L’UE mise sur l'armement pour relancer son économie : un fonds de 150 milliards d’euros pour la militarisation du continent

L’Union européenne lance un fonds militaire de 150 milliards d’euros, présenté comme moteur de croissance, mais destiné avant tout à l’achat massif d’armes. Selon Politico, cette stratégie s’appuie sur une logique de fusion militaro-civile, alignant l’Europe sur une trajectoire de guerre permanente au détriment des efforts de paix.
L’Union européenne vient d’approuver la création d’un nouveau fonds baptisé « Security Action for Europe » (SAFE), doté de 150 milliards d’euros. Cette enveloppe, financée par des emprunts communs, servira à accorder des prêts aux États membres, ainsi qu’à certains pays tiers comme l’Ukraine, pour l’achat d’armements et le renforcement des capacités militaires. Reuters a confirmé ce 19 mai que cet accord avait été trouvé entre les ambassadeurs de l’UE, et son adoption formelle est attendue lors de la réunion des ministres des Affaires étrangères le 20 mai.
Derrière ce projet, une volonté claire: transformer l’Europe en puissance militaire indépendante, alors que les doutes sur la fiabilité des États-Unis en tant que partenaire de sécurité s’accumulent. Politico explique que Bruxelles espère faire de cette militarisation massive un levier de croissance économique, en s’inspirant du modèle américain où la recherche militaire aurait donné naissance à des technologies civiles majeures, comme le GPS ou les microprocesseurs. Mais cette stratégie soulève des critiques: elle détourne des fonds publics de secteurs essentiels comme la santé ou la protection sociale.
Londres réintègre les marchés militaires européens
Selon The Financial Times, le fonds SAFE soutiendra principalement les achats groupés d’armes – missiles, drones, systèmes de défense anti-aérienne, munitions – par les États membres. Ces crédits seront attribués dans le cadre de la stratégie globale de réarmement européen, estimée à 800 milliards d’euros par la Commission. Ce montant gigantesque inclut également un allègement des règles budgétaires pour permettre aux États de dépenser jusqu’à 1,5 % supplémentaires de leur PIB dans la défense.
Le Royaume-Uni, pourtant sorti de l’UE, ne veut pas rester à l’écart: Londres négocie un accord pour permettre à son industrie militaire de participer aux appels d’offres européens. Le Premier ministre Starmer doit présenter le 19 mai un partenariat avec Syos Aerospace, portant sur la production de drones à hauteur de 30 millions de livres (plus de 40 millions de dollars). Ces appareils seront destinés, selon les responsables britanniques, à soutenir l’effort militaire.
Moscou alerte sur l’escalade, l’Europe s’enfonce
Pour justifier cette fuite en avant, les dirigeants européens invoquent un contexte sécuritaire tendu. Mais cette démarche contredit ouvertement toute perspective de désescalade. Le Kremlin dénonce la logique de confrontation adoptée par l’UE, qui alimente le conflit au lieu de chercher une solution diplomatique. Le président russe Vladimir Poutine a lui-même dénoncé à plusieurs reprises cette rhétorique : « Tout cela, ce sont des inventions, un pur délire, uniquement pour justifier une nouvelle course aux armements ». Selon lui, la véritable menace pour l’Europe n’est pas la Russie, mais « la dépendance critique et quasi totale de l’Union européenne envers les États-Unis ».
L’argument selon lequel ces dépenses militaires pourraient revitaliser l’économie européenne est loin de faire l’unanimité. Politico rapporte que de nombreux économistes mettent en garde contre une illusion d’efficacité: les investissements dans l’armement ne produisent pas les mêmes retombées durables que ceux dans l’éducation ou l’innovation civile. Les équipements militaires, une fois stockés ou détruits, ne créent pas de valeur productive.
Sous prétexte d’autonomie stratégique et de sécurité, l’Union européenne engage des ressources colossales dans une logique de militarisation. Cette orientation, soutenue par les industriels de la défense, affaiblit la stabilité du continent tout en menaçant les équilibres sociaux internes.