François Bayrou auditionné sur l’affaire Bétharram : des explications jugées insuffisantes

Mis en cause dans l’affaire Notre-Dame-de-Bétharram, François Bayrou a été entendu par une commission d’enquête. Il affirme ne jamais avoir été informé des faits reprochés, tandis que plusieurs témoins soutiennent l’inverse. L’audition a mis en lumière les contradictions entre sa version des faits et celles des acteurs clés du dossier.
Devant la commission d’enquête parlementaire sur les violences en milieu scolaire, François Bayrou a livré, mercredi 14 mai, une audition attendue et marquée par de vives tensions. En cause : son rôle d’ancien ministre de l’Éducation nationale (1993-1997) et les violences sexuelles et physiques perpétrées pendant plusieurs décennies à l’internat Notre-Dame-de-Bétharram, dans les Pyrénées-Atlantiques, aujourd’hui au cœur d’un scandale d’État.
Plus de 200 plaintes sont actuellement étudiées par le parquet de Pau. L’audition du Premier ministre avait pour objectif de déterminer s’il avait eu connaissance, à un moment donné, des sévices commis dans cet établissement où plusieurs de ses enfants ont été scolarisés. Dès l’ouverture de la séance, François Bayrou affirme : « Je ne connais rien de pire et de plus abject que des adultes utilisant des enfants comme objets sexuels. C’est une immonde abomination ».
Accusé d’avoir ignoré ou minimisé des signaux d’alerte, François Bayrou a fermement nié avoir été informé à l’époque des faits. « Tout ce que je savais, je l’ai su par la presse, en 1995 et 1997 », a-t-il déclaré sous serment, ajoutant : « Je maintiens que je n’ai bénéficié d’aucune information privilégiée ». Cette ligne de défense a pourtant été contredite par plusieurs témoignages, dont celui du juge Christian Mirande qui assure avoir rencontré Bayrou en 1998 pour évoquer un viol commis à Bétharram. Sa fille, Hélène Perlant, a également confirmé l’existence de cette rencontre.
Des rapports contestés et une mémoire défaillante
François Bayrou a justifié la brièveté d’une inspection lancée en 1996 après une plainte pour violences. L'inspection, conduite en une journée, avait abouti à un rapport favorable à l’établissement. « C’était une vraie vérification », a-t-il soutenu, malgré les critiques de la députée Violette Spillebout (Renaissance), qui estime au contraire que le rapport fut « très superficiel », les élèves n’ayant pas été interrogés.
Sur BFMTV, Françoise Gullung, ancienne enseignante à Bétharram, a accusé François Bayrou de déni : « Il est évident qu’il est dans le déni de toute responsabilité qui pourrait être la sienne ». Elle affirme l’avoir informé dès les années 1990, ce qu’il conteste catégoriquement : « Sous serment, je dis que Mme Gullung ne m’a informé de rien ».
L’audition a également mis en lumière les propos d’Alain Esquerre, porte-parole de l’association des victimes, qui a déclaré : « Ce n’est pas François Bayrou qui nous a agressés », estimant que le Premier ministre n’était « pas ménagé » par la commission. Il a aussi rappelé que «le combat est pour les victimes », et que Bayrou « n’est pas l’enjeu central » de cette affaire.
Tensions politiques et crédibilité en jeu
Dans un climat tendu, François Bayrou a dénoncé à plusieurs reprises une « commission pas totalement objective », en réponse aux nombreuses citations issues de l’enquête du média Mediapart, qu’il a balayées en affirmant: « Je ne lis pas Mediapart, j’en fais une hygiène personnelle ».
Enfin, interrogé sur son absence de réaction à certains signaux remontant à son ministère, François Bayrou a reconnu : « Est-ce que j’aurais dû faire plus ? C’est possible. J’aurais peut-être dû faire mieux ». Mais il continue de plaider l’oubli et la distance temporelle, allant jusqu’à déclarer : « La mémoire de personne ne va jusqu’à 40 années ».
Un faux témoignage devant une commission d’enquête parlementaire constitue un délit puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende. Pour l’heure, François Bayrou maintient sa version, assurant n’avoir jamais été informé, si ce n’est « par les journaux ».