Le 28 décembre fut une journée particulièrement chargée en conversations atlantistes autour de la guerre en Ukraine qui n’ont débouché sur aucune avancée politique. Pour Karine Bechet, si cela n'est pas une surprise, la disproportion entre les communications russe et atlantiste qui se manifeste est de plus en plus dérangeante.
La fin de l’année 2025 est marquée par l’accélération de la communication sur la question de la guerre atlantiste sur le front ukrainien. Comme le note l’état-major russe, et cela se vérifie dans les faits, l’armée russe est à l’offensive sur l’ensemble du front. L’armée atlantico-ukrainienne ne peut pas reprendre l’avantage, elle ne peut que ralentir une avancée russe inévitable dans cette configuration des forces.
Ne pouvant arrêter l’armée russe militairement, les Atlantistes tentent toujours de l’arrêter politiquement, autrement dit par les négociations. Ce qui, au demeurant, ne semble pas leur réussir non plus. Au-delà de la confiance affichée de la Russie à Trump, les autorités russes ont tiré les leçons de leurs excès de confiance passés et dissocient fermement le militaire du diplomatique.
La Russie a sobrement annoncé que les deux Présidents avaient bien eu une conversation téléphonique et qu’ils avaient convenu de continuer à discuter sur la question ukrainienne.
De son côté, Trump est revenu à ses habitudes communicationnelles, à l’occasion de la conférence de presse faite avec Zelensky. Trump est content : la « paix » est proche, elle arrive, elle est aux portes... mais il reste deux, trois ou quatre « détails » à régler. Tout le monde, selon lui, veut la « paix ». Amen !
Le seul problème est que, comme on le dit en Russie, le diable est dans les détails. Et ces détails, notamment la question territoriale, celle des « conditions de sécurité pour l’Ukraine » ou le cessez-le-feu sont des « détails » fondamentaux.
Le point le plus important est la question des territoires car celui qui contrôle le territoire, y détermine le pouvoir, y contrôle les esprits. C’est ainsi qu’à la chute de l’URSS, les Atlantistes ont petit à petit pris le contrôle du territoire ukrainien, un contrôle politique par le remplacement des élites. Ce qui a permis d’y introduire la législation dont ils avaient besoin. Ce qui leur a ouvert l’accès aux ressources naturelles. Ce qui a permis de reconfigurer la manière de penser de la population, en tout cas d’une minorité hyper-active, suffisante pour entraîner le pays dans sa chute en 2014.
Les territoires historiquement russes qui voulaient rentrer en Russie à la chute de l’État ukrainien en 2014 et qui, selon le principe du droit à l’autodétermination des peuples, en ont le droit légitime doivent pouvoir rentrer en Russie. S’il est vaguement question des régions de Donetsk et Lougansk dans le plan de Trump, et encore de la ligne de front, rien n’est dit sur les autres territoires.
Il est important de s’en souvenir lorsque Trump déclare : « 91 % des Ukrainiens veulent que la guerre prenne fin. La Russie veut aussi qu'elle prenne fin. Tout le monde veut qu'elle prenne fin ». Rappelons, qu’en 2014, à la suite du Maïdan, 89% des habitants de la région de Donetsk et 94% de ceux de la région de Lougansk demandaient leur indépendance vis-à-vis de l'Ukraine pour rentrer en Russie.
Trump, tellement inquiet dans ses déclarations médiatiques quant aux pertes humaines en Ukraine, devrait se souvenir que si les Atlantistes, qu’il dirige, n’avaient pas lancé l’armée ukrainienne contre l’est du pays, des millions de personnes seraient en vie. Et qu’il suffirait, pour ne pas en tuer davantage, de cesser réellement de fournir des armes et du renseignement militaire à l’armée atlantico-ukrainienne, mais cela n’est pas au programme. L’hypocrisie doit suffire pour détourner les esprits de cette simple vérité.
Par ailleurs, Trump a encore insisté sur le rôle des Européens dans les garanties de sécurité à l’Ukraine, ce qui va à l’encontre directe des exigences de la Russie : « Nous avons promis des garanties de sécurité à l'Ukraine. L'Europe en assurera la majeure partie. ».
Et la Russie, en fait selon Trump, devra payer la reconstruction de l’Ukraine mise sous tutelle militaire directe de l’OTAN (en raison de ces garanties de sécurité assurée par les pays européens de l’OTAN), ainsi que vendre de l’énergie à très bas coût : « La Russie aidera à reconstruire l'Ukraine. La Russie souhaite la réussite de l'Ukraine et lui fournira de l'énergie, de l'électricité et d'autres biens à des prix très bas. »
Cela a conduit Kirill Dmitriev, le représentant spécial du Président russe envoyé aux États-Unis pour négocier, à tweeter en anglais, sans contexte, ce texte plus qu’étonnant : « Le président Trump : "Le président Poutine souhaite la réussite de l'Ukraine" ». De quelle « réussite » s’agit-il ? Cela est-il la position officielle de la Russie puisque cette formule est prononcée par le représentant officiel du président ? Étrange et dérangeant. Et surtout contreproductif, alors que les pourparlers continuent. Pourquoi un envoyé spécial de la Russie, devant donc défendre les intérêts de la Russie, reprend-il sans modération aucune les sorties affabulatoires du président Trump qui n’en est pas à sa première ?
