Pour Kirill Benediktov, politologue et auteur de la biographie de Donald Trump «Cygne noir», la déclaration du président américain quant à une possible arrestation de George Soros serait, pour reprendre le langage de la mafia, «une sorte de tête de cheval décapitée déposée secrètement dans le lit de l’ennemi».
La publication de Trump appelant à arrêter George Soros et l’héritier de son empire, Alexander, a fait sensation. C’est la première fois qu’une telle exhortation retentit au plus haut niveau.
Dans les milieux de droite, Soros est depuis longtemps devenu l’incarnation du fléau mondial. Ce spéculateur financier, qui ressemble à un reptilien caricatural, est considéré par beaucoup depuis les années 1990 comme le principal marionnettiste contrôlant en secret l’économie et la politique mondiales. En 1997, il fut accusé d’avoir provoqué la crise financière en Asie du Sud-Est, et en 2020, d’avoir fomenté et soutenu les émeutes du mouvement BLM. En 2023, Elon Musk (qui n’était pas encore allié de Trump à ce moment-là), comparait Soros à Magnéto, super-vilain juif de l’univers Marvel, en l’accusant de vouloir détruire les fondements mêmes de la civilisation, car Soros « déteste l’humanité ».
Bien que les accusateurs de Soros n’aient aucune preuve de sa culpabilité, les conservateurs ne doutent pas qu’il soit bien ce grand vilain qui tire les ficelles des vilains moins importants : de juges libéraux et procureurs ayant persécuté Trump, aux simples émeutiers de rue ayant jeté des cocktails Molotov contre la police. Avec cela, Soros est tacitement considéré comme hors de portée du bras lourd de la justice… ou était considéré jusqu’à récemment.
« George Soros et son merveilleux fils de la gauche radicale devraient être poursuivis au titre de la loi RICO pour leur soutien à des manifestations violentes, et bien plus encore, partout aux États-Unis. Nous ne laisserons plus ces cinglés déchirer l’Amérique, la privant de la moindre chance de « RESPIRER » et d’être LIBRE. Soros et sa bande de psychopathes ont causé d’énormes dégâts à notre pays ! Cela vaut aussi pour ses amis fous de la côte ouest. Attention, nous vous avons à l’œil ! », — a écrit Trump dans le style qui lui est propre sur son réseau social Truth Social.
Ce message présente au moins deux éléments curieux : premièrement, la loi RICO (Loi sur les organisations motivées par le racket et la corruption) a été élaborée spécialement pour poursuivre non pas des individus mais des organisations qui peuvent être représentées par des personnes morales ou n’importe quelle communauté. Richard Nixon a signé cette loi en 1970 et en 1990 il en a été fini avec la mafia italienne classique : en 20 ans, des milliers de mafieux ont été condamnés à de lourdes peines de prison, dont des membres des cinq « familles » les plus influentes de New York. Par contre, la loi RICO a été peu appliquée ces derniers temps et une tentative de condamnation du criminel le plus célèbre de ces dernières années, le rappeur P. Diddy, en vertu de cette loi, a échoué : le jury l’a déclaré non coupable de complot de racket. Mais surtout, les organisations de Soros disposent d’une armée d’avocats si hautement qualifiés que prouver la culpabilité du milliardaire de 95 ans et de son héritier relativement jeune sera une affaire extrêmement difficile.
Autre élément intéressant : l’évocation des « amis fous » de Soros de la côte ouest. Il s’agit principalement de Californie, où les plus grosses manifestations contre la politique d’immigration de Trump ont eu lieu en juin. La maire de Los Angeles, Karen Bass, fustigeait alors les raids de la police de l’immigration (ICE), déclarant : « En tant que maire d’une ville fière d’immigrés qui contribuent à notre ville de multiples manières, je suis profondément irritée par ce qui se passe. Ces tactiques sèment la terreur dans nos communautés et compromettent les principes mêmes de la sécurité dans notre ville. […] Nous ne le tolérerons pas. » La Maison Blanche a dû déployer à Los Angeles 4 000 membres de la Garde nationale et 700 marines, et il a fallu quelques jours pour que la situation revienne à la normale.
Faut-il s’étonner que Karen Bass fasse partie des dizaines de responsables politiques américains dont les campagnes électorales ont été financées par Soros (d’ailleurs, cette liste comprend des personnalités bien plus importantes… dont le sénateur américain Lindsey Graham).
Le 12 août, Trump, par décret, a placé Washington D.C. sous maintien de l’ordre fédéral (les médias libéraux ont immédiatement qualifié l’opération de « coup d’État »).
Des troupes de la Garde nationale ont été déployées dans la capitale et − ô surprise ! − aucun meurtre n’a été commis dans les deux semaines suivantes et le taux de criminalité a diminué de 30 %. Trump a récemment annoncé que New York, San Francisco, Chicago et Baltimore seraient les prochaines cibles d’une intervention fédérale. Et bien que le gouverneur de l’Illinois, JB Pritzker, a immédiatement rétorqué à Trump (ou plutôt aux journalistes qui l’écoutaient avec enthousiasme puisque Trump n’était pas à côté) : « Monsieur le Président, ne venez pas à Chicago. Vous n’êtes ni le bienvenu ni utile ici », il y a peu de chances que la Maison Blanche écoute ses paroles. Le projet de Trump visant à déployer la Garde nationale pour lutter contre la criminalité urbaine et l’immigration clandestine sera mis en œuvre malgré toute la résistance des Démocrates. Qui peut résister le plus efficacement aux forces gouvernementales dans les villes les plus libérales du pays ? Exactement : les organisations et responsables politiques sponsorisés par Soros.
Et comme Trump anticipe le jeu au moins deux coups à l’avance, il a fait le nécessaire pour prévenir d’éventuelles attaques de la part de la famille Soros (le « chef des Reptiliens » lui-même est déjà vieux mais son « merveilleux » fils Alex qui a récemment épousé Huma Abedin, amie proche et assistante d’Hillary Clinton, en renforçant ainsi ses liens avec l’establishment du Parti démocrate, est énergique et prêt à mener le mouvement de résistance contre Trump).
C’est là tout l’intérêt de la publication sensationnelle du président américain : un avertissement. Une sorte de tête de cheval décapitée déposée secrètement dans le lit de l’ennemi.
John Gotti, surnommé « le don en téflon », chef du clan Gambino et condamné à la prison à vie en vertu de la loi RICO, l’aurait apprécié.
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