Merkel estime que l'Europe n'aura plus besoin des importations de gaz russe d'ici 25 ans
Le projet Nord Stream 2 a été au cœur de de la visite de la chancelière allemande en Ukraine. Angela Merkel a estimé que «dans 25 ans au plus tard, le gaz ne sera plus du tout exporté de Russie vers l'Europe».
Quelques divergences ont transpiré de la rencontre entre la chancelière allemande Angela Merkel et le président ukrainien Volodymyr Zelensky le 22 août à Kiev. Durant sa visite diplomatique, sa dernière dans la capitale slave avant de prendre sa retraite en tant que chancelière en septembre, la dirigeante allemande a promis que l'Ukraine ne souffrirait pas de la construction du gazoduc Nord Stream 2, rassuré sur le fait que «le gaz ne devrait pas être utilisé comme une arme géopolitique» par la Russie et que l'Allemagne pourrait imposer de nouvelles sanctions à Moscou si nécessaire. Mais Kiev a jugé ne pas disposer de suffisamment de garanties quant au maintien de son statut de pays de transit énergétique.
«Il est important que l'Ukraine reste une terre de transit», a pourtant déclaré la chancelière à l'issue de son entretien avec Volodymyr Zelensky. Angela Merkel a également souhaité que l'accord de transit existant entre l'Ukraine et la Russie soit prolongé au-delà de son expiration en 2024. Elle a cependant exhorté Kiev à se «préparer» au moment où l'Europe se tournerait vers d'autres sources d'énergie, ajoutant que l'Etat allemand soutiendrait en ce sens la transition de l'Ukraine vers les énergies renouvelables : «Dans 25 ans au plus tard, le gaz ne sera plus du tout exporté de Russie vers l'Europe, ou dans des volumes bien plus limités. L'Ukraine doit se préparer au fait que l'UE sera nettement plus indépendante à l'égard du gaz. Comme d’autres pays, l’Ukraine, devra savoir quoi faire quand cela arrivera. Par exemple, nous pourrions coopérer sur l’hydrogène, mais un tel projet doit être développé étape par étape. En 2024, il ne sera pas en mesure de remplacer le gaz», a déclaré Angela Merkel.
L'Allemagne a apporté une aide financière et un soutien diplomatique à l'Ukraine depuis le rattachement de la Crimée au territoire russe en 2014 et le déclenchement du conflit dans le Donbass entre les troupes ukrainiennes et les forces rebelles la même année. Mais Kiev s'est farouchement opposée à un accord entre Berlin et Washington sur Nord Stream 2, qui transportera du gaz vers l'Europe tout en contournant l'Ukraine.
L'accord entre les Etats-Unis et l'Allemagne prévoit d'aider l'Ukraine à continuer de percevoir des frais de transit une fois que Nord Stream 2 deviendra opérationnel. Le président américain Joe Biden n'a ainsi pas essayé de mettre fin au projet, alors que l'Ukraine avait fait pression en ce sens, le gouvernement de Volodymyr Zelensky considérant ce pipeline comme une menace pour la sécurité européenne.
«Je crois qu'il s'agit d'une arme. Je pense que ne pas remarquer qu'il s'agit d'une arme dangereuse, non seulement pour l'Ukraine mais pour l'ensemble de l'Europe, est une erreur», a déclaré Volodymyr Zelensky lors d'une conférence de presse commune. «En ce qui concerne la poursuite du transit par l'Ukraine après 2024, je pense que jusqu'à présent, ces choses sont trop générales», a-t-il critiqué.
L'Ukraine demande la fourniture d'armement militaire
La visite de Merkel intervient deux jours après sa rencontre avec le président Vladimir Poutine lors de sa dernière visite officielle en Russie, où elle avait également insisté auprès du chef de l'Etat russe sur le statut de l'Ukraine en tant que pays de transit. Poutine a déclaré aux journalistes que Moscou respecterait ses obligations et était prêt à prolonger l'accord de transit au-delà de 2024, mais qu'il avait besoin de plus de détails. Dans le même temps, le président russe a souligné que le nouveau gazoduc Nord Stream 2 se montrerait bien plus performant que l'actuel système de gazoduc transukrainien, car plus court de 2 000 kilomètres et construit selon les normes environnementales modernes.
Lors de sa visite à Kiev, Merkel a également appelé à davantage de progrès dans les pourparlers sur la situation dans l'est de l'Ukraine, et a souhaité des négociations «au format Normandie» entre les dirigeants allemand, français, russe et ukrainien. «Cela permettrait de progresser, à mon avis. Je suis heureuse que Volodymyr Zelensky ait dit qu'il serait prêt à le faire», a-t-elle déclaré.
Le chef de l'Etat ukrainien en a également profité pour réclamer l'envoi de matériel militaire de la part de l'Allemagne et de l'OTAN : «Nous avons contacté le gouvernement allemand au sujet de la fourniture d'armes et nous avons essuyé des refus sous une forme ou une autre», a-t-il déploré, soulignant avoir «besoin de choses très concrètes».