Accusé d'avoir cherché l'aide de Pékin pour sa réélection, Trump traite Bolton de «dingue»
Finie l'accointance avec Moscou ? Donald Trump est accusé de tentative de collusion avec la Chine par son ex-conseiller John Bolton. Des allégations qui ont de quoi surprendre dans un contexte de quasi-guerre froide entre Washington et Pékin.
Alors que la rumeur d'une collusion entre la Russie et Washington a longtemps fait les choux gras de la presse et des adversaires de Donald Trump, avant que ce mythe ne s'effondre récemment, John Bolton, ancien conseiller à la sécurité nationale, tente de donner naissance à une nouvelle narrative sur une soi-disant tentative d'ingérence. Dans son livre à paraître, celui que l'on surnomme le «faucon» accuse en effet le président américain d'avoir cherché, pour assurer sa réélection, l'aide de... la Chine. Et ce alors que Pékin est l'une des cibles favorites de Donald Trump, à tel point que les deux pays seraient «au bord d'une nouvelle guerre froide», selon la Chine. Ingérence (très) bien dissimulée ou pur fantasme ? Ces accusations représentent en tout cas du pain béni pour le camp démocrate, à quelques encablures de l'élection présidentielle.
Dans l'un des passages de son livre, l'ancien collaborateur de Donald Trump affirme ainsi qu'en marge d'un sommet du G20 à Osaka, Donald Trump aurait «détourné» la conversation avec le président chinois Xi Jinping «vers la prochaine élection présidentielle» en plaidant auprès de Xi «pour qu'il fasse en sorte qu'il l'emporte», selon les extraits publiés simultanément par le Wall Street Journal, le New York Times et le Washington Post. Le néoconservateur ajoute que lors de cette rencontre en juin 2019, le président américain aurait «souligné l'importance des agriculteurs et de l'augmentation des achats chinois de soja et de blé sur le résultat de l'élection». «Les conversations de Trump avec Xi reflètent non seulement les incohérences de sa politique commerciale mais aussi l'interconnexion dans l'esprit de Trump entre ses propres intérêts politiques et l'intérêt national américain», poursuit John Bolton.
Dans un tweet incendiaire, Donald Trump a qualifié Bolton de «dingue», affirmant que le livre n'était qu'un tissu de «mensonges et de fausses histoires».
Bolton’s book, which is getting terrible reviews, is a compilation of lies and made up stories, all intended to make me look bad. Many of the ridiculous statements he attributes to me were never made, pure fiction. Just trying to get even for firing him like the sick puppy he is!
— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) June 18, 2020
Interrogé au sujet de ces révélations, le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Zhao Lijian, a affirmé ce 18 juin que Pékin avait «toujours respecté le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures» d'autres pays. «Nous n'avons pas l'intention de nous ingérer dans la politique américaine interne et les élections, et ne le ferons pas», a ajouté le porte-parole.
Et la Guerre froide dans tout ça ?
Les relations entre Washington et Pékin n'ont pas été des plus chaleureuses ces derniers mois. Que ce soit sur le dossier économique, avec Huawei, ou sanitaire, sur la crise de coronavirus, Donald Trump n'a pas ménagé la Chine.
En septembre 2019, Washington étudiait par exemple la possibilité d'exclure des entreprises chinoises cotées à Wall Street. Une mesure parmi d'autres envisagées par l'administration américaine pour restreindre la présence économique de la Chine aux Etats-Unis. En février 2020, Donald Trump menaçait de cesser de partager des renseignements avec les pays européens qui accepteraient de coopérer avec le géant chinois Huawei dans la mise en place de leur réseau 5G.
Plus près de nous, après avoir suspendu la contribution des Etats-Unis à l'OMS, jugeant l'organisation trop proche de Pékin, le président américain a tenu la Chine responsable de la propagation de l'épidémie de Covid-19, prévoyant de lui faire payer plusieurs milliards de dollars de compensations. Pointant du doigt Pékin dans de nombreux discours, il a aussi soupçonné le laboratoire de haute sécurité de Wuhan d’être à l’origine de la pandémie.
Du pain béni pour Biden
Le livre de John Bolton tombe en tout cas à point nommé pour l'adversaire démocrate du président américain. «Trump [a] vendu les Américains pour protéger son avenir politique», a réagi Joe Biden, son rival pour la présidentielle du 3 novembre. «Si ces propos sont avérés, cela est non seulement répugnant moralement mais c'est aussi une violation du devoir sacré de Donald Trump envers les Américains», a encore accusé, dans un communiqué, l'ancien vice-président américain. «Pourquoi a-t-il à plusieurs reprises loué le gouvernement chinois et le président Xi alors même que le coronavirus se propageait ? Parce qu'il voulait pouvoir parler d'un accord commercial avec la Chine pendant sa campagne de réélection», s'est encore indigné Joe Biden.
If John Bolton's accounts are true, it’s not only morally repugnant, it’s a violation of Donald Trump’s sacred duty to the American people to protect America’s interests and defend our values.
— Joe Biden (@JoeBiden) June 17, 2020
Les fuites d'extraits du livre de Bolton dans la presse surviennent au lendemain de l'annonce d'une action en justice de l'administration Trump pour tenter de bloquer la parution de cet ouvrage intitulé The Room Where It Happened, A White House Memoir («La pièce où cela s'est passé, mémoires de la Maison Blanche»), catapulté au sommet des ventes sur le site Amazon. Elle a a engagé le 17 juin une nouvelle action en urgence avant la parution, prévue le 23 juin.
Tournant en dérision le passé de son ancien conseiller volontiers va-t-en-guerre, et son soutien à la guerre américaine en Irak, Donald Trump a estimé sur la chaîne Fox News que John Bolton avait «enfreint la loi», en diffusant des informations «très confidentielles».