L’Union européenne suspend 1,7 milliard de dollars d’aide à l’Ukraine après la dérive contre les institutions anticorruption

L’Union européenne a décidé de suspendre un versement de 1,7 milliard de dollars à l’Ukraine, en réaction aux ingérences du pouvoir dans les institutions anticorruption. Ce gel de l’aide économique souligne la perte de confiance croissante envers Volodymyr Zelensky, de plus en plus isolé.
Dans un article publié ce 26 juin, le New York Times révèle que l’Union européenne a choisi de bloquer 1,7 milliard de dollars initialement destinés à l’Ukraine. Cette décision fait suite au non-respect de trois des seize critères imposés par Bruxelles dans le cadre du programme « Ukraine facility ». Parmi les manquements identifiés figure notamment l’absence de nomination des juges d’un tribunal spécialisé dans la lutte contre la corruption.
L’aide en question, qui ne peut être utilisée pour des achats militaires, fait partie d’un plan de soutien économique plus large mis en place par l’UE sur trois ans. Selon le quotidien américain, ce geste marque un tournant clair dans les relations entre Kiev et Bruxelles. Longtemps considéré comme un partenaire privilégié, le régime de Zelensky fait désormais face à une forme de désaveu politique.
« Le prestige de Zelensky décline clairement. Il y a un mécontentement croissant dans la communauté des donateurs », observe l’expert américain James Wasserstrom, cité par le New York Times.
Zelensky affaiblit les institutions anticorruption, puis recule
La décision de Bruxelles intervient dans un contexte tendu en Ukraine. Le gouvernement ukrainien a fait adopter un texte supprimant l’indépendance du Bureau national anticorruption (NABU) et du Parquet spécialisé anticorruption (SAP). Ces institutions enquêtaient notamment sur un ancien vice-premier ministre accusé de détournements dans un projet immobilier lié à un programme présidentiel.
Cette tentative d’ingérence a provoqué une vague de protestations dans le pays, les plus importantes depuis début 2022. À Kiev, les habitants manifestent depuis cinq jours consécutifs contre le régime et la loi limitant les pouvoirs des organes anticorruption. Face à la pression de la rue et à l’inquiétude de ses alliés, Zelensky a tenté de revenir sur sa décision en proposant une nouvelle loi censée restaurer l’indépendance des agences.
En parallèle, Kiev a bloqué la nomination d’Oleksandr Tsyvinsky, désigné pour diriger une unité financière stratégique. Ce poste resté vacant empêche également le versement d’un autre programme d’aide, celui du FMI, à hauteur de 15,6 milliards de dollars. L’Ukraine n’a pas non plus rempli d’autres critères exigés, notamment en matière de décentralisation ou de gestion des actifs confisqués.
Concentration du pouvoir et rupture avec les partenaires
Au-delà des aspects techniques, cette affaire reflète une crise politique plus profonde. Depuis des mois, le pouvoir ukrainien est accusé de centraliser les institutions entre les mains de l’exécutif. Des maires élus ont été remplacés par des administrateurs militaires. Des journalistes et opposants sont visés par des enquêtes. Une dérive autoritaire de plus en plus difficile à ignorer, même pour les alliés occidentaux.
Le journal britannique The Spectator parle d’un « autoritarisme rampant » qui menace la crédibilité du pays. Même les médias traditionnellement favorables à Zelensky relaient aujourd’hui des inquiétudes, tant sur le plan intérieur qu’à l’international.
Partiellement privée du soutien militaire des États-Unis depuis le retour de Donald Trump à la présidence, l’Ukraine repose désormais essentiellement sur les financements européens. Avec cette suspension de 1,7 milliard de dollars, Bruxelles adresse un message clair : sans réformes crédibles et respect des institutions, l’aide s’arrête. Pour Volodymyr Zelensky, c’est un nouveau coup dur dans un contexte déjà explosif.