Djihadistes détenus en Syrie : les inquiétudes persistent
- Avec AFP
Après l’offensive turque menée contre les milices kurdes et la mort du chef de Daech, les autorités s'inquiètent de l'avenir des djihadistes prisonniers en Syrie. Combien sont-ils ? Où sont-ils ? Faut-il s'attendre à une résurgence ?
Les milliers de djihadistes de l'Etat islamique (EI) détenus par les forces kurdes en Syrie représentent un véritable casse-tête pour les pays dont ils sont originaires, notamment après l'annonce par Donald Trump de la mort du chef de l'organisation terroriste, Abou Bakr al-Baghdadi. De plus, l'offensive turque, lancée au début du mois d’octobre contre les forces kurdes dans le nord-est de la Syrie a suscité des craintes de voir Daech resurgir à travers d'éventuelles évasions des prisons jusque là gardées par les Kurdes. Malgré un accord russo-turc conclu le 22 octobre qui a mis fin à l'opération lancée par Ankara, les inquiétudes persistent en ce qui concerne l'avenir de ces terroristes dans la région.
60 à 70 détenus français
Selon l'administration kurde, 12 000 djihadistes présumés de l'EI sont détenus par les forces de sécurité dans le nord-est syrien. Parmi eux, on dénombre 4 000 Syriens, environ autant d'Irakiens, et au moins 2 500 individus issus d'une cinquantaine de pays étrangers, dont une majorité de Tunisiens.
Des responsables français ont fait état de 60 à 70 de leurs ressortissants parmi ces détenus, tandis que Bruxelles n'a confirmé la présence que de 13 Belges.
Des bâtiments insuffisamment fortifiés
Les détenus sont répartis dans au moins sept structures. Les Forces démocratiques syriennes (FDS), dominées par les Kurdes, ne révèlent pas le lieu exact de ces centres de détention, mais certains sont connus, comme Roj, Dachicha, Jerkin, Navkur ou encore Derik, dans le nord et l'est de la Syrie. Néanmoins, selon un haut responsable kurde, ces «bâtiments» sont insuffisamment fortifiés, et le niveau de sécurité dans ces structures est donc jugé relativement faible.
On s'attend à tout, y compris des attaques contre les prisons
Après l'annonce de la mort de Baghdadi, le commandant en chef des FDS Mazloum Abdi, a averti que les combattants de l'EI en cavale chercheraient à se venger. «On s'attend à tout, y compris des attaques contre les prisons», a-t-il déclaré. Cette mise en garde intervient alors que des dizaines de prisonniers de l'EI se sont déjà échappés après l'offensive turque.
En effet, James Jeffrey, émissaire américain pour la Syrie, avait déclaré au Congrès que «plus de 100» prisonniers de l'EI s'étaient évadés suite à l'action des Turcs. Néanmoins, le 25 octobre, le secrétaire d'Etat américain de la Défense Mark Esper avait déclaré que les forces kurdes avaient réussi à «récupérer» des dizaines de prisonniers de l'EI. Les FDS ont longtemps prévenu que la surveillance des prisonniers étrangers de l'EI serait «secondaire» en cas d'opération militaire turque.
Des milliers de proches de djihadistes détenus
Outre les combattants de l'EI, les forces kurdes détiennent des milliers de leurs proches, femmes, enfants et parents, dans des camps aménagés à cette fin. Celui d'al-Hol, surpeuplé, accueille plus de 70 000 personnes, dont des Syriens, des Irakiens, mais aussi des Français, des Belges ou encore des Allemands.
Une autre structure abritant des «familles de l'EI» se trouve à Aïn Issa, d'où 800 personnes se sont évadées dans le sillage de l'offensive turque. Certaines auraient réintégré le camp depuis, d'autres seraient passées du côté turc de la ligne de front ou auraient rejoint des cellules de l'EI opérant dans la région.
Un risque de résurgence
Le redéploiement des FDS pour faire face aux Turcs a créé un vide sécuritaire dans la région susceptible de profiter à l'EI. Le risque d'une résurgence est d'autant plus réel que les cellules clandestines de l'EI n'ont jamais cessé leurs activités selon les experts, et ce, même depuis la chute en mars du «califat» qui avait réussi à étendre son pouvoir sur un territoire entre l'Irak et la Syrie.
L'offensive turque a souligné l'urgence de trouver une solution au sort des prisonniers djihadistes que les Kurdes disent ne pas pouvoir retenir longtemps, et encore moins juger. Les Européens craignent pour leur sécurité et hésitent toujours, comme la France, à rapatrier leurs ressortissants figurant parmi les détenus, cherchant à transférer certains d'entre eux en Irak.