump a décidé de le renforcer, publiant notamment une liste de 179 entités cubaines avec lesquelles les entités légales américaines ne peuvent pas commercer.
«Les nouvelles sanctions contre Cuba ont causé une diminution du nombre de visiteurs [en provenance] des Etats-Unis et ont généré des obstacles majeurs aux relations économiques et commerciales des sociétés cubaines avec de potentiels partenaires américains et pays tiers», peut-on lire dans le dernier rapport publié par les autorités de l'île.
«Ces mesures n'affectent pas uniquement l'économie d'Etat, mais aussi le secteur non-étatique du pays», causant de «sérieux dommages», est-il encore précisé.
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L'extraterritorialité : une arme d'intimidation massive
Dans la pratique, le blocus signifie qu'à de très rares exceptions près, toute transaction financière est interdite entre les deux pays. Ainsi, en théorie, tout produit comportant des éléments d'origine cubaine ne peut entrer aux Etats-Unis. Une lourde épine dans le pied de l'économie cubaine, qui se voit privée d'exportation vers la première puissance économique mondiale.
Mais les effets dramatiques de l'embargo ne s'arrêtent pas là puisqu'une loi adoptée en 1996 interdit «à toute personne ou entreprise dans le monde de négocier des biens américains nationalisés par Fidel Castro dans les années 1959-1961».
L'arme juridique employée par Washington à ce dessein : le principe d'extraterritorialité, selon lequel toute entreprise étrangère ayant un lien quelconque avec les Etats-Unis peut être poursuivie par la justice nord-américaine pour des faits commis hors du territoire des Etats-Unis. En des termes plus simples : toute société étrangère commerçant en dollars peut être poursuivie et lourdement condamnée si elle ne se plie pas à la volonté de Washington.
C'est ainsi que, parmi une kyrielle d'exemples, des banques telles que la française BNP Paribas ou la britannique HSBC se sont vues condamner à des centaines de millions de dollars d'amende pour avoir contourné l'embargo américain en réalisant des affaires avec des clients cubains. Des mesures à même de leur passer l'envie de poser un acte de bravoure en commerçant, vaille que vaille, avec La Havane.
De la sorte, Washington bloque le développement des relations économiques de Cuba mais également d'autres pays, à l'instar de l'Iran, avec le reste du monde.
Santé, éducation : un miracle cubain ?
Et pourtant, cette politique agressive aux lourdes conséquences, n'a pas entamé le programme social poursuivi par les autorités cubaines. «En dépit des difficultés auxquelles l'économie cubaine fait face, en particulier dues à l'intensification du blocus imposé à Cuba [...] nous continuerons à nous concentrer sur les objectifs de développement fixés», affirmait ainsi, déterminé, le président cubain Miguel Diaz-Canel en mai 2018.
Malgré de nombreux défis (croissance des inégalités dûes à la dualité monétaire et à l'ouverture de certains secteurs au privé, bas salaires, dépendance en terme de matières premières alimentaires), Cuba est en effet parvenue à maintenir son modèle des années durant. Relativement dépourvue de ressources naturelles, la petite île des Caraïbes, voisine du géant nord-américain, est même parvenue à réaliser des prouesses en matière sociale, la plaçant en tête des classements régionaux, voire mondiaux, dans plusieurs domaines.
100% d'alphabétisation des jeunes
Le gouvernement a ainsi choisi de mettre en place l'accès universel et gratuit à l'éducation. En d'autres termes, tout citoyen cubain peut être scolarisé sans dépenser le moindre centime. Et cette décision politique porte ses fruits : avec un taux d'alphabétisation de 99,8%, le pays enregistre le plus bas taux d'illettrisme du continent latino-américain. Selon les données de l'UNICEF, le degré d'alphabétisation atteint même 100% pour les jeunes. L'UNESCO a en outre pu observer lors de tests régionaux visant à évaluer les capacités des élèves du primaire que le niveau était «notablement supérieur» à Cuba, en comparaison avec les autres pays d'Amérique latine.
Des services de santé gratuits : un modèle selon l'OMS
Le gouvernement a en outre lourdement investi dans le domaine des services de santé, pour garantir à ses citoyens un accès aux soins gratuits. Alors que le pays comptait 6 000 médecins en 1959, avant la révolution, 109 000 ont depuis été formés. Le ratio est désormais d'un médecin pour 133 habitants, selon les données de la Banque mondiale, l'un des plus hauts au monde. A titre de comparaison, il est en France d'un pour 309 habitants et d'un pour 392 aux Etats-Unis.
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Des résultats qui avaient impressionné Margaret Chan, alors directrice de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), qui avait visité l'île en 2014. «Nous souhaitons ardemment que tous les habitants de la planète puissent avoir accès à des services médicaux de qualité, comme à Cuba», avait-elle alors affirmé.
Insécurité alimentaire au plus bas
Les autorités cubaines sont par ailleurs parvenues à réduire drastiquement l'insécurité alimentaire, se classant parmi les meilleurs élèves du continent et du Tiers monde. Selon un rapport de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture sorti en 2015, le pourcentage de personnes sous alimentées dans le pays est descendu sous le seuil des 5%. La malnutrition infantile sévère a pour sa part été éradiquée du pays, selon l'UNICEF.
Des résultats qui se reflètent par un taux de mortalité infantile particulièrement bas pour un pays du Tiers monde. Avec 4 pour 1 000, Cuba se place aux côtés d'autres pays plus développés comme l'Allemagne ou la France.
Une espérance de vie plus élevée qu'aux Etats-Unis
Quant à l'espérance de vie moyenne, elle atteint 79,54 ans selon la Banque mondiale (15 ans de plus qu'à Haïti), soit un chiffre digne des pays de l'OCDE. A titre de comparaison, cet âge atteint 78,74 ans aux Etats-Unis. Des données qui résonnent comme un pied-de-nez de Cuba à son voisin yankee, qui, à 150 kilomètres de là, avait juré sa perte...
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Louis Maréchal