«Ils peuvent rechercher n'importe quoi» : Snowden s'inquiète des nouveaux outils numériques d'Apple
Le lanceur d'alerte américain a mis en garde contre de nouvelles technologies d'Apple – un projet pour l'instant retardé par la firme – qui créent selon lui un dangereux précédent en permettant potentiellement de scanner le contenu d'un téléphone.
Dans une interview accordée le 2 septembre à l'occasion du forum russe New Knowledge, le lanceur d'alerte Edward Snowden a commenté de nouveaux outils d'Apple destinés à lutter contre les prédateurs sexuels et la pédopornographie, en affirmant que ceux-ci brouillent la frontière entre ce qui est privé et ce qui ne l'est pas et qu'ils peuvent permettre à terme aux gouvernements de s'immiscer dans la vie privée des individus. Le 3 septembre, l'entreprise créée par Steve Jobs a annoncé qu'elle retardait pour l'heure la mise en place de ces outils controversés.
Le 5 août dernier, le géant américain du numérique Apple avait annoncé qu'il se servira de technologies de cryptographie pour comparer les photos téléchargées sur son serveur iCloud avec celles entreposées dans un fichier géré par le Centre national des enfants disparus et exploités (NCMEC) des Etats-Unis, mais aussi qu'il scannera les images envoyées ou reçues via le service de messagerie iMessage sur les comptes d'enfants liés à un abonnement familial. L'assistant vocal Siri sera aussi formé à «intervenir» quand des utilisateurs font des recherches d'images pédopornographiques en les prévenant que ces contenus sont problématiques. Cette mesure va donc plus loin que ce que font déjà de nombreuses entreprises lorsqu'elles analysent les fichiers que les utilisateurs stockent dans le cloud, c'est-à-dire sur les serveurs des fournisseurs.
Une mise en garde contre une capacité d'intrusion sans limite dans la vie privée
L'ancien employé de la NSA a critiqué ce nouvel arsenal informatique en ces termes : «Fondamentalement, la distinction ici est qu'[Apple] supprime cette séparation entre ce qu'ils possèdent et ce que vous possédez. Et maintenant, ils disent à votre appareil ce qu'il doit chercher [...] Vous ne savez pas ce qu'il recherchent en scannant, même Apple ne connaît pas les fichiers spécifiques qu'il recherchent, ils font juste correspondre des "empreintes" qui leur ont été fournies par une organisation extérieure».
Une fois qu'Apple a abattu cette barrière entre leurs serveurs et votre téléphone [...] ils peuvent le scanner pour rechercher n'importe quoi
«Une fois qu'Apple a abattu cette barrière entre leurs serveurs et votre téléphone [...] ils peuvent le scanner pour rechercher n'importe quoi : des critiques politiques, des dossiers financiers», a expliqué Edward Snowden, en considérant que problème ne concernait pas uniquement Apple mais aussi les gouvernements et les législateurs, qui peuvent utiliser cette technologie «de la manière qu'ils veulent».
«Apple peut-il dire "non" au gouvernement des Etats-Unis ? Peut-il dire "non" au gouvernement russe ? Peut-il dire "non" au gouvernement chinois ?», a interrogé de façon rhétorique le lanceur d'alerte, avant de répondre : «Bien sûr, la réponse est "non" – s'ils veulent continuer à vendre leurs produits dans ces pays».
«Où que vous alliez, votre téléphone vous suit. Il sait ce que vous avez acheté, il sait à qui vous parlez, il sait ce qui vous intéresse et a vu toutes les photos que vous avez prises. Ce sont des choses très personnelles, très privées», a également tenu à rappeler Edward Snowden, en expliquant que le piratage d'un téléphone revenait à «payer quelqu'un 10 millions de dollars [afin] qu'il vous donne la possibilité de télécommander le bras de quelqu'un et de l'utiliser contre [cet individu]».
Devenu célèbre après avoir révélé la surveillance de masse illégale exercée par les Etats-Unis et leurs alliés lors de la présidence de Barack Obama, Edward Snowden a obtenu l'asile politique en Russie où il réside avec sa femme et leur enfant depuis 2013.