Un tribunal pour juger «les crimes de la Russie» ? Moscou dénonce une mesure arbitraire
La Commission européenne veut instaurer un tribunal spécial pour juger «les crimes de la Russie» en Ukraine. Vassili Nebenzia, représentant russe à l'ONU, dénonce une mesure arbitraire, visant à légitimer la saisie des fonds russes gelés.
«Nous proposons de mettre en place un tribunal spécial soutenu par les Nations unies pour enquêter et poursuivre en justice les crimes d'agression de la Russie», a annoncé le 30 novembre la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, dans une vidéo diffusée sur Twitter. La création d'un tel tribunal a été réclamée à plusieurs reprises par le président ukrainien Volodymyr Zelensky. Moscou, de son côté, accuse régulièrement Kiev d'être responsable de «crimes de guerre» en Ukraine, comme récemment avec l'exécution à bout portant de soldats russes désarmés.
L’initiative d'Ursula von der Leyen a été qualifiée de «tentative de légitimer d’une certaine manière l’arbitraire contre la Russie» par Vassili Nebenzia, représentant permanent de la Russie auprès de l’ONU.
Ils inventent ces règles et ensuite les présentent comme des normes universelles
«Ils inventent ces règles et ensuite les présentent comme des normes universelles, mais ils cherchent aussi à se cacher derrière l’autorité des Nations unies», a poursuivi le diplomate russe dans un communiqué le 30 novembre, taclant le camp occidental. «Il y a tellement d’initiatives qu'il est impossible de les suivre toutes» a-t-il ensuite ironisé.
Von der Leyen veut utiliser les fonds russes gelés pour l'Ukraine
La présidente de la Commission souhaite en effet faire payer Moscou pour les destructions matérielles en Ukraine. «Avec nos partenaires, nous veillerons à ce que la Russie paie pour les ravages qu'elle a causés, en utilisant les fonds gelés des oligarques et les actifs de sa banque centrale», a-t-elle affirmé. L'UE a déjà bloqué 300 milliards d'euros de réserves de la Banque centrale russe et a gelé 19 milliards d'euros d'avoirs appartenant à des oligarques russes, comme elle l'a rappelé.
«A court terme, nous pourrions créer [...] une structure pour gérer ces fonds et les investir. Nous utiliserons ensuite ces fonds pour l'Ukraine», a précisé Ursula von der Leyen.
Les dommages subis par l'Ukraine s'élèvent, selon elle, à 600 milliards d'euros. «La Russie doit payer pour ses crimes horribles», a martelé Ursula von der Leyen.
Les propos de la présidente de la Commission européenne faisaient écho à une proposition déjà faite en mai par le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell. Ce dernier s'était alors dit favorable à l'utilisation des quelque 300 milliards d'euros d'actifs russes saisis, pour financer la reconstruction de l'Ukraine. Le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov avait alors dénoncé les «habitudes de voleurs» de l'Occident.
Moscou dénonce une tentative de «vol»
Pour Vassili Nebenzia, le tribunal spécial proposé par Ursula von der Leyen viserait ainsi en réalité à donner une base légale à l'utilisation par Bruxelles des fonds russes gelés. «Il est clair qu'ils essayeront de justifier cela par une résolution adoptée par l'Assemblée générale [de l'ONU], pour tenter de donner une forme de légitimité à cet acte illégal», a souligné le représentant russe.
Même son de cloche du côté de la Représentation permanente de la Russie auprès de l’Union européenne, qui a invité dans un commentaire publié le même jour, le «monde entier» à prendre conscience de l'attitude de l'UE. «Les actions illégitimes de la part de Bruxelles visant à "geler" les avoirs en or et en devises de la Fédération de Russie mais aussi les avoirs appartenant à des particuliers, ainsi que l’intention d’en disposer à leur gré : voilà une leçon illustrative pour la communauté internationale et pour les cercles d’affaires», a ainsi fait valoir la Représentation russe.
Et de poursuivre : «L’Union européenne a démontré qu’elle peut tout simplement voler les réserves financières qui lui ont été confiées et renoncer à ses obligations de protéger la propriété privée et les investissements de capitaux, et de respecter les immunités découlant du droit international.»