Trump vs Clinton : le premier débat télévisé a vu les candidats à la présidence américaine donner et encaisser les coups. L’écrivain russe Edouard Limonov, qui a suivi le combat de près, compte les points.
Visuellement :
Les candidats étaient devant leur pupitre. Trump habillé en noir, Clinton en rouge. Le rouge et le noir.
Un punk américain lissé, avec une cravate, et la belle-mère de toute l’Amérique. La nouvelle Amérique scandaleuse et bagarreuse contre la traditionnelle Amérique fallacieuse.
Au premier rang étaient assis : Bill Clinton, la bouche ouverte, leur fille Chelsea à la gauche de Bill, et à sa droite, le père et la mère du président Obama, les yeux brillants sur de sombres visages. Bill Clinton, chevelure blanche, tel un cliché photographique, la bouche ouverte – c’est quelque chose, un brin idiot, ma parole !
C’est la trivialité d’Hillary Clinton qui a fait surface, la démagogie d’Hillary Clinton
Quant au fond du débat, de ce qui a été dit, voici quelques-unes de mes observations.
C’est la trivialité d’Hillary Clinton qui a fait surface, la démagogie d’Hillary Clinton :
Au début c’était inspiré, mais too much – beaucoup trop, trop de miel, trop de sucre.
«Je veux investir en vous, dans votre avenir !» (C’est destiné aux Américains ; les Russes auraient eu honte d’entendre des choses pareilles…)
La réponse au reproche de Trump – comme quoi la Clinton ne se serait pas préparée pour ces débats :
«Savez-vous aussi à quoi je suis préparée ? A être présidente !»
Les piques réussies de Trump :
«Hillary a de l’expérience. Mais c’est une expérience mauvaise, manquée… L’Amérique ne peut pas se permettre quatre ans de plus d’une expérience loupée.»
«Clinton se bat contre Daesh depuis qu’elle a atteint l’âge de raison.»
«Clinton est une politicienne typique. Cohérente dans les paroles et jamais dans les actes… Ce sont des gens comme ça qui ont mené le pays au désastre.»
«La Chine, le Mexique et d’autres pays encore se servent des Etats-Unis. De simples Américains perdent leur travail et les emplois quittent le pays. Nous devons arrêter le pillage de nos emplois.»
«Je vais baisser les impôts de 35% à 15%... Cela fait trente ans que Clinton travaille sur les impôts, elle n’a rien fait.»
La vivacité qui faisait l’avantage de Trump s’évapore
Les ratés de Trump dont a bien profité la Clinton :
Trump : «Je publierai ma déclaration d’impôts quand Clinton aura publié ses 33 000 emails.»
Il s’agit d’emails secrets supprimés de la boîte mail privée utilisée par Clinton pour sa correspondance professionnelle, en violation de la loi et contraire à toute règle de sécurité, à l’époque où elle était Secrétaire d’Etat.
C’est un grand raté de Trump, car aux yeux des Américains le fait de cacher sa déclaration d’impôts revient à ne pas s’assumer publiquement (aux Etats-Unis tu es ce que tu gagnes). En même temps ces 33 000 emails – Dieu sait, ce qu’ils contenaient. Peut-être n’étaient-ce que les détails ennuyeux du quotidien du Département d’Etat.
Clinton a compris quelle grande opportunité se présentait à elle et en a profité à fond :
«Il faut se demander pourquoi ne veut-il pas publier sa déclaration d’impôt ? Peut-être n’est-il pas si riche que ça, peut-être a-t-il 650 millions de dollars de dettes ? Peut-être essaye-t-il de cacher quelque chose d’affreux ? Les Américains méritent de voir les déclarations d’impôts des candidats, il cache quelque chose. Nous allons voir ce qui va se passer s’il entre à la Maison Blanche, peut-être qu’il doit quelque chose à quelqu’un».
«J’ai été choquée quand Trump a proposé à Poutine de pirater des Américains».
Là, Clinton a frappé très fort. Evidemment, Trump a plaisanté en proposant aux hackers russes de mettre la main sur les documents supprimés de la boîte mail de Clinton.
Mais ce fut une plaisanterie très dangereuse. Une petite blague tirée par les cheveux jusqu’à être jugée par la nation comme un raté, un grand. Proposer à un adversaire géopolitique de mener une opération de piratage des secrets américains, c’est too much – trop fort pour la mentalité américaine.
Ca frôle la trahison. Un candidat à la présidence américaine ne peut absolument pas faire ce genre de plaisanterie.
Les frappes de Clinton ont été plus puissantes et les blessures faites à Trump – plus profondes
En plus de cette histoire avec le paysagiste, qui se serait trouvé dans la salle, racontée par Hillary : il aurait créé un terrain de golf pour Trump sans que celui-ci ne le règle.
«Peut-être n’a-t-il pas fait assez d’efforts», a tenté de parer Trump, sur le ton de l’humour.
Il a tort de prendre cette histoire à la légère. Si tu ne payes pas pour un travail rendu, tu as mauvaise réputation en Amérique.
Un candidat à la présidence qui ne règle pas ce qu’il doit ? Oh non, il vaut mieux en avoir un autre en tant que président.
Telle est l’impression générale.
La vivacité qui faisait l’avantage de Trump s’évapore.
Les frappes de Clinton ont été plus puissantes et les blessures faites à Trump – plus profondes.
J’ignore quelle sera la réaction des Américains. Très probablement la même que la mienne, et moi, je préférais le Trump d’avant le débat.
La force de Trump ce sont ses braves percées solitaires, quand en piétinant toute bienséance et les traditions de l’Amérique, il poursuit sur sa lancée en s’acharnant sur les problèmes, en se moquant d’Obama, des démocrates et de la politique américaine plan-plan.
Dans les débats, pourtant, on l’a entraîné précisément dans cette routine, remis dans le cadre. Il a largement baissé la tête.
Dans les débats il s’est retrouvé dans le cadre de cette cérémonie traditionnelle et, involontairement, est tombé dans le piège de Clinton, la belle-mère de toute l’Amérique.
Dans son élément naturel fait de disputes, elle s’est montrée bien plus forte.
Hélas !
Source : limonov-eduard.livejournal.com
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