Critiqué sur sa gauche, Emmanuel Macron tente de rassurer à Calais
Rencontre avec les différents acteurs sur place, mise en garde des forces de l'ordre : en visite à Calais, Emmanuel Macron tente de rassurer la gauche de la majorité présidentielle avant de présenter fin février son projet de loi sur l'immigration.
Emmanuel Macron se rend à Calais le 16 janvier dans l'espoir de désamorcer les critiques sur le projet de loi destiné à réformer la politique migratoire et le droit d'asile, formulées par nombre d'associations qui travaillent sur le terrain mais également par l'aile gauche de son propre parti, LREM.
Dans leur ligne de mire se trouve principalement la circulaire Collomb, datée du 12 décembre et qui prévoit l'envoi d'équipes volantes dans les centres gérés par des associations afin d’orienter leurs occupants vers des structures différentes selon leur statut de réfugié, de demandeur d'asile, ou encore s'ils ont été déboutés. Un texte jugé coercitif par les associations humanitaires, qui met fin selon elles au droit d’hébergement pour tous qui prévalait jusqu'à aujourd'hui.
Vent debout contre cette circulaire, le secteur associatif a déposé le 11 janvier une requête au Conseil d’État pour en réclamer l’annulation. Un combat qui a trouvé un écho retentissant dans la sphère publique avec la une de L'Obs en date du 10 janvier et qui a beaucoup fait réagir, sur laquelle Emmanuel Macron apparaît barricadé derrière une herse de barbelés en référence au sort des migrants.
Opération séduction
Il y a donc urgence pour le chef de l'Etat à rappeler qu'il n'a rien perdu de son côté humaniste. Emmanuel Macron va ainsi rencontrer les différents acteurs sur place, élus locaux, forces de l'ordre et associations humanitaires, débutant son déplacement à Croisilles, où a été ouvert l'un des trois Centres d'accueil et d'examen de situation (CAES). Une nouvelle structure qui doit permettre à chaque migrant une solution d’hébergement dans l'attente du traitement administratif de son dossier, qui sera donc l'occasion pour le chef d'Etat de redorer son image face aux caméras.
Cette opération séduction destinée à l'aile gauche de son parti et aux associations se poursuivra ensuite lors d'un discours aux forces de l'ordre : «Le président de la République leur dira qu’ils doivent être exemplaires dans leurs interventions et dira qu’il souhaite des sanctions en cas de faute», affirme l'Elysée. Une manière de rassurer les ONG telles que Human Rights Watch (HRW), qui ont dénoncé à de nombreuses reprises un usage excessif de la force contre les migrants.
«Un alibi pour des projets déjà bien établis»
Mais la partie est loin d'être gagnée d'avance pour le chef de l'Etat. Deux des principales associations locales d'aide aux migrants, L'Auberge des migrants et Utopia 56, ont en effet décidé de boycotter la rencontre du monde associatif avec le président.
«Alors même que le gouvernement n'a pas écouté à Paris les grandes organisations humanitaires, ni sur leurs critiques, ni sur leurs propositions, pourquoi le président tiendrait-il compte des mêmes critiques et propositions des associations locales?», s'interrogent-elles ainsi. Cité par France 24, François Guennoc, de l’Auberge des migrants, estime qu'il s'agit «juste d'un alibi pour des projets déjà bien établis».
Le point de vue de ces deux associations est-il susceptible d'évoluer ? Le texte de loi, lui, ne l'est pas, à en croire le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb. Dans un entretien accordé au Parisien le 14 janvier,il réaffirmait qu'il n'était «pas question» de changer l'orientation du projet de loi, jugeant celui-ci «totalement équilibré». L'Elysée précise d'ailleurs que le chef d'Etat n'abordera pas en détails le projet de loi lors de cette visite, mais tiendra «un discours de vérité : la frontière est fermée et Calais ne peut plus être une destination pour les migrants.»