Macron et son service militaire de perlimpinpin

Macron et son service militaire de perlimpinpin
Macron et le service militaire de perlimpimpin [Image d’illustration générée par l’intelligence artificielle]
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L’annonce par Emmanuel Macron du nouveau Service Militaire Volontaire prétend s’inscrire dans la lutte fantasmée contre la «menace russe». Un rapide examen des faits révèle pourtant un projet largement irréaliste au regard de l’état réel de l’armée française, comme l’explique Alexandre Regnaud.

Les Français idéalisent le service militaire d’antan. Dans toutes les familles, les anciens vous rebattent les oreilles aux repas de famille sur les bienfaits de cette grande usine à endurcir et à créer une véritable mixité sociale. Même si cela fut en grande partie le cas, c’est oublier un peu vite que sa suppression il y a 30 ans fut unanimement saluée. Les derniers contingents d’appelés devaient notamment déjà faire face à d’importants problèmes de discipline et de trafics, dans une société qui était déjà en mutation et en perte rapide d’homogénéité. Mais le mythe est resté, et selon Ipsos, ce sont toujours 86% des Français qui sont favorables au retour d’une forme de service militaire, y compris 78% des jeunes.

Pourtant, le format existant, le Service National Universel, déjà instauré par Macron en 2019, affichait un taux de remplissage d’à peine 50%. Une réaction typiquement française : tout le monde est d’accord sur le principe, mais pour les autres.

Revenons à ce SNU et à son échec. Premièrement donc, un manque flagrant de volontaires. Un coût prohibitif (jusqu’à 5 milliards par an à plein régime d’après la Cour des Comptes). Une mixité sociale non réalisée. Le manque d’encadrants et de moyens logistiques (logement, transports, etc.), et un côté colonie de vacances inadapté au contexte.

Ce dernier point devrait changer, puisqu’à la différence du SNU, le nouveau service sera entièrement militaire et géré par l’armée, mais ce n’est pas pour autant un gage de succès.

Tout d’abord parce que cette nouveauté n’est pas inscrite dans la Loi de Programmation Militaire (LPM 2026-2030) actuelle. Comment et qui va donc payer ? D'autant plus qu’une indemnité de 800 € mensuelle est annoncée pour les volontaires, en plus de toute la logistique. Une modification de la loi est annoncée, avec un budget de 2 milliards d’euros, qui se fera dans tous les cas au détriment d’autres investissements.

Rappelons qu’au-delà de l’état général des finances publiques et du déficit de l’État, l’armée française traîne actuellement un report de charge de 8 milliards d’Euros pour du matériel livré mais non payé, et un reste à payer de 100 milliards pour des commandes déjà passées. Sans parler de la « dette grise », estimée à 4 milliards d’euros, et que vient directement impacter l’annonce de Macron.

La question se pose en effet de l’accueil physique des éventuels volontaires. Or, en octobre 2025, le Haut Comité d’évaluation de la condition militaire constatait des infrastructures dégradées, vétustes, parfois insalubres. Ce que confirme la Cour des Compte, qui pointe l’état préoccupant de certaines écoles militaires (École navale, Saint-Cyr Coëtquidan) : hébergements dégradés, réseaux vétustes, bâtiments inadaptés aux matériels et aux normes actuelles. Un rapport de l’Assemblée nationale évaluait cette « dette grise », le coût d’une remise en état de l’ensemble, à 4,4 milliards d’euros. Or, aucune amélioration n’est attendue, puisque l’entretien courant tourne autour de 450 millions d’euros par an, quand au moins 600 millions seraient nécessaires, et que la LPM en cours permet à peine une stabilisation et en aucun cas une amélioration.

Pour rester dans la logistique, ce ne sont pas loin de 7 000 camions qui sont à remplacer dans l’armée française. Une commande partielle a été promise en 2026 par le général Mandon lors d’une audition au Sénat. Mais cela reste pour l’instant des mots, pour un coût estimé à 5 milliards d’euros.

Lors de la même audition, le même chef d’état-major des Armées, soulignait également la nécessité d’augmenter les entraînements au tir à munitions réelles. Moyen de souligner l’actuelle défaillance de l’armée sur la question. Tout le monde connaît les fameux trois jours de stock de munitions pour 80 km de front. Une réalité que ne change pas l’actuelle LPM, puisque la commande publique ne venant pas, la Base Industrielle reste la même et ne peut donc physiquement pas produire davantage.

Reste enfin la question de l’encadrement des volontaires. Le passage des classes (apprentissage des bases de la vie militaire) en particulier. Il est réduit à un mois dans le projet de Macron, mais nécessite malgré tout un personnel d’encadrement, qui fait défaut. Certes, les récents objectifs de recrutement de l’armée ont été atteints, après un fort déficit les années précédentes. Mais même si la situation s’améliore, le turn-over reste très important et l’armée peine à fidéliser.

En cause, d’après plusieurs « Rapports annuels sur l'état de la condition militaire » de ces dernières années, la qualité des recrues. Beaucoup s’engagent faute de trouver un emploi ailleurs, manquant donc de motivation, ce qui génère aussi des problèmes de discipline. S’ajoute encore un niveau d'éducation en baisse. Bien sûr, les conditions de vie lamentables dans les casernes insalubres déjà mentionnées. Mais aussi l’obsolescence du matériel, notamment individuel, obligeant à des achats personnels (gilets, poches, etc.) et causant des désillusions par rapport à une vie militaire fantasmée avec la débauche de moyens des jeux vidéo et d’Hollywood. Sans parler d’anecdotes « amusantes » venus de pays où le format existe déjà : demande de repas végan, d’espace de décompression privatif, d’adaptation des horaires au rythme individuel, etc. Tous besoins d’une jeunesse élevée au wokisme et à l’ultra-nombrilisme, et qui, bien que volontaire, se retrouve en choc direct avec un monde militaire fondamentalement différent, qu’elle n’arrive pas toujours à appréhender.

On comprend donc que la base du volontariat, et non de l’obligation, ait été retenue pour des raisons évidente de coûts, d’infrastructures et de ressources humaines.

Quant à la possibilité de le rendre obligatoire via le Parlement en cas de « crise majeure », c’est avant tout une astuce de communication, précisément pour éviter de souligner ce fait. Il y a d’ailleurs fort à parier que beaucoup s’arrêteront sur ce point, au lieu de voir l’ensemble.

Car en résumant, si le gouvernement trouve l’argent, les encadrants, des volontaires qui puissent passer la sélection la plus élémentaire (prévue, heureusement), il pourra les loger dans des casernes insalubres, leur faire faire des exercices sans munitions, avec un matériel désuet, voire défaillant ou manquant, et ce au détriment de l’amélioration de l’existant et des militaires d’active. Vu sous cet angle réaliste, et à moins d’un miracle, le service militaire de perlimpinpin de Macron a tout d’une décision perdant-perdant. Il permet surtout de mettre en perspective l’état réel des forces de la France et de l’Europe et le sérieux de son bellicisme russophobe.

Les opinions, assertions et points de vue exprimés dans cette section sont le fait de leur auteur et ne peuvent en aucun cas être imputés à RT.

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