Le Royaume-Uni ne va pas s'effondrer du seul fait de la signature du Brexit par Theresa May. Ce n'est que le début de longues négociations où chacun, l'UE et la Grande Bretagne, ont beaucoup à perdre, selon l'économiste Olivier Delamarche.
RT France : Le Premier ministre du Royaume-Uni Theresa May a signé le 29 mars le décret qui déclenche l’article 50 du traité de l’UE. A quels développements faut-il désormais s’attendre ?
Olivier Delamarche (O. D.) : Probablement à une très longue et pénible période de bras de fer et de négociations bilatérales pour tous les traités qui sont à renégocier. On a l’impression qu'il suffit que soit signé l’article 50 pour que la sortie soit effective, mais ce n’est qu’une première étape. Et derrière, vous avez la renégociation de tous les traités bilatéraux entre les pays européens et la Grande-Bretagne. Attendons de voir comment cela se passe. Tout en ayant en tête qu’il ne faut pas jouer les gros bras, d’un côté comme de l’autre : tout le monde a quelque chose à perdre, les Européens comme la Grande-Bretagne. Eux savent ce qu'ils gagnent – le fait de redevenir un pays souverain, ce qui n'est déjà pas mal. Quant aux Européens, il est difficile de déterminer ce qu’ils peuvent perdre. Certains politiciens ont dit beaucoup de bêtises – mais c’est plutôt habituel – en affirmant que, si la Grande-Bretagne sortait, ce serait la fin du monde pour eux.
Tout le monde a quelque chose à perdre, les Européens comme la Grande-Bretagne
Je ne pense pas que ce soit le cas. On voit malgré tout qu’il y a un certain nombre de pays qui ne font pas partie de l’euro, de l’Europe, et dont la situation n'est pas trop mauvaise. Il faut arrêter de délirer. Mais c’est généralement comme ça : si on n’a pas assez d’arguments, on essaie toujours de faire peur, parce qu’on ne veut pas que cela crée un précédent qui pourrait donner des idées à d’autres. A d’autres qui sont non seulement dans l’Europe, mais dans l’euro.
On essaie de vous annoncer la catastrophe. Mais vous avez des pays qui ne sont pas dans l’euro, comme la Suède, la Suisse, qui ne s'en tirent pas trop mal.
On nous annonçait les dix plaies d’Egypte en cas de vote en faveur du Brexit, en un mois le Royaume-Uni ne devait plus exister... mais il existe toujours
RT France : Après le vote de la population britannique en faveur du Brexit en juin, on a vu beaucoup d’économistes promettre l’effondrement de l’économie anglaise. Elle s’en est plutôt bien sortie jusqu’à maintenant. Peut-on désormais sérieusement prédire son effondrement ?
O. D. : Bien sûr que non. On vous annonçait les dix plaies d’Egypte en cas de vote en faveur du Brexit, en un mois le Royaume Uni ne devait plus exister... mais il existe toujours. Maintenant qu'ils ont raté leur coup en disant que le Brexit n’était pas normal, ils vont dire la même chose à propos de l’article 50. Et comme d'habitude, il ne se passera rien d’extraordinaire.
Ils ont annoncé qu'il y aurait plein d’entreprises à quitter le territoire britannique. Et au contraire, il y a des sociétés qui ont annoncé qu’elles mettraient leur siège au Royaume-Uni. C’est du délire : aujourd’hui, les partisans de l’Europe, et surtout de l’euro, n’ont aucun argument factuel pour que l’euro soit maintenu. Le seul argument qu’on ait – c’est d’annoncer la fin du monde si on en sort. C’est tout.
Il y a des dérives antidémocratiques et totalitaires dans l’euro
Mais il n’y a pas une discussion sérieuse sur l’Europe et l’euro. Dès que vous prononcez un mot contre l'euro aujourd’hui, vous êtes banni, excommunié, désigné comme une crapule, un fasciste. On voit bien que c’est idiot.
Il y a des dérives antidémocratiques et totalitaires dans l’euro. Vous avez des gens qui sont non-élus et qui dirigent, qui sont au-dessus des peuples, des gouvernements et des pays. C’est ça que les Anglais ont rejeté. Ils ont rejeté le fait que leur souveraineté a été transférée à des gens à Bruxelles qui n’étaient pas élus, qui étaient des fonctionnaires européens, qui décidaient, qui étaient au-dessus des juges anglais, etc. Vous ne pouvez pas demander cela à un pays, vous ne pouvez pas lui demander de refiler les clés de la maison à des gens qu'il ne connait pas, qui ne sont pas élus, et qui règnent en plus en jouant sur la peur des gens. Donc l’Europe est un ensemble de fonctionnaires totalitaires.
Qu’est-ce qu’a réussi l’Europe, à part Airbus et le programme Erasmus pour les gamins ?
RT France : Il y a tout de même une inquiétude concernant le départ de l’Ecosse, qui veut maintenant tenir un nouveau référendum sur son indépendance. Cela peut-il mener à la désagrégation du Royaume-Uni ?
O. D. : Il y une inquiétude très nette sur l’Ecosse. Je ne sais pas si l’Ecosse a bien compris ce qui pourrait lui arriver, si elle reste en Europe. Cela me semble toujours ahurissant de voir un pays réagir comme ça, alors que l’Europe montre son incapacité dans tous les domaines : elle ne peut régler ses problèmes avec la Grèce, avec l’Espagne, l’Italie... Qu’est-ce qu’a réussi l’Europe, à part Airbus et le programme Erasmus pour les gamins ? On est incapable d’assurer notre défense, incapable d’une harmonisation fiscale, incapable de régler les problèmes des banques italiennes et les problèmes de la Grèce. Quel est donc l’attrait ?
Que les Ecossais veuillent absolument rester dans ce système-là, je trouve cela assez peu malin
Je vois bien que les Ecossais veulent rester en Europe. Mais je trouve ça assez curieux qu’aujourd’hui il y ait encore des gens qui n’ont pas compris que le système actuel était un système totalement pourri. Il faudrait créer une zone européenne pour faciliter les échanges, qu'on ait de vastes projets communs. Mais qu’on arrête de se faire gouverner par des gens qui sont totalement incompétents, qui sont envoyés là-bas pour pantoufler en gagnant des milliers d’euros pas mois. C’est un système corrompu, mafieux. Il faut arrêter. Il est très bien que les Britanniques aient eu le courage de sortir. Ils ne seront probablement pas les derniers. Que les Ecossais veuillent absolument rester dans ce système-là, je trouve cela assez peu malin.
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