Numérique : Poutine appelle les Etats-Unis à la coopération pour éviter une «confrontation globale»
A l'approche de la présidentielle américaine, Vladimir Poutine propose à Washington des garanties réciproques de non-ingérence électorale, ainsi qu'une coopération accrue en matière de nouvelles technologies de la communication et de l'information.
A moins de six semaines de l'élection présidentielle américaine – qui se tiendra le 3 novembre – le président russe Vladimir Poutine a émis une série de propositions au gouvernement des Etats-Unis, dans une déclaration lue à la télévision par son ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, ce 25 septembre.
L'objectif de ces propositions est de redémarrer les relations entre les deux pays dans le domaine des technologies de la communication et de l'information afin d'éviter «une confrontation globale dans le domaine numérique».
Outre la proposition faite à tous les pays – et notamment aux Etats-Unis – d'un «accord global par lequel [ils] prendraient l’engagement politique de ne pas avoir recours en premier aux technologies de la communication et d'information contre un autre pays», le président russe appelle Washington à encourager le dialogue professionnel russo-américain entre experts en sécurité internationale et en matière d'information. Pour ce faire, il propose plusieurs mesures, comme rétablir un dialogue bilatéral interministériel régulier sur ces problématiques, maintenir un canal de communication ou encore conclure un accord bilatéral sur la prévention des incidents dans le secteur de l'information.
Mais le chef d'Etat russe propose surtout que Moscou et Washington se donnent des assurances réciproques de non-ingérence dans les affaires intérieures de chacun, notamment dans les processus électoraux.
En finir avec les soupçons d'ingérence russe
Un dernier point prend toute son importance quand on connaît le poids qu'a pris, depuis quatre ans, la supposée ingérence russe dans le débat public américain. En 2016, Moscou avait été accusé d'avoir soutenu en sous-main la candidature de Donald Trump, favorisant ainsi sa victoire. Dans les conclusions de son rapport dur la question, le procureur spécial américain Robert Mueller, avait affirmé que «le gouvernement russe avait mené des efforts pour s'ingérer de manière illégale dans l'élection présidentielle de 2016», soulignant toutefois ne pas avoir trouvé de «collusion avec la campagne Trump ou d'autres Américains».
Le rapport Mueller soutient en effet que «l'Etat russe s'est immiscé dans l'élection présidentielle de 2016 d'une façon systématique», dans un premier temps à travers une campagne sur les réseaux sociaux. Une référence à une audition de Twitter et Facebook réalisée par le Sénat américain, le 31 octobre 2017. A l'occasion de celle-ci, Facebook avait révélé que 80 000 posts, soit 0,0004% du contenu relatif à l'élection, avait été publié, à l'en croire, par des «agents basés en Russie». Interrogée sur l'influence de la Russie sur sa plateforme, la firme de Palo Alto avait par ailleurs affirmé que 100 000 dollars avaient été dépensés au moment de l'élection par des comptes que l'entreprise estime associés à des intérêts russes. A cette occasion, le quotidien français Le Monde soulignait que ce montant restait «relativement faible» comparé aux 70 et 30 millions de dollars dépensés respectivement par Donald Trump et Hillary Clinton pour de la publicité sur internet au cours de la campagne...
Sans compter bien entendu, qu'aucune preuve n'est jamais venue démontrer qu'il existait un lien entre le Kremlin et ces comptes «associés à des intérêts russes». «De manière générale, le rapport ne contient toujours aucune preuve argumentée prouvant que la Russie serait intervenue dans le processus électoral aux Etats-Unis», notait ainsi le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov peu après la publication du rapport Mueller.
Néanmoins, comme un leitmotiv, les services de renseignements américains ont de nouveau accusé la Russie de chercher à influencer la campagne de 2020 mais sans, une nouvelle fois, apporter le début d'une preuve.
En février dernier, lors d'un briefing à des parlementaires du Congrès censé rester confidentiel, les services de renseignement américains auraient fait part des soi-disantes interférences russes dans la campagne présidentielle américaine, pour favoriser Donald Trump... ou son rival démocrate, le favori de la primaire Bernie Sanders.
Si l'establishment démocrate et une partie des médias se sont précipités sur ses informations, il s'avérera finalement que le responsable qui a rapporté le briefing aux parlementaires, avait «exagéré» l'évaluation de l'ingérence russe dans les élections de 2020 faite par le renseignement, «omettant une nuance importante»... «Une interprétation plus raisonnable de la note du renseignement n'est pas que [les Russes] ont une préférence, c'est plus nuancé que cela. Cela signifie davantage qu'ils comprennent que le président [Donald Trump] est quelqu'un avec qui ils peuvent travailler, que c'est un négociateur», corrigera d'ailleurs le lendemain un haut responsable à la sécurité nationale. Une correction qui aura bien du mal à déloger une idée désormais bien ancrée dans les esprits.
De son côté la Russie avait mis sur le compte de la «paranoïa» les accusations des responsables du renseignement américain telle qu'elles étaient sorties initialement dans la presse. Mais elle traduisent probablement davantage une lutte interne à l'appareil d'Etat américain : Donald Trump a d'ailleurs limogé dans la foulée son chef du renseignement par intérim, Joe Maguire, le remplaçant par un de ses fidèles. Un changement qui augure d'une nouvelle ère dans les relation entre Moscou et Washington ?