Des masques pour les policiers... pris aux postiers : déshabiller Pierre pour habiller Paul ?
Les syndicats et les collectifs de police ont exercé une pression importante sur Christophe Castaner, allant jusqu'à inviter les effectifs à ne plus réaliser de contrôles de confinement. Le ministre annonce avoir mis La Poste à contribution.
Après l'appel, le soir du 25 mars, d'une intersyndicale policière à cesser les contrôles de confinement et les verbalisations y afférant tant que les policiers nationaux ne bénéficieraient pas d'un équipement de protection sanitaire adéquat contre la pandémie de Covid-19, Christophe Castaner semble s'être empressé de trouver des solutions.
Ce serait chose faite, à en croire une déclaration du ministre de l'Intérieur interrogé sur France 2 le soir du 26 mars et qui a assuré qu'il avait fait livrer 800 000 masques chirurgicaux aux forces de l'ordre. L'AFP ajoute que, selon l'entourage du ministre, un million de masques devraient arriver de Chine le 28 ou le 29 mars.
Si ces annonces sont vérifiées et se concrétisent, il était grand temps pour Beauvau car la décision du ministère de transférer le stock de 1,4 million de masques FFP2 des forces de l'ordre vers les personnels soignants a été mal accueillie par les organisations syndicales et les collectifs policiers.
L'industrie textile et La Poste mises à contribution
Un courrier électronique émanant des services de la direction centrale des compagnies républicaines de sécurité (DCCRS), auquel RT France a eu accès le 26 mars, faisait savoir aux fonctionnaires qu'ils étaient effectivement invités à remettre les masques FFP2 disponibles périmés à la direction zonale «en urgence».
Le message demandait également aux compagnies de conserver des masques à destination des effectifs CRS pour une durée de six semaines, soit 420 masques par compagnie.
Puis le message précisait : «A titre d'information, il semblerait envisageable que des masques chirurgicaux nous soient ensuite distribués.»
Cette volonté d'orienter le matériel de protection individuelle en direction des soignants via les agences régionales de santé répondait en réalité à une doctrine gouvernementale, selon les informations de Ouest-France.
Cela n'en a pas moins provoqué l'ire des grandes organisations syndicales du monde policier.
Concernant les nouveaux masques dénichés par Beauvau, selon les informations de l'AFP, ils viennent notamment de La Poste qui en a donné 300 000 à l'Intérieur pour les policiers et les gendarmes.
Par ailleurs, le syndicat de police Alliance a annoncé ce 27 mars par la voix de son secrétaire général Fabien Vanhemelryck avoir récupéré 12 000 masques auprès d'une chaîne de vêtements : «Nous avons décidé d'essayer ce que n'est apparemment pas en mesure de faire le gouvernement, à savoir essayer de récupérer des masques pour que nos collègues puissent se protéger» a ainsi tancé le secrétaire général.
Le groupe textile C&A France a également confirmé qu'il allait distribuer 36 000 masques de protection disponibles en stocks aux soignants et aux policiers, selon un message adressé à l'AFP.
Interdiction de porter le masque, puis demi-autorisation, puis rétropédalage ?
La patience des policiers nationaux a été émise à rude épreuve après que diverses notes émanant des directeurs départementaux de la sécurité publique les ont invités à ne plus porter les masques lors des contrôles. Un ordre également propagé sur les ondes radio de la police le 18 mars, ainsi qu'on peut le voir sur une vidéo devenue virale.
#Coronavirus - #Police : «L’inquiétude a fait place à la colère», rapporte Antoine Boitel, journaliste spécialisé dans les questions sécuritaires@AntoineLaBoitepic.twitter.com/tQdNOcr0SG
— RT France (@RTenfrancais) March 25, 2020
Puis le directeur central de la sécurité publique, Jean-Marie Salanova, a fait savoir le 21 mars dans une note que les policiers pouvaient finalement porter des masques de protection lors des actions de police, mais pas de manière permanente.
Cependant, selon un compte-rendu de visioconférence entre les syndicats et la direction générale de police nationale, en date du 26 mars, dont RT France a eu connaissance, ce revirement n'a pas été validé par le nouveau directeur général de la police nationale, qui aurait, lui, pour objectif de ne pas se trouver confronté à une pénurie totale de masques trop rapidement. Selon ce compte-rendu syndical : «Le directeur général [Frédéric Veaux] maintient les instructions de la note du 13 mars 2020 sur le non-port des masques sauf en cas d’action de gestes de police qui exposent le policier. La note du DCSP [Jean-Marie Salanova] ne peut être mise en application.»
Surtout, ce compte-rendu fait ensuite savoir que la direction générale de la police nationale avait reconnu qu'aucune commande n'était en cours à Beauvau le 26 mars : «A ce jour aucune commande du ministère de l'Intérieur n’a été passée, mais seulement des expressions de besoin [...]. Il n'y a pas d’échéance ni de date de livraison mais le DGPN reste optimiste.»
Un million de masques ? Des informations contradictoires
Des propos qui n'appartiennent qu'à la formation syndicale dont émane ce compte-rendu de visioconférence avec Beauvau, mais qui semblent étonnamment très éloignés des annonces du ministère, auprès de l'AFP notamment, qui auraient fait savoir qu'un million de masques seraient attendus de façon imminente en provenance de Chine. Les informations qui ont été mises à disposition de l'Agence France presse par le ministère de l'Intérieur ne sont-elles pas parvenues jusqu'à Frédéric Veaux, le DGPN ?
«Des comptes à rendre» : la pénurie de #masques provoque la colère de médecins contre le #gouvernement#coronavirus#COVIDー19
— RT France (@RTenfrancais) March 22, 2020
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Les policiers en colère ironisent
Quoi qu'il en soit, concernant le don de La Poste, le collectif de policiers en colère, UPNI a publié un pastiche acerbe sur son compte Facebook, à l'endroit du ministre de tutelle de l'institution police.
Ce texte drolatique souligne le paradoxe de retirer des masques aux policiers pour en reprendre aux postiers et illustre l'incompréhension des effectifs de terrain confrontés aux méandres administratifs et politiques : «Eh la bleusaille, c'est Castaner. C'est bon, j'ai un plan.[...] J'ai récupéré des masques chez les gendarmes pour les donner aux hôpitaux. Vous les flics, j'ai récupéré vos cartons chez les CRS et dans les comicos [commissariats] pour les remettre également aux hôpitaux.»
Et de poursuivre : «Mais j'ai bien senti que ça n'a pas plu aux policiers de tous grades. Du coup, j'ai trouvé des stocks tout neufs venus de je ne sais où dans les hangars de La Poste. Alors les postiers, dont je me tape éperdument, se font la joie de vous remettre les masques qui étaient mis à leur disposition et qui pourrissaient quelque part comme tout le reste. En plus, ils sont neufs ! C'est cool non ? Je verrai pour la Poste s'ils peuvent se servir chez nos copains de ERDF. Peut-être à la SNCF qui sait. Je vais voir. [...] J'ai fait une commande qui devrait arriver de Chine, je crois. Faut que je me renseigne. J'en avais parlé y a deux semaines quelque part. Je sais plus trop non plus. [...] Essayez de ne pas tomber malades en attendant la livraison. [...] Cordialement, votre dévoué ministre.»
Antoine Boitel