Mali : manifestations de grande envergure contre les sanctions de la Cédéao (VIDEO)
- Avec AFP
Les Maliens ont été nombreux à Bamako et à travers le pays à manifester à l'appel de leur gouvernement contre les sanctions ouest-africaines pour faire pièce aux pressions internationales qui ne faiblissent pas, a constaté l'AFP.
Le 14 janvier, les Maliens ont répondu présent lors des mobilisations afin de protester contre les sanctions visant le pays.
Des milliers de Maliens parés aux couleurs nationales vert, jaune et rouge se sont ainsi massés dans la capitale Bamako sur la place de l'Indépendance pour la prière hebdomadaire, ouvrant un après-midi de mobilisation orchestrée par le gouvernement malien.
Certains manifestants ont passé la nuit sur le boulevard desservant ce haut lieu des manifestations maliennes.
Grosse affluence aussi à Tombouctou, sur la place Sankoré, devant la mosquée, ont indiqué plusieurs Tombouctiens à l'AFP.
Des images diffusées sur les réseaux sociaux montrent une foule dense marchant derrière le drapeau national dans les rues de Kadiolo, frontalière de la Côte d’Ivoire. Scène analogue à Bougouni, également dans le sud.
Des Maliens interrogés par un correspondant de l'AFP ont dit descendre dans la rue pour défendre le pays.
Au même moment, le président de transition, le colonel Assimi Goïta, a validé un «plan de riposte» gouvernemental aux sanctions ouest-africaines, ont fait savoir ses services sur Facebook. Le plan a plusieurs composantes, diplomatiques ou économiques, écrivent-ils sans plus de précisions.
«L’objectif de ce plan n’est pas d’être dans une posture de bras de fer» avec les organisations ouest-africaines, et le Mali reste «ouvert au dialogue», assurent-ils.
Le gouvernement malien a lancé le 10 janvier, au lendemain des mesures de rétorsion «extrêmes» selon lui prises par l'organisation des Etats ouest-africains, la Cédéao, un appel «à une mobilisation générale sur toute l’étendue du territoire national».
Le colonel Assimi Goïta, porté à la tête du Mali par un premier coup d'Etat en août 2020 et intronisé président «de la transition» à la suite d'un second en mai 2021, a exhorté les Maliens à «défendre [leur] patrie».
Un pays au bord de l'asphyxie
Le Mali, déjà plongé dans une grave crise sécuritaire et politique depuis le déclenchement d'insurrections indépendantiste et djihadiste en 2012, fait face depuis le 9 janvier à de lourdes sanctions de la Cédéao. Celles-ci punissent le projet des militaires de continuer à gouverner pendant plusieurs années, et l'engagement révoqué d'organiser en février 2022 des élections qui auraient ramené les civils à la tête du pays.
La fermeture des frontières de la Cédéao, l'embargo sur les échanges commerciaux (hors produits de première nécessité) et sur les transactions financières ainsi que le gel des avoirs maliens dans les banques ouest-africaines menacent dangereusement l'économie d'un pays parmi les plus pauvres du monde, éprouvé par les violences et la pandémie, enclavé et fortement tributaire des ports ouest-africains du Sénégal et de Côte d'Ivoire.
Des compagnies ouest-africaines ainsi qu'Air France ont suspendu leurs vols vers Bamako. Le pays risque l'asphyxie faute de liquidités. Le Mali n'a pas pu réaliser une opération sur le marché financier régional le 12 janvier. Il est «coupé du reste du monde», déclare Kako Nubukpo, commissaire pour l'Union économique et monétaire ouest-africaine (Uémoa).
Les sanctions ont suscité un concert de réprobations au Mali. La Cédéao est accusée d'être l'instrument de puissances étrangères et un club dépassé de dirigeants coupés des populations.
Un pays isolé internationalement
Le gouvernement malien se drape dans la souveraineté nationale. Il a demandé jusqu'à cinq années supplémentaires et s'est dit incapable actuellement d'appeler les Maliens aux urnes en invoquant l'insécurité persistante sur un territoire dont les deux tiers échappent au contrôle des autorités. Il réclame le temps de mener à bien des réformes essentielles selon lui et d'organiser des élections incontestables.
Aucune voix significative ne s'est élevée au Mali pour approuver la Cédéao. En revanche, un certain nombre pressent pour une reprise des discussions avec l'organisation, s'inquiétant de l'isolement international du Mali.
Le colonel Assimi Goïta a assuré rester «ouvert au dialogue avec la Cédéao».
Le chef de l'ONU Antonio Guterres a réclamé le 13 janvier du gouvernement malien un calendrier électoral «acceptable», rappelant que la Cédéao pourrait alors lever graduellement les sanctions.
Des partenaires du Mali aussi importants que la France et les Etats-Unis ont apporté leur soutien aux sanctions ouest-africaines. Le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell a indiqué le 13 janvier que l'UE allait prendre des dispositions «dans la même ligne» que la Cédéao.
Aucune sortie de crise n'est discernable pour le moment. Le secrétaire général de l'ONU a dit travailler avec la Cédéao et l'Union africaine pour créer les conditions d'un retour du gouvernement malien à une position «raisonnable et acceptable».