Syrie : Poutine reçoit Erdogan à Moscou pour discuter de la situation «explosive» à Idleb
Soucieux de préserver la relation russo-turque, Vladimir Poutine et Recep Erdogan se rencontrent afin d'avoir une «discussion directe» suite au regain de tensions à Idleb, où l'armée syrienne poursuit son avancée.
Le président russe, Vladimir Poutine, et son homologue turc, Recep Tayyip Erdogan, se retrouvent à Moscou ce 5 mars dans un contexte de tensions extrêmes quant à la situation à Idleb en Syrie. «La situation est devenue si explosive à Idleb qu'il est important que nous puissions avoir des discussions directes», a déclaré le chef d'Etat russe lors d'une conférence de presse commune en amont de la rencontre.
Offrant ses condoléances pour la mort des soldats turcs, Vladimir Poutine a rappelé que l'armée syrienne ne connaissait pas l'emplacement des troupes turques lors de ses frappes aériennes, qui ont fait au moins 33 morts. «L'armée syrienne a aussi subi de lourdes pertes», a par ailleurs déclaré Vladimir Poutine en référence aux représailles d'Ankara. Le président russe entend «discuter en détails de tous les problèmes qui se posent» lors de cette rencontre, afin d'une part qu'un tel incident «ne se reproduise pas», et d'autre part de «préserver les relations russo-turques».
Recep Erdogan, qui a souligné l'importance de cette réunion, dont «le monde entier attend les résultats», a lui aussi insisté sur la nécessité de «promouvoir et développer» les relations entre les deux états, qui sont économiquement au plus haut.
Reconquête d'Idleb
Ces dernières semaines, l'armée syrienne a pu reconquérir près de la moitié de la province d'Idleb, contrôlée depuis des années par les djihadistes de Hayat Tahrir al-Cham (dont l'une des composantes est le Front al-Nosra, ancienne branche syrienne d'al-Qaïda), ainsi que par d’autres groupes rebelles. L'avancée inexorable de Damas, bien décidée à recouvrir sa souveraineté sur la totalité de son territoire, se fait notamment au détriment des troupes turques. Ces dernières, qui soutiennent militairement des groupes armés dans la région «en violation des accords de Sotchi» selon Moscou, y tiennent également des postes d'observation.
Le 27 février, au moins 33 soldats turcs ont été tués dans des frappes aériennes de l'armée syrienne : les force de Damas affirment qu'Ankara ne les avait pas informé de la position de ses militaires. Si cet incident tragique a fait monter d'un cran la tension dans la région, il n'en a pas pour autant dissuadé Damas de poursuivre sa reconquête. Le 2 mars, l'armée syrienne a ainsi repris aux rebelles soutenus par la Turquie la ville de Saraqeb, stratégique dans l'optique de sécuriser l'autoroute Alep-Damas (M-5). Le lendemain, l'armée russe a été déployé dans la ville afin d'y mener sa première patrouille, note en outre l'agence de presse Tass.
De son côté, Ankara assure que son opération «Bouclier de printemps», lancée après la mort de ses soldats, «se poursuit avec succès». Alors que le controversé Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH) a annoncé la mort de 119 soldats syriens depuis le début de l'offensive – un chiffre que n'a pas confirmé Damas – , le ministère de la Défense turc s'est félicité le 3 mars d'avoir abattu un avion L-39 appartenant au gouvernement syrien.
Si ses déclarations sont délibérément optimistes, les récentes actions entreprises par Ankara laissent peu de doute quand à la situation difficile dans laquelle se trouve la Turquie. Ce n'est pas un hasard si Ankara cherche a rallier l'OTAN à sa cause, lui demandant de mener des consultations sur la situation en Syrie. Conscient qu'il s'agit selon toutes vraisemblances d'un vœu pieu, la situation à Idleb ne correspondant à aucun article de la charte de l'Alliance atlantique, Recep Erdogan a décidé de faire monter la pression sur ses alliés Européens pour obtenir leur soutien. Il a ainsi ouvert les frontières turques avec la Grèce, afin de laisser passer des milliers de migrants, affirmant qu'il y en aurait bientôt «des millions».
Des actions qui mettent en lumière la main assez faible dont dispose finalement le président turc. En amont du sommet, Recep Erdogan a d'ailleurs expliqué qu'il souhaitait négocier un «cessez-le-feu», ce qui permettrait à Ankara de conserver son ancrage dans la région. De l'autre, le Kremlin a été plus évasif, assurant «conserver son engagement à l'égard des accords de Sotchi», mais aussi être «pour l'intégrité territoriale de la Syrie» et soutenir «la lutte contre les terroristes».