Embargo : après le rappel de l'ambassadeur de l'UE à Cuba, 25 eurodéputés de gauche s'insurgent
Le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell a rappelé l'ambassadeur de l'UE à Cuba après que celui-ci a signé une lettre à l'attention de Joe Biden pour lever l'embargo contre Cuba. Des eurodéputés de gauche protestent contre cette décision.
25 eurodéputés de gauche parmi lesquels l'insoumis Manuel Bompard et l'Irlandaise Clare Daly ont exprimé le 2 mars leur soutien à l'ambassadeur de l'Union européenne à Cuba. En poste depuis 2017, Alberto Navarro a été rappelé par le chef de la diplomatie de l'UE Josep Borrell le 26 février après que des eurodéputés de droite ont réclamé son remplacement pour «faute grave». L'ambassadeur venait de signer une lettre ouverte adressée au président américain Joe Biden lui demandant la levée de l'embargo imposé Cuba. «Nous avons demandé à l'ambassadeur de venir à Bruxelles pour fournir des explications au Haut représentant», avait déclaré un porte-parole de Josep Borrel à l'AFP le 27 février.
Cette décision, contestée à gauche, est la conséquence de l'initiative d'un groupe de 16 députés européens de droite qui, dans une violente diatribe, ont réclamé le remplacement du chef de la délégation de l'UE sur l'île. «Nous considérons que l'ambassadeur est indigne des hautes fonctions qu'il occupe et qu'on lui confie et nous vous demandons de procéder à son remplacement immédiat», ont écrit les élus membres des groupes du Parti populaire européen (PPE-droite pro-UE), de RenewEurope (Libéral-centriste) et du Parti conservateur et réformateur (ECR-droite) dans une lettre adressée au chef de la diplomatie européenne le 24 février et publiée par le site Politico. «Un tel comportement, en plus d'être inapproprié, est totalement étranger aux fonctions et normes de conduite qui devraient régir un représentant diplomatique de l'UE, avec la circonstance aggravante qu'il se permet de s'adresser à un gouvernement d'un pays tiers, ami et allié de l'UE, auprès duquel il n'est pas accrédité», écrivent les signataires parmi lesquels se trouve notamment l'espagnol Leopoldo Lopez Gil, père de l'opposant vénézuélien Leopoldo Lopez, proche de Juan Guaido.
L'Espagnol Alberto Navarro, qui est déjà à Bruxelles, selon Euroefe-Euractiv, doit donc expliquer cette semaine à Josep Borrell pourquoi il a pris l'initiative de signer la lettre à Joe Biden et quelles ont été ses motivations.
1/2:Cuba:Anti-Blocade Campaign:2 Mar:
— Residents Corner (@ResidentsCorner) March 2, 2021
In response to a petition by 16 EuroMPs who requested EU's Ambassador Navarro in Cuba should be removed:
26 Progressive Left, Greens and social democrats EuroMPs have sent a letter to Josep Borrell, High Representative EU, requesting that pic.twitter.com/JzVNc8lcU8
La position de l'ambassadeur «alignée» sur celle de l'UE
Surpris par ce rappel qu'ils jugent contraire aux positions récentes de l'UE, les 25 eurodéputés de gauche issus des groupes social-démocrate, vert et gauche, ont à leur tour écrit une lettre à Josep Borrell pour faire savoir que la position exprimée par Alberto Navarro dans la lettre à Joe Biden appelant à la fin de l'embargo américain sur l'île «est alignée sur une position sur laquelle l’Union européenne a progressé ces dernières années».
En tant que membres du Parlement européen […], nous soutenons la position de l'ambassadeur Navarro en faveur de la fin des sanctions
«Nous ne comprenons pas que l’Union européenne ait convoqué monsieur Navarro à Bruxelles pour une action alignée sur la position officielle de l’Union européenne, compte tenu notamment de l’aide apportée par Cuba et ses brigades médicales lors de la première vague de la pandémie, dans le monde entier, y compris dans les pays européens», soulignent les députés. Une allusion aux nombreux médecins cubains venus en renfort en Europe, notamment au plus fort de la crise sanitaire en Italie, pour prêter main forte aux hôpitaux débordés.
La lettre des eurodéputés de gauche note en outre que le prédécesseur de Borrell à la tête de la diplomatie de l'UE, l'Italienne Federica Mogherini, avait «décrit la politique d'embargo [contre Cuba] comme obsolète et illégale car elle a entraîné une détérioration de la qualité de vie des habitants de l'île» et avait jugé ce blocus non viable. Ces eurodéputés ont par ailleurs rappelé que L'Union européenne a défendu la même position que l'ambassadeur lors des votes annuels à l'Assemblée générale des Nations Unies, où, chaque année, la majorité écrasante des pays du monde, exceptés les Etats-Unis et Israël, demande la fin du blocus contre Cuba qui constitue «une violation des droits de l'homme du peuple cubain».
«N'oublions pas que ceux qui critiquent monsieur Navarro et demandent son remplacement sont les mêmes qui ont plaidé pour la suspension de l'accord de dialogue politique et de coopération entre l'UE et Cuba. En tant que membres du Parlement européen […], nous soutenons la position de l'ambassadeur Navarro en faveur de la fin des sanctions ; et nous rejetons la demande de nos collègues parlementaires de le remplacer», insistent les signataires de gauche.
Sous Donald Trump, Washington a renforcé l'embargo sur Cuba, en vigueur depuis 1962, en décidant d'activer le chapitre III de la loi Helms-Burton, qui permet des poursuites contre des entreprises étrangères investissant à Cuba et de limiter les envois d'argent vers les familles de ce pays. A quelques jours de la fin de son mandat, l'administration Trump décidait de porter un dernier coup dur à Cuba en plaçant de nouveau l'île socialiste sur la liste noire des pays soutenant le terrorisme, d'où elle avait été retirée en 2015 par Barack Obama, dont Joe Biden était alors le vice-président.
Meriem Laribi