Génocide rwandais : la Banque de France visée par une plainte pour des virements suspects
© SOPA Images Source: Gettyimages.ruUne plainte pour complicité de génocide et de crimes contre l’humanité a été déposée contre la Banque de France, accusée d’avoir validé en 1994 plusieurs virements de la Banque nationale du Rwanda susceptibles d’avoir contribué à l’armement des forces génocidaires.
Selon informations recueillies par le quotidien français Libération et la cellule investigation de Radio France, révélées le 10 décembre, une plainte a été déposée le 4 décembre auprès du pôle crimes contre l’humanité du tribunal judiciaire de Paris contre la Banque de France. Ce recours intervient trente et un ans après le génocide des Tutsis au Rwanda, qui fit près d’un million de morts. La France devra une fois encore s’expliquer sur une potentielle complicité dans ce massacre.
Sept virements au cœur du dossier
La plainte, déposée par les avocats Matilda Ferey et Joseph Breham au nom de Dafroza Gauthier, Alain Gauthier et du Collectif des parties civiles pour le Rwanda, porte sur sept virements effectués entre mai et août 1994 depuis un compte de la Banque nationale rwandaise logé à la Banque de France. Ces transferts, d’un montant total de 3,172 millions de francs (soit environ 486 000 euros), sont intervenus malgré l’embargo onusien sur les armes imposé dès le 17 mai 1994.
Un premier virement, daté du 5 mai, aurait servi à l’acquisition de matériels de communication satellitaire auprès d’Alcatel, alors que les autres auraient été adressés à des représentations diplomatiques du Rwanda en Éthiopie, en Afrique du Sud et en Égypte, et auraient pu servir pour des achats d’armes.
L’enquêtrice internationale Kathi Lynn Austin estime que les autorités hutu avaient donné des instructions explicites pour rapatrier des fonds vers le compte parisien de la BNR. Elle juge que la Banque de France disposait d’outils permettant d’identifier le caractère potentiellement illégal de ces opérations, compte tenu de la médiatisation du génocide, du contrôle anticonstitutionnel exercé par le gouvernement intérimaire et de l’embargo sur les armes.
Les traces des virements détruites
Interrogée par Libération, la Banque de France affirme n’avoir retrouvé aucune trace des virements, évoquant la destruction obligatoire de pièces comptables après dix ans. Sans éléments complémentaires, l’institution assure qu’il est « très difficile d’inférer » la nature exacte virements en francs émis par la BNR.
Cette plainte, comme celle déposée en 2017 contre BNP Paribas, s’inscrit dans le travail de documentation mené par Mariama Keïta, proche de François-Xavier Verschave, figure majeure de la dénonciation de la « Françafrique » et l’un des premiers à avoir mis en lumière la responsabilité de la France et de certaines de ses banques dans le génocide au Rwanda.