Chine : changement de cap en vue après les protestations contre la politique «zéro Covid» ?
Pékin a reproché à des «forces aux motivations cachées» d'avoir établi un lien entre les restrictions sanitaires et l'incendie meurtrier au Xinjiang qui a déclenché une vague de colère, mais les restrictions ont été allégées dans cette province.
Les autorités chinoises ont assuré le 28 novembre que leur «combat contre le Covid-19 serait une réussite», au lendemain d'un mouvement de protestation qui a conduit des Chinois exaspérés par les restrictions sanitaires à se rassembler dans plusieurs villes. Mais si Pékin envisage de poursuivre dans la voie choisie pour tenter de contenir la pandémie, certaines restrictions ont néanmoins été allégées localement.
Pékin dénonce «des forces aux motivations cachées»
La veille, une foule de manifestants répondant à des appels sur les réseaux sociaux était descendue dans la rue dans plusieurs villes dont Pékin, Shanghai et Wuhan, prenant les forces de l'ordre au dépourvu.
Selon l'agence vidéo Ruptly, qui en a diffusé les images, les manifestants scandaient notamment : «Ne regardez pas, rejoignez nous !», ou encore «Longue vie à la liberté !».
Dans ce pays où les manifestations antigouvernementales sont particulièrement rares, des étudiants de l’université Tsinghua de Pékin se sont également mobilisés pour réclamer le retour à «une vie normale» et la levée des restrictions mises en place par les autorités chinoises.
Parmi les éléments déclencheurs de ce mouvement, un incendie mortel survenu à Urumqi, capitale de la province du Xinjiang, a catalysé la colère de citoyens qui estiment que les restrictions sanitaires ont entravé le travail des secours, avec pour conséquence la mort d'une dizaine de personnes.
Mais le gouvernement chinois rejette catégoriquement tout lien entre ce drame et les restrictions. Cité par l'AFP, le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères Zhao Lijian a même accusé «des forces aux motivations cachées» d'établir un lien entre cet incendie et «la réponse locale au Covid-19».
«Sous la direction du Parti communiste chinois et (avec) le soutien du peuple chinois, notre combat contre le Covid-19 sera une réussite», a encore affirmé le porte-parole.
Le Royaume-Uni dénonce l’arrestation d’un journaliste de la BBC
Alors que les forces de l'ordre ont procédé à des arrestations, le groupe de médias britannique BBC a annoncé le 27 novembre qu'un de ses journalistes en Chine, qui couvrait à Shanghai les manifestations contre la politique draconienne «zéro Covid» du gouvernement, avait été arrêté et «frappé par la police».
Le gouvernement chinois a pour sa part assuré que le journaliste en question, Edward Lawrence, avait refusé de présenter son accréditation. «D'après ce que nous avons appris des autorités compétentes de Shanghai, [le citoyen britannique interpellé] ne s'est pas identifié en tant que journaliste et n'a pas volontairement présenté son accréditation de presse», a ainsi affirmé Zhao Lijian, demandant aux médias étrangers de «respecter les lois chinoises et les réglementations lors [de leur séjour] en Chine».
«La BBC est très inquiète de la manière dont a été traité notre journaliste Edward Lawrence qui a été arrêté et menotté pendant qu'il couvrait les manifestations à Shanghai», a de son côté fait valoir le groupe dans un communiqué relayé sur Twitter. Le reporter, qui travaille selon Londres en tant que journaliste accrédité dans le pays, a affirmé qu'au moins un citoyen chinois avait été arrêté après avoir tenté d'empêcher la police de le frapper.
D'après un porte-parole du groupe de médias, la BBC n'a eu «aucune explication ou excuse officielle des autorités chinoises, au-delà d'une affirmation des fonctionnaires, qui l'ont ensuite libéré», et selon laquelle Edward Lawrence aurait été «arrêté pour son propre bien au cas où il aurait attrapé le Covid dans la foule». «Nous ne considérons pas cela comme une explication crédible», a-t-il ajouté.
Le ministre britannique des Entreprises, Grant Shapps, a jugé que ces violences étaient «inacceptables» et «préoccupantes». Après l'incident, le reporter est retourné sur les lieux de la manifestation, selon des vidéos publiées sur son compte.
Le début d'un allègement de la politique du «zéro Covid» ?
Fait notable, les autorités de la province du Xinjiang ont annoncé le 28 novembre en conférence de presse l'allègement de plusieurs restrictions contre le Covid-19 dans sa capitale, Urumqi, où s'est produit l'incendie controversé. Les habitants, dont certains sont confinés à leur domicile depuis des semaines, pourront se déplacer en bus pour faire des courses dans leur quartier à partir du 29 novembre.
Les livraisons de colis pourront également reprendre, mais les employés chargés de la logistique devront demeurer en «circuit fermé» dans des dortoirs d'entreprise. Certains commerces essentiels situés dans des zones à «faible risque» peuvent désormais demander à reprendre leurs activités à 50% de leur capacité, tandis que les transports en commun et les liaisons aériennes commenceront «à reprendre de façon ordonnée». Reste à voir si ces mesures locales augurent d'une inflexion plus profonde de la politique sanitaire de Pékin.
Malgré plusieurs vaccins à disposition, et à rebours du reste du monde, Pékin continue d'imposer des confinements massifs dès l'apparition du moindre cas, à placer en quarantaine dans des centres les personnes testées positives, et à exiger des tests PCR quasi-quotidiens pour l'accès aux lieux publics. Malgré ces mesures, le virus continue à circuler et la Chine a ainsi recensé le 27 novembre 39 506 cas de Covid, un record quotidien toutefois très faible par rapport aux chiffres enregistrés ailleurs dans le monde au plus fort de la pandémie. Avec un peu plus de 5 000 décès dus au Covid selon les chiffres communiqués par le gouvernement, Pékin enregistre également une mortalité officielle faible par rapport à de nombreux autres pays touchés par la pandémie.