Malgré le recours actif à la peine de mort et des douzaines d'exécutions publiques, la riche Arabie saoudite est désormais défenseur des droits des femmes à l'ONU, s'indigne l'analyste politique Marwa Osman.
L'Arabie saoudite qui décapite publiquement des femmes et laisser des corps pendus sur des grues a été élue membre de la Commission des droits de la femme des Nations unies. Ce n'est pas une blague, mais l'humiliation intergouvernementale de l'ONU.
La première chose qui vient à l'esprit quand on lit cela, c'est des femmes décapitées dans des rues de Riyad
Après le scandale de la réélection de l'Arabie saoudite au Conseil des droits de l'homme des Nations unies en 2016, cette même Arabie saoudite, qui bombarde sans distinction les civils yéménites depuis plus de deux ans, arrive maintenant à se faire élire par le premier organe des droits de l'homme de l'ONU dans la Commission des droits de la femme pour la période entre 2018 et 2022.
La première chose qui vient à l'esprit quand on lit cela, c'est des femmes décapitées dans les rues de Riyad, ville où les exécutions brutales sont si fréquentes qu'un grand espace public est surnommé Chop Chop Square en raison du nombre des meurtres sanctionnés par l'Etat qui y sont commis.
Si vous avez du mal à y croire, il suffit de regarder un documentaire choquant de ITV qui révèle les horreurs de la vie quotidienne en Arabie saoudite. Intitulé Saudi Arabia Uncovered, le film expose les châtiments brutaux auxquels sont soumis ceux que l'on considère comme ayant brisé les lois islamiques très strictes du pays. A un moment, une femme accusée d'avoir tué sa belle-fille crie : «Je ne l'ai pas fait», avant d'être décapitée dans la rue. Une autre séquence montre cinq cadavres pendus à une grue.
L'état des droits de l'homme en Arabie saoudité plusieurs fois été mis en cause, surtout l'année dernière, lorsque 47 personnes – y compris un éminent clerc chiite, Sheikh Nimr al-Nimr - ont été exécutés en une seule journée.
Sheikh Nimr al-Nimr était une voix des manifestations antigouvernementales de masse qui ont éclaté en 2011 dans la province Ach-Charqiya riche en pétrole où une majorité chiite se plaignait depuis longtemps de la marginalisation.
Malgré le recours actif à la peine de mort et la réalisation de douzaines d'exécutions publiques, le pays «riche» reste membre du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies et devient maintenant défenseur (!) des droits des femmes.
Le mécanisme mondial est-il conscient du fait que le pays auquel il offre de nouvelles positions n'a pas de Constitution ?
Je pourrais écrire abondamment sur les violations des droits des femmes et de l'homme par le Royaume d'Arabie saoudite, ou sur les agences qui aident à blanchir ces abus, mais il vaut mieux que je vous renvoie à un article de The Independent qui énumère dix exemples de violations des droits de l'homme par l'Arabie saoudite et à un autre exposé sur une société des relations publiques, accusée d'aider à dissimuler ces violations.
Il est vraiment temps de se poser la question : Que diable se passe-t-il à l'ONU ? L'organisme mondial est-il conscient de ce que le pays auquel il continue d'attribuer des missions n'a pas de Constitution ?! Examinons d'abord la loi fondamentale, sur laquelle le gouvernement du Royaume fonde sa légitimité d'interpréter la charia (loi islamique), et la loi fondamentale de 1992 qui détermine que les descendants masculins du fondateur, le roi Abdulaziz bin Al-Saud, doivent diriger le pays.
Je répète, les descendants «masculins». Tout commence là. Les problèmes les plus importants des droits de l'homme signalés par Human Rights Watch (HRW) dans son rapport de 2017 comprenaient : l'absence de moyens légaux pour les citoyens de choisir leur gouvernement ; les restrictions imposées aux droits universels, tels que la liberté d'expression, y compris sur l'Internet, et les libertés de rassemblement, d'association, de mouvement et conscience religieuse ainsi que la discrimination sexiste et l'absence de droits égaux qui affectent tous les aspects de la vie des femmes.