L’idée de la prise de contrôle par les Américains de la centrale nucléaire de Zaporojié, située sur le territoire constitutionnellement russe, n’est toujours pas abandonnée par Trump. Il fait semblant de croire que cette centrale est co-dirigée par l’Ukraine et la Russie et ne voit pas que l’armée atlantico-ukrainienne tire régulièrement dessus : « Poutine travaille avec l'Ukraine pour lancer la plus grande centrale nucléaire du monde. J'ai appris aujourd'hui qu'il y a 5 000 personnes qui y travaillent. Aujourd'hui, j'ai vu un Poutine très intéressant. ».
L’AIEA a pu annoncer un cessez-le-feu temporaire sur la centrale, sans bien sûr reconnaître qu’il s’agissait d’un cessez-le-feu imposé à l’armée atlantico-ukrainienne, le temps de faire les réparations consécutives à ses attaques criminelles. Mais dans la langue trumpienne, cela est présenté sous un tout autre jour.
D’ailleurs, Trump est finalement revenu à l’ultimatum : «J'espère que nous prendrons une décision sur tous les documents en janvier. Si rien ne se passe, nous devrons combattre et mourir. ».
Les élections de mi-mandat arrivent, Trump n’aura plus le temps de jouer à « l’arbitre » dans sa propre guerre. Il faudra bien alors faire tomber le voile de l’illusion si la Russie ne renonce pas à ses intérêts vitaux, et elle ne semble pas prête au suicide politique. Si Trump ne peut être un « Pacificateur » victorieux, il devra se vêtir de la parure du « Guerrier victorieux ». De toute manière, le but n’a pas changé pour les Atlantistes dont il fait partie et qu’il dirige aujourd’hui : la victoire, et donc la défaite de la Russie.
Dans ce contexte, le discours politico-médiatique russe n’est plus désopilant, il est simplement dangereux. Oublions le soutien affiché à Trump pour le prix Nobel de la paix. Mais continuer à « oublier » les États-Unis pour se focaliser sur les Européens, qui ne sont évidemment pas capables de prendre des décisions politiques de cette envergure de manière autonome, est contreproductif.
En ce sens, la dichotomie « parti de la paix » / « parti de la guerre » n’a plus lieu d’être. Politiquement elle n’a jamais existé mais elle pouvait présenter un intérêt communicationnel. Celui-ci a disparu alors que les propositions de Trump/UE/OTAN sont fondamentalement inacceptables pour la Russie et ne peuvent être dépassées par les Atlantistes. Pourtant, la Russie reste toujours sur la ligne des gentils (Trump and Co) contre les Méchants (Européens et Ukrainiens).
Ainsi, peut-on lire dans la communication officielle russe, notamment : « Aujourd'hui, toutes les personnalités politiques mondiales sont mises à l'épreuve pour déterminer de quel côté de l'histoire elles se situent : du côté de la paix ou du côté de la guerre. (...) Le président américain, malgré les erreurs criminelles de ses prédécesseurs, n'a pas hésité à affirmer sa volonté de parvenir à une solution pacifique. Il prend des mesures concrètes dans ce sens, et l'heure de vérité approche pour tous les autres. ».
Ce positionnement laisse entendre que la Russie serait prête à accepter les propositions de Trump (présence de troupes de l’OTAN en Ukraine, perte de la Centrale de Zaporojié, perte des territoires libérés, réparation de l’Ukraine, etc.), alors que le président russe dit exactement l’inverse, de manière extrêmement stable. Cela participe de la diffusion d’un chaos communicationnel et politique qui va dans l’intérêt des Atlantistes.
En période de conflit armé, il est important de déterminer l’ennemi et de contrôler la communication officielle, ce qui suppose une position politique intérieure ferme. La Russie n’ose toujours pas le faire. Les Européens, l’OTAN (mais sans les États-Unis) et les Ukrainiens deviennent ainsi des sujets politiques fantasmés, autonomes et souverains, puisqu’ils sont aptes à prendre ces décisions.
Dans tous les cas, même si les États-Unis sont visés, Trump est un ange. Un ange de paix. Irresponsable de la politique conduite par ses prédécesseurs. Irresponsable de la politique conduite, encore sous sa présidence, par le pays… dont il est le président. Le temps n’existe plus, les institutions non plus, tout est instant, rien n’est politique, tout est personnel.
Cette ligne, qu’il semble impossible de remettre en cause aujourd’hui, restreint très fortement la capacité de la Russie de jouer pleinement le jeu diplomatique, alors que l’avancée de l’armée la met pourtant en position de force. Le moment est venu de s’adapter aux nouvelles réalités et de sortir du carcan mondialiste qui a enfermé le mode de pensée de la plupart des élites russes depuis la chute de l’URSS.
La victoire aussi est une paix. Beaucoup plus stable que celle du compromis obséquieux selon lequel, finalement, la Russie est ainsi conduite à presque s’excuser de se défendre.
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