L'offensive ukrainienne ralentit sur le front sud, mais le gros des troupes n'a pas été engagé
La situation est confuse sur le front. Alors que Kiev reste silencieux sur sa contre-offensive, la Russie diffuse des images de destruction de matériel. Selon des experts cités par l'AFP, les combats s'annoncent difficiles.
Le ministère russe de la Défense a diffusé ce 15 mai une vidéo de la destruction de blindés ukrainiens dans la région de Zaporojié, ou se déroulent d'âpres combats depuis deux semaines. Les images semblent être celles d'un hélicoptère Ka-52 Alligator, ciblant un char Bradley de fabrication américaine.
Depuis plusieurs jours, le front évolue peu. L'armée russe a rapporté le 15 juin avoir repoussé cinq tentatives en direction de Donetsk et revendiqué avoir neutralisé 340 soldats ukrainiens. Des tentatives sont aussi signalées par Rybar dans les environs de Bakhmout. L'armée russe a déclaré que ses forces aérospatiales avaient frappé dans la nuit les «lieux de production des drones d'attaque ukrainiens».
De violents combats ont eu lieu récemment au sud-est de Zaporojié, dans le saillant de Vremivka, où le village de Makarivka a changé de mains près d'une demi-douzaine de fois en 48 heures. Le 13 au soir, le même source confirmait le retrait russe de la localité et la difficulté pour les Ukrainiens à avancer plus avant.
L'armée ukrainienne «avance» sur le front malgré une «puissante résistance» des troupes russes, notamment dans le sud de l'Ukraine, a voulu rassurer le 15 juin la vice-ministre ukrainienne de la Défense Ganna Maliar. Les forces ukrainiennes ont progressé de «plus de trois kilomètres» au cours des dix derniers jours dans la zone de Bakhmout, a-t-elle revendiqué pendant une conférence de presse.
Volodymyr Zelensky avait admis le 12 juin au soir que la contre-offensive dans le sud et l'est pour libérer des territoires occupés par la Russie était «difficile», mais qu'elle progressait, revendiquant la prise de sept villages en deux semaines de combats. Aucune nouvelle annonce n'est intervenue depuis.
La Russie, de son côté, affirme tenir ses lignes, empêcher toute percée et infliger de lourdes pertes humaines et matérielles à Kiev. Le 13 juin, lors d'une réunion avec des correspondants de guerre, Vladimir Poutine jugeait celles-ci «catastrophiques», déclarant au passage que l'armée russe frappait aussi lourdement la profondeur ukrainienne et ironisant sur le fait que les chars Leopard et Bradley fournis par l'Allemagne et les Etats-Unis à Kiev «brûlaient bien». Les forces russes ont de surcroît diffusé les images de la capture de blindés.
Attente d'une percée ou hésitations ukrainiennes ?
Selon Pierre Razoux, directeur académique de la Fondation méditerranéenne d'études stratégiques (FMES), cité par l'AFP, l'Ukraine maintiendrait en retrait du front 13 brigades mécanisées, deux brigades blindées ainsi que trois brigades parachutistes et d'assaut aéromobiles, soit 15% de son armée, avec des brigades d'environ 3 000 hommes.
Néanmoins, les combats s'annoncent difficiles, avec «75 brigades pour les Ukrainiens, 65 pour les Russes en Ukraine et près de la frontière», relève l'expert. Avant d'ajouter : «Le différentiel n'est pas énorme.»
L'objectif ukrainien reste incertain. Les villes de Melitopol et Tokmak (sud), voire Lougansk (est) représentent des objectifs militaires. Politiquement, la Crimée rattachée à la Russie en 2014 et le Donbass seraient plus symboliques, mais difficilement atteignables.
Alors que le temps semble jouer en faveur de la Russie, le Soufan Center, spécialisé dans les questions de sécurité et basé à New York, est lui aussi prudent. «La fenêtre de succès de la contre-offensive de l'Ukraine est limitée, au mieux», écrit-il dans une analyse le 14 juin. Après 16 mois de guerre, le président Zelensky, sous perfusion d'aide militaire, doit prouver aux Ukrainiens et à ses soutiens occidentaux sa capacité à faire reculer Moscou.