Afrique : quand l’administration Biden se tire une balle dans le pied
Avec leur futur départ du Niger, les Américains vont perdre un important point d’appui militaire en Afrique. Un recul américain qui a été précipité par les autorités américaines elles-mêmes, via leurs exigences morales vis-à-vis du gouvernement nigérien.
Les États-Unis sont-ils en perte de vitesse sur le continent africain ? Clairement oui, admettent des responsables américains cités par Politico. «La plupart de ces gouvernements ne veulent vraiment pas qu'on leur dise quoi faire», a déclaré l’un d’entre eux, dans un article paru le 22 avril. «Il y a longtemps que l'Occident dit aux pays africains comment gouverner et ils finissent par dire "assez"» a poursuivi cette source ayant requis l’anonymat.
«La stratégie de l’administration Biden a consisté à tenter d’impliquer les gouvernements putschistes et de négocier des feuilles de route et des calendriers pour des élections démocratiques», rapporte Politico, soulignant que la loi américaine proscrit à Washington de fournir des fonds à un gouvernement issu d'un coup d'État. Des «suggestions» américaines qui auraient été «largement rejetées» par les dirigeants africains, poursuit le média washingtonien.
En toile de fond de cette débandade : la décision de Niamey de dénoncer, mi-mars, l’accord militaire avec les États-Unis. Une décision lourde de conséquences pour ces derniers, sur le point de perdre un partenaire militaire clé dans le Sahel ainsi que l’accès à une importante base aérienne qu’ils ont établie à Agadez. D’un coût de 110 millions de dollars, celle-ci permettait notamment aux forces américaines de garder un œil en Libye.
«Nous sommes maintenant dehors. La Russie est désormais de la partie»
Ce retrait militaire américain du Niger viendrait s’ajouter à celui des Français, qui dans la région ont également dû quitter le Mali et le Burkina Faso. Trois pays qui, depuis, se sont rapprochés de la Russie. «Lorsque tous ces pays ont chassé les Français et se sont repliés sur eux-mêmes, nous avons alors essayé de pivoter pour devenir des artisans de la paix dans l'espoir de pouvoir y maintenir notre présence», a confié à Politico un ancien officier du renseignement pour l'Afrique à la CIA. «Tout cela ne fonctionne clairement pas. Nous sommes maintenant dehors. La Russie est désormais de la partie», a-t-il ajouté.
Du côté des autorités nigériennes, c’est clairement le comportement des Américains qui a justifié la décision de mettre un terme au partenariat militaire avec Washington. Lors de l’annonce de la rupture «avec effet immédiat» de cette collaboration, le 16 mars, le colonel-major Amadou Abdramane, porte-parole du gouvernement nigérien, avait dénoncé «avec force l’attitude condescendante», assortie de la menace de représailles», de la part de la chef de la délégation américaine» ainsi que sa «volonté […] de dénier» à Niamey «le droit de choisir ses partenaires et les types de partenariat».
En l’occurrence la Russie et la Chine, «deux pays avec lesquels le Niger entretient des relations diplomatiques depuis plusieurs décennies et qui focalisent tout particulièrement l’intérêt des États-Unis d’Amérique», avait précisé le colonel-major Amadou Abdramane.
Accord secret avec l’Iran : Niamey fustige les «allégations mensongères» des États-Unis
Lors de son allocution, celui-ci avait également balayé les «allégations mensongères» de la secrétaire adjointe américaine aux affaires africaines, Mary Catherine Phee, concernant un accord secret que Niamey aurait signé avec Téhéran pour lui vendre de l’uranium.
«Cette approche cynique, habituellement utilisée pour discréditer, diaboliser et justifier leurs menaces contre les États n’est pas sans rappeler la deuxième guerre d’Irak» a poursuivi l’officier nigérien. Celui-ci a ainsi rappelé, comment Colin Powell, alors chef de la diplomatie américaine, avait brandi de fausses preuves au Conseil de sécurité de l’ONU pour justifier l’agression contre l’Irak menée par les États-Unis. «Dans cette affaire, le gouvernement du président Tandja avait été accusé de façon mensongère d’avoir fourni de l’uranium à Bagdad», a insisté le colonel-major Amadou Abdramane.
La délégation américaine s’était rendue au Niger les 12, 13 et 14 mars. Une visite et des dates annoncées par Washington «de façon unilatérale, par note verbale», a par ailleurs déclaré le porte-parole du gouvernement nigérien, soulignant que les «usages diplomatiques» n’ont pas été respectés.
Sur fond de tensions avec les chancelleries occidentales, habituels partenaires sécuritaires du Niger confronté à la menace djihadiste, Niamey a renfoncé sa coopération militaire avec Moscou. Mi-avril, la télévision publique nigérienne annonçait l’arrivée dans le pays d’un système russe antiaérien ainsi que d’instructeurs russes.