Cisjordanie : l'armée israélienne utiliserait la reconnaissance faciale pour ficher les Palestiniens
- Avec AFP
Selon une ONG israélienne ayant recueilli les témoignages de soldats, Tsahal aurait recours à un système de reconnaissance faciale pour ficher les Palestiniens en Cisjordanie.
L'armée israélienne a mis au point un système de reconnaissance faciale pour ficher des Palestiniens en Cisjordanie occupée, a indiqué le 9 novembre à l'AFP une organisation israélienne ayant recueilli les témoignages de soldats, confirmant des informations de presse.
Selon le quotidien américain The Washington Post, l'armée israélienne utilise depuis deux ans une technologie appelée «Blue Wolf» (Loup bleu). Les soldats photographient les visages de Palestiniens avec leur téléphone portable, avant que les images ne soient transmises à une base de données indiquant en retour si la personne photographiée doit être arrêtée ou laissée libre, en fonction d'informations déjà en possession des forces israéliennes.
Le Washington Post s'est basé sur les témoignages de plusieurs anciens soldats auprès de l'organisation israélienne anti-occupation «Breaking the Silence», qui offre sous couvert d'anonymat une plateforme aux militaires pour dénoncer les agissements selon eux condamnables de l'armée, qui occupe depuis 1967 la Cisjordanie.
Les soldats israéliens «sont envoyés pour patrouiller dans des villes et des villages avec une sorte de smartphone et prennent des photos de chaque Palestinien qu'ils voient, de façon complètement arbitraire», a expliqué à l'AFP Ori Givati, un des responsables de l'ONG «Breaking the Silence».
Après avoir pris une photo, leur téléphone s'affiche en rouge s'il faut procéder à une arrestation, en jaune s'il faut détenir momentanément la personne avant de consulter la hiérarchie ou en vert s'il n'y a pas lieu d'agir, a précisé Ori Givati, dont l'organisation a recueilli les témoignages concordants de six soldats.
«Tout le monde est un ennemi, vous devez tous les soupçonner»
«Il y a une compétition entre les soldats [...] et même des récompenses», a-t-il ajouté. «Le message que l'on donne (aux soldats) est : "tout le monde est un ennemi, vous devez tous les soupçonner"», a affirmé le directeur adjoint de l'ONG, Nadav Weiman, lors d'une visite le 9 novembre avec l'AFP à Hébron, dans le sud de la Cisjordanie.
Dans cette ville poudrière où vivent 200 000 Palestiniens, et 1 000 colons juifs sous haute protection militaire israélienne dans le centre, l'armée a renforcé son dispositif de caméras à reconnaissance faciale, selon «Breaking the Silence».
Dans le centre-ville, Zoulaikha Muhtaseb, une habitante palestinienne de 59 ans, se désole d'être «cernée par les caméras». «C'est une violation. Personne n'aimerait être surveillé constamment», a-t-elle dit à l'AFP.
Sollicitée par l'AFP sur cette affaire, l'armée israélienne a dit mener des «opérations sécuritaires de routine» en Cisjordanie visant à «lutter contre le terrorisme» et «à améliorer la qualité de vie» des Palestiniens. «Naturellement, nous ne pouvons pas commenter les capacités opérationnelles de l'armée dans ce contexte», a-t-elle ajouté.
L'un des soldats interrogé par Ori Givati a déclaré : «Jamais je n'accepterais qu'un tel système soit instauré dans mon quartier.» Il a également affirmé que beaucoup de soldats étaient «choqués des choses qu'on leur a demandé de faire». «Nous parlons d'une nouvelle chape de contrôle que l'on se permet de mettre en place sur le peuple palestinien», a-t-il rajouté.