Le candidat républicain et son colistier n’ont pas toujours vu les choses du même œil, mais ils sont maintenant unis par des objectifs communs, observe Robert Bridge. Explications.
Ardent critique de l’ancien président américain Donald Trump par le passé, ancien marine, investisseur et écrivain, J. D. Vance a retourné sa veste pour soutenir le 45e président américain. Aidera-t-il Donald Trump à retourner à la Maison Blanche?
J. D. Vance, âgé de 39 ans, figurant dans la liste des candidats potentiels au poste de vice-président de Trump aux côtés de l’entrepreneur Vivek Ramaswamy, du sénateur Marco Rubio et du gouverneur Doug Burgum, a surmonté de graves difficultés personnelles pour se retrouver enfin à un pas du deuxième poste le plus élevé du pays.
Né dans une famille pauvre, sans père et d’une mère toxicomane, J. D. Vance a pris une décision majeure en s’enrôlant dans le Corps des Marines américain juste à la sortie du lycée en 2003. Cette période, au cours de laquelle le jeune homme s’est vu affecter à la section des Affaires publiques de la 2e escadre aérienne du Corps des Marines, a été un « chapitre décisif » dans sa vie, lui donnant une raison d’être. J. D. Vance est le premier ancien militaire à apparaître dans une liste de vice-présidents depuis Al Gore en 2000.
Pourtant, originaire de la « ceinture de la rouille » américaine, Vance n’a pas toujours été partisan de « l’homme orange ». De fait, ses opinions passées sur le leader populiste étaient aussi caustiques et haineuses que tout ce qui se disait dans les médias libéraux.
« Je suis partagé entre l’idée que Trump est un connard cynique comme Nixon qui n’aurait pas été si mauvais (et aurait même pu s’avérer utile) ou qu’il est le Hitler de l’Amérique », écrivait Vance en 2016. « Ça décourage, non? »
À une autre occasion, il a écrit dans The Atlantic que « les promesses de Trump sont une injection dans la veine collective de l’Amérique… Trump est une sorte d’héroïne culturelle. Il aide certains à se sentir mieux pendant un moment. Mais il ne peut pas régler ce qui les afflige, et un jour ils s’en rendront compte ».
Mais dans l’indiscret Washington DC où les hommes politiques ne mâchent pas leurs mots, personne ne serait en mesure de nouer des alliances si chaque critique était prise au pied de la lettre. S’agissant d’un homme politique aussi controversé que Donald Trump, il lui serait impossible de trouver un candidat à la vice-présidence n’ayant jamais émis de commentaire négatif à son égard par le passé. Le mieux que Trump puisse faire est de trouver quelqu’un qui partage sa vision politique et d’oublier les attaques personnelles.
Accord sur l'Ukraine
Le seul sujet majeur que Donald Trump et J. D. Vance voient du même œil est le conflit ukrainien qui s’est transformé en gouffre financier pour les États-Unis.
Début 2023, J. D. Vance et une trentaine de sénateurs et de députés républicains ont envoyé une lettre à Shalanda Young, directrice du Bureau de la gestion et du budget, demandant à fournir une comptabilité complète de l’aide militaire envoyée à l’Ukraine jusqu’à présent.
« Le rapport devrait inclure un compte-rendu complet de l’autorité budgétaire totale dans ce domaine en fonction des allocations après les transferts et la reprogrammation ainsi que des obligations, des répartitions et des dépenses pour chaque compte », stipule la lettre.
Jusqu’à présent, l’Oncle Sam a alloué à l’Ukraine 175 milliards de dollars d’aide financière, dont à peu près 67 milliards sont destinés aux besoins liés à la défense (les dépenses des alliés dans la région et de l’armée américaine y compris).
En ce qui concerne l’Europe, J. D. Vance a fait écho à la position de Donald Trump selon laquelle l’Union européenne devrait assumer davantage de responsabilité pour sa propre sécurité sur fond de menaces à peine voilées de Washington de réduire le financement de la défense de Bruxelles.
« Les États-Unis ont fourni une couverture de sécurité à l’Europe pendant trop longtemps », a écrit le sénateur de l’Ohio dans une tribune du Financial Times, qualifiant les contributions américaines à l’OTAN et l’aide à l’Ukraine d’« impôt implicite du peuple américain sur la sécurité en Europe ».
L'un et l'autre défendent aussi Israël
« La question que chaque pays européen doit se poser est la suivante : sommes-nous prêts à nous défendre ? Les États-Unis, quant à eux, devraient se demander si leurs alliés européens sont vraiment des alliés ou des clients s’ils ne sont même pas en mesure de se défendre eux-mêmes ? »
Une autre région sur laquelle Vance et Trump ont des points de vue convergents est le Moyen-Orient qui vit pour l’heure un des conflits les plus dangereux, Israël continuant sa guerre contre Gaza suite à l’incursion fatale du Hamas sur le territoire israélien le 7 octobre.
Vance a déclaré publiquement que l’antisémitisme devait être réprimé. « Si vous frappez un juif sans en subir les conséquences, les attaques se poursuivront et s’aggraveront », a-t-il soutenu lors d’une interview accordée au Jerusalem Post en 2022. En réponse aux manifestations pro-palestiniennes sur les campus universitaires, Vance a présenté un projet de loi interdisant aux collèges et aux universités de recevoir une aide fédérale si les campements perturbateurs n’étaient pas supprimés de leurs campus.
Or, ce n’est un secret pour personne que Trump défend farouchement la cause israélienne. En 2017, il a officiellement reconnu Jérusalem comme capitale d’Israël, avant de transférer l’ambassade des États-Unis de Tel-Aviv à Jérusalem. Le déplacement a été très déstabilisant, il a engendré des réactions violentes à Gaza et en Cisjordanie où les Palestiniens proclamaient Jérusalem-Est comme capitale du futur État palestinien.
Une autre particularité de J. D. Vance, qui a peut-être joué en sa faveur, est sa femme, Usha Chilukuri, fille d’immigrés indiens parlant télougou, Krish et Lakshmi Chilukuri. Si insignifiant que cela puisse paraître, le climat culturel des États-Unis s’est durci envers les hommes blancs chrétiens, et l’idée de deux hommes blancs aux commandes serait probablement difficile à tolérer pour la sensibilité des Américains.
Pour ceux qui estiment que c’est peut-être un effet de l’imagination, rappelez-vous le programme culturel de la Convention nationale républicaine de lundi qui a commencé par Harmeet Dhillon, une Sikh, et sa prière au dieu de sa religion (indice : pas le dieu chrétien) qu’elle a chantée.
Ensuite Amber Rose, l'influenceuse portant un tatouage « Bash Slash » sur le front (apparemment en hommage à ses deux enfants) a tenu un discours devant un public enthousiaste : « Donald Trump et ses partisans se moquent de savoir si vous êtes Noir, Blanc, gay ou hétéro, il n’y a que de l’amour ». Enfin, c’était Linda Fornos, émigrée du Nicaragua, qui a déclaré que « l’économie de Biden faisait exploser les prix – de l’essence, de l’épicerie, de tout ».
Tout bien considéré, le Parti républicain s’efforce désespérément de ne pas devenir la caricature de ceux qui le soutiennent le plus : les électeurs chrétiens Blancs, dont beaucoup, J. D. Vance entre autres, viennent des collines appauvries des Appalaches et d’ailleurs. Avec un homme comme J. D. Vance comme colistier de Trump, une « case » importante a été « cochée » au profit de la diversité culturelle. Reste à voir si cela améliorera la situation le 5 novembre.