Peu importe le nombre de fois que Vladimir Poutine rappelle qu'il n'a pas l'intention d'attaquer l'Europe, les dirigeants occidentaux continuent de crier au loup. Le chroniqueur Jacques Frantz explique comment les membres de la coalition des volontaires (ou des loosers ?) tentent de marier la réalité du terrain avec la menace russe imaginaire.
« Nous n’avons aucune intention d’attaquer l’Europe, mais si l’Europe veut la guerre nous y sommes prêts ».
Bien entendu, côté occidental, on ne retient que la seconde partie du propos du président russe. Il convient de remettre les choses dans leur contexte. Or le vieil adage « tout texte hors du contexte n’est que prétexte » n’a jamais été autant d’actualité. Car c’est bien de cela qu’a besoin aujourd’hui l’Occident. L’Occident a besoin de prétextes.
On le voit bien, le narratif ukrainien s’épuise en même temps que s’épuisent les forces ukrainiennes, bien que les Occidentaux aient alimenté la guerre sans défaillir. Pourtant il n’y a pas si longtemps qu’on nous parlait de « supériorité ukrainienne » d’« économie russe à genoux », de contre-offensive imminente » ou encore des puces de lave-linge sur les missiles russes. Et les Européens s’étonnent de ne plus faire partie du jeu diplomatique ? En diplomatie, il n’y a jamais de place autour de la table pour le perdant. Pourtant il suffisait de ne pas perdre. C’était simple, il suffisait d’accorder à la Russie ce qu’elle demandait qui était beaucoup moins conséquent que ce qu’elle risque d’obtenir. Je dis « ce qu’elle risque » car la discrétion qui entoure les pourparlers en cours entre Russes et Américains ne nous permet pas d’en apprécier l’ampleur. Et ce n’est certainement pas les plans qui sont sortis dans la presse qui nous en disent beaucoup sur le sujet.
Pourtant, Poutine est assez beau joueur quand il dit en substance que si les Européens veulent leur place autour de la table ils savent ce qu’ils ont à faire. Il leur suffit de reconnaître les réalités du terrain car comme le disait de Gaulle : « on ne fait pas de la politique autrement que sur des réalités ».
Coalition des volontaires ou coalitions des loosers ?
Le problème de Macron, Starmer, et Merz c’est non seulement le déni des réalité, mais encore la force avec laquelle ils imposent le déni en question à un Zelensky complaisant. Et ce n’est pas nouveau. Déjà en avril 2022, les Britanniques en service commandé avaient fait capoter les pourparlers d’Istanbul sur le point d’aboutir. Voilà quelque chose qu’on ne répètera jamais assez si on veut se rendre compte de l’ampleur du gâchis. Combien de malheur aurait pu être évité si ces négociations avaient connu une issue heureuse. Le pis est que ça continue. Mais pour comprendre la situation, il faut s’arrêter un instant et voir de quoi est composée la coalition dite « des volontaires ». Pour faire bref, on dira que la coalition est conduite par des États endettés dirigés par des chefs dont l’irresponsabilité n’a d’égal que l’impopularité. Tous ces dirigeants sont extrêmement contestés. Merz a bien failli ne pas être élu alors que l’élection du chancelier n’est normalement qu’une formalité. Starmer doit faire face à nombre de protestations, à telle enseigne que le bi-partisme séculaire britannique pourrait voler en éclat. Quant aux commentateurs et spécialistes auto-proclamés de la Russie qui se gaussent en France sur tous les plateaux du score de 87% de Poutine aux élections présidentielles, ils oublient que le président Macron est à 89% d’impopularité et qu’il n’a pas de majorité à l’Assemblée nationale.
Dans ces conditions, que reste-t-il à ces dirigeants pour se maintenir en place ? La guerre. C’est hélas comme ça depuis que le monde est monde. Rien de mieux qu’une menace extérieure pour se maintenir au pouvoir. Donc après les machines à laver et l’économie à genoux, on nous explique que la Russie est une menace qui nous faut prendre très au sérieux et qu’il va falloir que des Français envoient leurs enfants pour mourir pour l’Estonie.
Dites, les normies, vous n’avez pas l’impression qu’on vous prend pour des pélicans ?
Or c’est dans ce contexte que Poutine, après avoir expliqué que non seulement il ne voulait pas la guerre avec l’Europe, mais encore qu’il ne tenait qu’à ladite Europe de faire ce qu’il fallait pour reprendre sa place à la table des négociations, il a annoncé que si les Européens ne voulaient pas la paix il avait de quoi faire face. Il n’en fallait pas davantage pour crier au loup. Cela s’appelle une prophétie auto-réalisatrice. Vous annoncez que quelque chose va arriver, vous réunissez toutes les conditions pour que cela se passe, et lorsque cela arrive vous êtes le prophète qui avait vu juste.
Ça avait déjà si bien marché en 2022. Souvenez-vous ! Tout a été fait pour pousser la Russie vers l’opération militaire spéciale que les Russes ne voulaient pas. Les généraux de plateaux eurent alors beau jeu de dire « on vous l’avait bien dit ». Le pire est que ça marche. Une grande partie de l’opinion en Occident est persuadée que la Russie a des ambitions territoriales et que Poutine rêve de recréer l’URSS. Il ne faut pas dramatiser non plus. L’adhésion n’est pas massive. Si elle peut donner un peu d’air à Macron ou Starmer pour quelques magouilles internes, cela risque d’être insuffisant pour recueillir l’adhésion du peuple pour une guerre.
Tout de même, Macron espère bien regagner un peu de popularité sur le dos de la Russie. Tout ce qui se passe de négatif en France, c’est la faute de la Russie. Les têtes de cochons devant les mosquées, les punaises de lit… tout est de la faute de Poutine. Le moindre accident d’auto sur une route départementale de Haute-Loire est très probablement provoqué par la main de Moscou.
Dans tous les cas, s’il y a une chose qu’on ne peut pas reprocher à Vladimir Poutine, c’est sa cohérence. En Ukraine ces objectifs étaient clairs et gageons qu’ils seront atteints. Il a en tout cas prouvé qu’il en avait les moyens. Si les dirigeants européens étaient raisonnables, ils devraient s’en souvenir.
Retrouvez d'autres articles de Jacques Frantz sur son blog.
Les opinions, assertions et points de vue exprimés dans cette section sont le fait de leur auteur et ne peuvent en aucun cas être imputés à RT.