Le système discriminatoire de tutelle masculine en Arabie saoudite reste inchangé malgré les promesses du gouvernement de l'abolir
Selon HRW, «le système discriminatoire de tutelle masculine en Arabie saoudite reste inchangé malgré les promesses du gouvernement de l'abolir. En vertu de ce système, les femmes adultes doivent obtenir la permission d'un tuteur masculin, normalement leur époux, père, frère ou fils – pour voyager, se marier ou quitter la prison. On peut leur demander de présenter le consentement d'un tuteur afin de travailler ou d'accéder aux soins de santé. Les femmes ont régulièrement des difficultés à effectuer un grand nombre de transactions sans un parent masculin, à commencer par la location d'un appartement et jusqu'au dépôt de réclamations légales. Toutes les femmes ont l'interdiction de conduire des voitures en Arabie saoudite.»
L'ONU a-t-elle lu ce paragraphe? Je vais vous répondre. Oui, lu et tout simplement ignoré. Tout comme ils l'ont fait lorsque l'ONU est revenue sur sa condamnation du Royaume d'Arabie saoudite après la menace de celle-ci de rompre les relations avec l'organisation et couper son assistance au secours humanitaire et aux programmes de lutte contre le terrorisme qui s'élève à des centaines des millions de dollars. Tout cela pour pousser l'ONU à supprimer Riyad et ses alliés de la liste noire de ceux qui sont accusés de nuire aux enfants yéménites dans le conflit armé. Cela s'est produit quand le blocus naval de la coalition dirigée par l'Arabie saoudite a considérablement limité la quantité de nourriture et de médicaments, laissant plus de 80% de la population dans une situation d'urgence humanitaire. Cela devient encore plus scandaleux lorsque ces faits sont énumérés par le rapporteur spécial des Nations unies sur les droits de l'homme et les sanctions internationales, Idriss Jazairy, qui a déclaré que la situation des gens dans le pays devenait de plus en plus désespérée.
La crédibilité de l'organisme mondial le plus important des droits de l'homme est maintenant mise en question en raison du profil affreux d'un de ses membres, l'Arabie saoudite, et de l'échec des autres membres à l'appeler à la responsabilité
Onze ans après sa création, le Conseil des droits de l'homme des Nations unies est confronté à un scandale choquant.
La crédibilité du premier organisme mondial dans le domaine des droits de l'homme, mis en place pour lutter de façon efficace contre les violations des droits de l'homme sans être sapé par la géopolitique et les intérêts nationaux concurrents, est maintenant mis en question en raison du profil affreux d'un de ses membres, l'Arabie saoudite, et de l'échec des autres membres à l'appeler à la responsabilité. Plutôt que de mettre un terme à l'hypocrisie de l'Arabie saoudite au Conseil des droits de l'homme, l'ONU continue à lui offrir sur un plateau d'argent de nouvelles missions dans le domaine des droits de l'homme.
Si l'ONU se sent en quelque sorte obligé de fermer les yeux sur les violations commises par le Royaume d'Arabie saoudite avant qu'il ait rejoint l'organisation, le moins qu'elle puisse faire serait de rendre compte de ce qu'il a fait depuis qu'il a adhéré au Conseil des droits de l'homme. Le Royaume a commis depuis des violations flagrantes et systématiques des droits de l'homme à la fois chez lui et au Yémen.
L'ONU sert littéralement de camouflage cynique à l'Arabie saoudite, l'aidant à dissimuler ses violations flagrantes et systématiques
Nous sommes aujourd'hui dans une situation où les Nations unies assument une complicité complète de avec les crimes de guerre inhumains et tyranniques de l'Arabie saoudite, les violations des droits de l'homme, la souffrance, l'esclavage et la persécution religieuse. L'ONU sert littéralement de camouflage cynique à l'Arabie saoudite, l'aidant à dissimuler ses violations flagrantes et systématiques et lui proposant de présider à la fois le Conseil des droits de l'homme et la Commission des droits de la femme.
L'ONU, organisme principal des droits de l'homme et tombé dans l'abîme de l'argent et du pouvoir, et il n'y a aucun signe de probable retour à une position –rationnelle et équitable dans un avenir proche.
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